Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
L

lavis

  • Jacques Callot, l'Agonie au jardin des Oliviers
  • Étienne Delaune, la Musique

Manière d'exécuter ou de colorier un dessin avec de l'encre de Chine ou toute autre couleur délayée dans de l'eau.

   Le lavis peut avoir pour objet de figurer les ombres pour donner la sensation du modelé des corps. Exécuté en une seule teinte, c'est le lavis en camaïeu. On procède au lavis par teintes plates, que l'on peut d'ailleurs juxtaposer, ou par teintes fondues, que l'on obtient en additionnant d'eau la teinte la plus foncée. Une des difficultés du lavis réside dans la rapidité avec laquelle il faut procéder à l'application des teintes pour empêcher que celles-ci ne sèchent trop vite et ne donnent des bavures. La gravure en manière de lavis inventée au XVIIIe s. par J.-B. Le Prince imite, à s'y méprendre, les dessins lavés. Le lavis sur pierre lithographique a été pratiqué au XIXe s.

   On peut exécuter directement au pinceau le dessin lui-même au lavis, ou encore compléter ou rehausser un dessin exécuté à la plume ou au crayon.

   En Extrême-Orient, le lavis est une technique picturale qui, en opposition avec l'usage traditionnel du cerne, dessine les formes par taches et par touches d'encre plus ou moins diluée d'eau. Apparue vers le Xe s., celle-ci permit, par la délicatesse de ses nuances, l'introduction des valeurs aériennes dans la peinture chinoise.

Lawler (Louise)

Artiste américaine (Bronxville 1947).

Depuis la fin des années 70, Louise Lawler construit une œuvre en forme de regard ironique sur le contexte artistique actuel. Dans ses Arrangements, elle se substitue au galeriste ou au conservateur et expose des ensembles d'œuvres contrastant par leur hétérogénéité avec les conventions muséologiques ou commerciales. Ainsi, A Selection of Objects from the Collections of Wadsworth Atheneum, Sol LeWitt and Louise Lawler (une sélection d'objets des collections du Wadsworth Atheneum, de Sol LeWitt et de Louise Lawler), de 1984, confrontait une horloge du XIXe siècle, un tableau de Franz Kline, une scène de genre hollandaise et une phrase de Laurence Weiner dans le but de dévoiler le musée comme amoncellement de matériaux hétéroclites. Par la photographie, Lawler révèle également le destin des œuvres d'art chez certains collectionneurs. Pollock and Tureen arranged by Mr. & Mrs. Burton Tremaine, NYC, de 1984, montre une soupière trônant sous un dripping de Pollock, dont un détail apparaît dans la partie supérieure de l'image. Les œuvres de Lawler, grâce à un cadrage renversant les rapports hiérarchiques, parodient les modes de présentation habituels. Dans cet esprit, Exhibition (1987) se tourne avec ironie vers l'austérité des nouveaux musées et présente deux clichés de salles d'exposition vides, où Lawler a disposé trente verres portant l'inscription " You can hear a rat piss on a cotton " (expression correspondant à " On entendrait une mouche voler "), ou encore Is She ours (Nous appartient-elle ?), 1990, coll. F. R. A. C. de Bretagne. L'œuvre de Louise Lawler a été présenté en 1987 au M. O. M. A. de New York.

Lawrence (sir Thomas)

Peintre britannique (Bristol 1769  – Londres 1830).

Ce fils d'un aubergiste malchanceux en affaires manifesta des dons précoces, que l'on exploita très tôt. En 1782, sa famille s'installa à Bath, où ses portraits au pastel furent vite prisés par la société élégante de Londres. Il partit pour cette ville en 1787, où, à l'exception de quelques mois passés comme élève à la Royal Academy, il continua d'obtenir des commandes, pratiquant surtout la peinture à l'huile. En 1789, il présenta le portrait de Lady Cremorne (1789, coll. part.) à la Royal Academy, ce qui lui valut la commande du portrait de la Reine Charlotte (1789, Londres, N. G.), exposé l'année suivante.

   En dépit d'une réputation déjà solide de peintre mondain, ce fut le portrait de Miss Farren (1790, Metropolitan Museum), présenté la même année, qui captiva le public : l'exécution nerveuse, la vivacité de l'attitude du modèle annonçaient l'orientation nouvelle que l'artiste allait donner à la conception du portrait établie par Reynolds. Au cours des années 90, la réputation de Lawrence dans les salons à la mode comme dans les milieux artistiques ne fit que croître. Il fut nommé A. R. A. en 1791, peintre ordinaire du roi en 1792, à la mort de Reynolds, et R. A. en 1794, à l'âge minimal requis. C'est pourtant au cours de cette période qu'apparaissent les limites de son art. Tout en continuant à produire des portraits de la plus haute qualité, comme ceux de John Angerstein avec sa femme (1792, Louvre), d'Arthur Atherley (1792, Los Angeles, County Museum of Art), Lawrence était obsédé par le désir de peindre dans le " grand style " préconisé par Reynolds (Satan rassemblant ses légions, 1797, Royal Academy, œuvre très proche de Füssli). Il exécutait parallèlement les portraits de théâtre de Kemble, où il apparaît que le manque de formation traditionnelle nuit à la profondeur de l'expression. Ces préoccupations et les ennuis financiers dus à un mode de vie supérieur à ses moyens portèrent alors préjudice à la qualité de ses portraits et le firent souvent tomber dans une excessive facilité technique.

   Après 1800, son style, cependant, acquiert plus de sobriété. L'abandon de la peinture d'histoire lui permit de concentrer ses efforts sur le portrait, comme en témoignent Francis Baring (1807, coll. part.) et les Enfants de John Angerstein (1808, Louvre). La mort de son rival Hoppner, survenue en 1810, le confirma comme chef de file du portrait anglais et lui attira les faveurs du prince régent, qu'il peignit à plusieurs reprises. Ce dernier le fit chevalier en 1815, distinction qui devait faciliter le séjour de l'artiste sur le continent afin d'y exécuter les portraits des dirigeants responsables de la chute de Napoléon. Ce projet fut réalisé en 1818, quand Lawrence se rendit à Aix-la-Chapelle, à Vienne et à Rome (Portrait de Pie VII, 1819, Windsor Castle, comme l'ensemble de la série). Il revint en Angleterre en 1820 et fut élu président de la Royal Academy à la mort de Benjamin West. Son charme personnel lui avait donné accès à toutes les cours et son style brillant l'avait consacré premier portraitiste d'Europe. Dans ses œuvres tardives, on décèle quelques tendances à la sentimentalité (Master Lambton, 1825, coll. part.), mais il réussit à sauvegarder l'aspect le plus original de son art, par exemple dans le portrait de Lady Blessington (1822, Londres, Wallace Coll.), où forme et facture unissent avec bonheur charme et sophistication, ou encore dans celui de John Nash (1827, Oxford, Jesus College), empreint d'une familiarité sincère.

   Il figura avec succès au Salon de 1824 à Paris parmi d'autres artistes anglais, fut décoré de la Légion d'honneur et fit suffisamment impression sur Delacroix pour que celui-ci exécute un portrait dans son style (le Baron Schwiter, 1826, Londres, N. G.). Il fut d'ailleurs reçu aux Tuileries en 1825 pour exécuter le portrait de Charles X (Windsor Castle). Il fit aussi les portraits d'autres personnalités françaises de la Restauration (la Duchesse de Berry, le Duc de Richelieu [musée de Besançon]). Il s'intéressa vivement à l'œuvre d'autres artistes et demeura toujours accessible, même aux plus jeunes et aux moins connus de ses contemporains. Sa carrière fut particulièrement brillante, mais l'œuvre, en dépit de sa séduction, n'atteignit jamais au niveau qu'elle avait laissé entrevoir. Suivant le mot de Haydon : " Lawrence était fait pour son époque et son époque pour lui... " En effet, si ses portraits mondains baignent dans une aura romantique, celle-ci flatte le modèle, mais ajoute rarement à la pénétration de sa psychologie.

   Passionné de dessins, Lawrence réussit une des plus belles collections de son temps, sans égale sans doute depuis celle de Crozat.