Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Makart (Hans)

Peintre autrichien (Salzbourg 1840  – Vienne 1884).

Refusé en 1858 à l'Académie de Vienne, il étudie par lui-même Titien et Rubens. En 1861, il est élève de Piloty à Munich, où il remporte ses premiers succès (la Peste à Florence, 1868).

   Rappelé à Vienne en 1869 par l'empereur, il voyage aussi, à cette époque, à Londres, à Paris et en Hollande. De 1874 à 1878, il réalise l'Entrée de Charles Quint à Anvers (Hambourg, Kunsthalle). Professeur à l'Académie de Vienne, il se pose alors en rival de Feuerbach. Sa dernière commande, la décoration de l'escalier du Kunsthaus de Munich, est restée inachevée.

   Makart fut entraîné par sa fantaisie et son ambition de donner à la peinture d'histoire une interprétation plus exacte et de la rendre plus attrayante. Il séduisit ses contemporains en dépit d'une manière très superficielle. Doué d'une prodigieuse mémoire des formes, il composait en puisant dans ce fonds culturel très riche et suivait la même méthode pour ses portraits, qui sont presque toujours ceux de femmes : Magdalena Plach (1870, Vienne, Österr. Gal.), la Dame au clavecin, (1871, id.), Charlotte Wolter en Messaline (1876, Vienne, Historisches Museum), la Baronne de Waldberg (v. 1876, Salzbourg, Residenzgal.). Makart a, comme d'autres peintres contemporains, subi l'influence de l'art de la Renaissance et du Baroque, mais il fut le seul à pénétrer l'esprit de cette dernière esthétique. Sa vogue ne se limita point à la peinture, il forma le goût de toute une époque et eut une influence considérable. Les grands industriels décoraient leur salon dans le " style Makart ", les petits-bourgeois ornaient leur intérieur d'un " bouquet Makart ". La célébrité du peintre atteignit son apogée avec la décoration de la Ringstrasse, à Vienne, qu'il exécuta à l'occasion des noces d'argent du couple impérial, en 1879.  Ce peintre, si prisé de son vivant et catégoriquement dédaigné par la suite, est encore très contesté aujourd'hui. Ses peintures narratives, de format gigantesque, au coloris brillant et décoratif, exécutées au cours de ses voyages, par exemple Venise rendant hommage à Catherine Cornaro (1873, présentée à l'Exposition universelle de Philadelphie en 1876) ou l'Entrée de Charles Quint à Anvers, 1875 (Exposition universelle de Paris en 1878), qui rencontrèrent l'approbation générale, ont été longtemps reléguées dans les réserves. Seul le Triomphe d'Ariane (1873-1875, Vienne, Österr. Gal.) a toujours été exposé. Les 2 grands tableaux d'Abundantia, les Présents de la terre et les Présents de la mer, l'une des premières œuvres de l'artiste à Vienne, sont au musée d'Orsay.

Makowski (Józef Tadeusz) (connu en France sous le nom de Tadé Makowski)

Peintre polonais (Oświècim [Auschwitz] 1882  – Paris  1932).

En 1902, il étudie la philosophie à l'université des Jagellons à Cracovie et fréquente, de 1903 à 1908, l'Académie des beaux-arts de cette ville. En 1909, il vient à Paris, où il restera jusqu'à la fin de sa vie. Il est influencé d'abord par Puvis de Chavannes, puis par le Cubisme. Vers 1910, il se lie d'amitié avec Le Fauconnier ; c'est dans son atelier qu'il rencontre les " cubistes de Montparnasse " (Gleizes, Metzinger, Léger, Archipenko, les Hollandais — Conrad Kickert, Mondrian, Alma) ainsi qu'Apollinaire et les poètes de l'abbaye de Créteil (Duhamel, Castiaux, Jules Romains, Arcos). En 1913, il expose ses toiles cubistes au Salon des indépendants.

   Vers 1914, il effectue un retour décidé à la nature après avoir longtemps séjourné à Doëlan (Bretagne), où il se rend chez son ami, le peintre polonais Wladyslaw Slewiński. La Bretagne, où il retournera à plusieurs reprises, lui inspire une série de paysages d'un réalisme naïf. Dans le même esprit, l'artiste peint en Auvergne (1922) une toile considérée comme la plus importante de cette période : Concert d'enfants (musée de Varsovie). En 1923, il fréquente un groupe de peintres, qui comprend Gromaire, Dubreuil, Goërg, Per Krogh et Pascin, avec lesquels il expose à la gal. Berthe Weill, où il se manifeste seul en 1927 et en 1928.

   Son style est une synthèse originale d'éléments tirés du Cubisme, de la peinture hollandaise et flamande, du Douanier Rousseau et surtout du folklore polonais. Les enfants servent souvent de motif à l'artiste. Dans ce microcosme pictural, celui-ci exprime joies et peines, rythme de l'existence quotidienne, au moyen de petites marionnettes enfantines, vêtues de costumes très simples soulignant la forme géométrique du corps et coiffées de capuchons pointus. Ses personnages, déguisés et masqués, prennent part aux scènes de bal, de carnaval, aux mascarades. Ces masques lui permettent de différencier dans son théâtre " dei piccoli " les caractères et les ambiances (la Pêche, 1925, musée de Grenoble).

   Parmi les toiles représentant les adultes, citons surtout un groupe de tableaux d'allure plus monumentale, représentant des types comme le Pêcheur, le Chasseur, le Boulanger, l'Avare et, le plus connu, le Sabotier (1930, musée de Varsovie). Makowski a laissé au moins 600 toiles et quelques milliers de dessins, d'aquarelles et de gravures. Il a illustré de bois gravés le livre de Tytus Czyzewski, Pastoralki, publié à Paris en 1925. Plus de la moitié de son œuvre se trouve au musée de Varsovie ; le reste est réparti entre les musées de Paris (M. N. A. M.), de La Haye, de Prague, de Copenhague et dans des coll. part. Après sa mort, ses amis français et polonais ont fondé la Société des amis de Tadé Makowski, dont Gromaire fut le président.

malades mentaux (expression picturale des)

Historique

Il y a près d'un siècle que des psychiatres s'intéressèrent aux œuvres picturales ou graphiques de leurs patients : A. Tardieu (1872) ; Max Simon (1876), qui voulut le premier établir une relation entre la structure des maladies et les styles plastiques.

La création et le diagnostic

Au début du XXe s. parurent, en France et à l'étranger, une série d'ouvrages et d'articles décrivant et reproduisant des œuvres de malades, les classant, les individualisant, s'attachant à déterminer les rapports entre création et affection mentale. Ils prenaient en considération les dessins spontanés, cachés et découverts fortuitement, les essais de copies d'œuvres connues, les œuvres de phases pathologiques aiguës ou d'états chroniques ainsi que celles d'artistes malades. Une classification des maladies s'établit d'après ces styles, symptômes particuliers parmi les autres : troubles du langage, des écrits, des dessins. Les peintures " en séries " furent étudiées comme signes d'évolution et de devenir.

Les débuts de l'esthétique expérimentale

Grâce à l'école de G. Th. Fechner, l'esthétique, de son côté, aborda la voie de l'expérimentation. Rapidement, cette nouvelle approche atteignit les milieux psychiatriques grâce à F. Mohr et à ses élèves : les dessins furent étudiés comme symptômes de troubles perceptifs.

Les grands auteurs et l'époque contemporaine

Les premiers travaux de cette époque s'attachent à l'investigation individuelle. Le Suisse W. Morgenthaler écrit une monographie (1921) sur un malade schizophrène paranoïde devenu célèbre, Adolf Wölfli : l'œuvre de celui-ci, abondante et remarquable par sa beauté étrange, fut l'objet d'une recherche compréhensive, devenue modèle dans son exception même. H. Prinzhorn, à Heidelberg (1923), abandonnant l'étude longitudinale, casuistique, s'attacha à l'approche, dans le sens d'une étude des formes, d'une des premières grandes collections comprenant plusieurs centaines de cas (actuellement au musée de la Waldau-Bern et à Heidelberg). Les autres collections françaises et étrangères furent dispersées, à l'exception de celles du musée Lombroso (1887) à Turin.

   Des travaux psychanalytiques, dès le début de ce mouvement, peut-être grâce à la curiosité de S. Freud sur Léonard de Vinci (1919) et Michel-Ange (1927), furent consacrés à l'art et aux expressions des malades mentaux. Se situent au premier plan les recherches du Genevois Charles Baudoin (1924) et du Berlinois Ernst Kris, émigré par la suite aux États-Unis, esthéticien et psychanalyste, dont un ouvrage, publié tardivement (1952), résume la pensée. Vint ensuite le psychanalyste grec N. N. Dracoulides (1952), élève de Marie Bonaparte. L'école française, représentée par Jean Vinchon (1924-1950), mit l'accent sur la clinique psychiatrique d'une part et sur l'étude du mouvement surréaliste d'autre part. Françoise Minkowska (1949), par ses études sur Van Gogh et Seurat et sur les dessins d'enfants, aborda de manière originale les styles de la schizoïdie et de l'épileptoïdie, de la schizophrénie et de l'épilepsie, dans une perspective formaliste et phénoménologique.

   Des travaux d'équipe commencèrent à être menés en Europe et aux États-Unis entre les deux guerres mondiales, mais, à la fin du dernier conflit, ce furent encore des travaux individuels qui furent publiés. En Angleterre, F. Reitman (1950) : œuvres de malades et monographie sur Goya ; E. C. Dax (1953) : œuvres plastiques et autres expressions de psychotiques ; R. W. Pickford (1939-1968) : un des pionniers de l'esthétique expérimentale avec, en tant que psychologue, un infléchissement vers la psychopathologie. En Allemagne, T. Winckler orienta ses recherches vers la psychologie de l'art moderne (1949). Aux États-Unis, M. Naumburg (1950-1953) fut la première à se servir du matériel imagé dans des psychothérapies de psychotiques et de névrosés. En France, grâce au matériel rassemblé à l'occasion du Ier Congrès mondial de psychiatrie, R. Volmat (1956) tenta une première étude d'ensemble d'un matériel important et divers dégageant les grandes directions de ce domaine nouveau. Mais c'est depuis 1959 qu'une systématisation, une coordination des efforts individuels, des centres et des équipes, une assise administrative furent peu à peu mises sur pied. Un département d'" art psychopathologique " fut créé en 1954 à la clinique des Maladies mentales et de l'Encéphale (Jean Delay). La Société internationale de psychopathologie de l'expression fut fondée (1959) et développa ses sociétés membres nationales. Un Centre international de documentation concernant les expressions plastiques (C. I. D. E. P., 1963– C. Wiart) vit le jour. Congrès, colloques, symposiums, réunions firent peu à peu entrer ces recherches dans le cadre d'une discipline scientifique distincte dans la spécialité neuropsychiatrique. Une activité coordonnée s'étend maintenant à quarante pays. De son côté, l'Institut d'esthétique et des sciences de l'art (Étienne Souriau) créa l'Association internationale d'esthétique expérimentale (Robert Francès) en 1965. Ces deux sociétés, articulées entre elles, entretiennent des rapports avec les associations de psychiatrie et d'esthétique et les groupements d'art-thérapie ; elles ont permis l'établissement de programmes de recherche, qui connaissent des développements imprévisibles peu de temps auparavant, mais prouvés par une très importante parution d'articles, de mémoires et d'ouvrages scientifiques.