Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Hofmann (Hans)

Peintre et théoricien américain d'origine allemande (Weissenburg 1880  – New York 1966).

Sa carrière européenne fut longue et variée. Hofmann étudia de 1898 à 1900 avec Willie Schwartz, qui lui fit connaître l'Impressionnisme. De 1903 à 1914, il séjourna à Paris, où il connut Matisse, noua de profonds liens d'amitié avec Delaunay et fréquenta Picasso et Braque. Ses premières œuvres attestent ces différentes influences. Malheureusement, ses toiles fauves et cubistes ont disparu. Il reste cependant un Autoportrait de 1902 (coll. famille de l'artiste), peint dans un style néo-impressionniste brillant. Hofmann exposa en 1909 à la Neue Sezession de Berlin et tint l'année suivante sa première exposition personnelle chez Paul Cassirer. Dès 1915, il fonda à Munich une école qui obtint rapidement une renommée internationale (Carl Holty, Louise Nevelson, Alfred Jensen, Ludwig Sander furent parmi ses étudiants). Il arriva aux États-Unis en 1930, apportant une connaissance approfondie de la peinture moderne française et allemande. Il ouvrit en 1933 la Hofmann School à New York et en 1935 une Summer School à Provincetown (Mass.). Il fut le seul professeur à exercer une grande influence sur la génération de l'Expressionnisme abstrait. Ce fut surtout à la Summer School, où de nombreux jeunes peintres vinrent étudier sous sa direction, qu'il formula ses théories sur la peinture et en particulier sur la couleur. Il condamna la notion d'art imitation de la réalité et insista sur la construction abstraite par opposition de couleurs. Il professait que " chaque mouvement dans l'espace libère un mouvement contraire ", loi qui trouvait sa source chez Matisse et Mondrian. Cette loi, familièrement appelée le " push-pull " (contraste des couleurs qui avancent ou reculent dans un espace abstrait), devint le principe par exellence de la jeune peinture abstraite. Hofmann prônait une peinture dense et le dynamisme des tracés (Germania, 1951, Baltimore, W. A. G., The Vauguished, 1959, Berkeley, University Art Museum). Ces éléments, dont témoigne abondamment son œuvre, caractérisent au premier chef l'Expressionnisme abstrait (Fantaisy in Blue, 1954, New York, Whitney Museum). L'œuvre de Hofmann est représentée dans la plupart des musées des États-Unis, notamment à New York (M. O. M. A., Metropolitan Museum, Whitney Museum, Guggenheim Museum) et surtout à Berkeley (Californie), où un étage entier du musée est consacré à l'important don (45 toiles) de l'artiste en 1964. Il est également représenté au musée de Grenoble.

Hofmann (Ludwig von)

Peintre allemand (Darmstadt  1861  – Pillnitz  1945).

Hofmann se forma dans les Académies de Dresde (1883-1886), de Karlsruhe et de Munich, puis, en 1889, il travailla à l'Académie Julian à Paris, où il fut vivement impressionné par les œuvres d'Albert Besnard et de Puvis de Chavannes, et, en 1892, à Munich, par celles de von Marées.

   Il se lie au groupe des XI et connaît Corinth, Leistikow et Liebermann. Chez Hofmann, les motifs symboliques du paysage ont reflété d'abord une conception pessimiste du monde, qui s'est effacée au cours de son évolution devant l'expression d'une méditation mélancolique (Nocturne, Munich, Neue Pin.) ou de la joie de vivre. Les silhouettes dynamiques et les couleurs brillantes de ses tableaux visent à représenter l'accord paradisiaque de l'homme et de la nature (Paysage bucolique, v. 1900, musée d'Altenburg).

   Le thème de prédilection de Hofmann, qui correspond au besoin d'une forme rythmique, est la danse et les sujets antiques, Grâces, Ménades ou Niobides, sont restitués dans un présent intemporel. Les formes linéaires se déroulent harmonieusement dans des compositions fortement structurées aux coloris clairs et décoratifs (Près de la source, musée de Riga) et prendront ensuite un aspect cubisant (le Rassemblement, Leicester, Leicestershire Museums Art Galleries).

   Après un séjour à Berlin et à Rome, Hofmann fut appelé en 1903 à la direction de la Kunstschule de Weimar, où il exécuta des peintures murales pour le foyer du nouveau Grand Théâtre et le musée dus à Henry Van de Velde. En 1909, il décora suivant la même technique la salle des Séances du Sénat de l'université d'Iéna. Il laissa encore de nombreux pastels, des esquisses décoratives et des illustrations pour les ouvrages de Theodor Däubler, d'Eduard Stucken et de Herbert Eulenberg. Après 1914, son œuvre, qui évoluera peu, perdit presque toute son influence, naguère importante, sur ses contemporains.

   Hofmann est notamment représenté dans les musées allemands (Berlin, Brême, Hambourg, Cologne, Hanovre, Munich, Wuppertal).

Hogarth (William)

Peintre britannique (Londres 1697  – id. 1764).

D'abord élève d'Ellis Gamble, graveur d'armoiries sur argent, il apprit ainsi l'art de disposer une décoration riche et compliquée à l'intérieur d'une surface réduite. De 1718 à 1720, il acheva sa formation de graveur en s'établissant à son compte.

   En 1720, il exécuta surtout des écriteaux et des enseignes de boutiques, à caractère populaire, pour gagner sa vie. C'est en 1721 qu'il grava les Méfaits de la loterie après l'affaire financière des " Mers du Sud ". À la même époque, il commença à caricaturer les événements de la vie du théâtre et, en 1724, publia sa gravure Mascarades et opéras, dirigée contre la frivolité des mœurs théâtrales de l'époque. En 1728, il exécuta une peinture d'une scène de l'Opéra du gueux de John Gay (plusieurs versions, coll. part., Londres, Tate Gal., et New Haven, Yale Center for British Art), qui venait d'être joué cette année-là, pour la première fois, à Lincoln Inn Fields ; il y représente non seulement les acteurs, mais également quelques spectateurs aristocrates. À partir de 1720, Hogarth illustra également des ouvrages, parmi lesquels le Paradis perdu (1724) et Hudibras de Butler (1727).

   Il commença à se faire vraiment connaître comme peintre et comme graveur en 1729, année où il épousa la fille du célèbre peintre sir James Thornhill. Il peignit alors un grand Portrait de Henry VIII et d'Anne Boleyn (disparu) pour les jardins de Vauxhall, son premier essai d'une grande peinture historique. Entre 1729 et 1733, il gagnait facilement sa vie comme portraitiste et travaillait surtout pour une clientèle aristocratique. C'est à cette même époque qu'il joua un rôle dans l'introduction en Angleterre des conversation pieces : le Mariage de Stephen Beckingham et de Mary Cox (1729, Metropolitan Museum), la Famille Wollaston (1730, Leicester, Art Gal.), la Famille Fountaine (Philadelphie, Museum of Art), la Pêche (Londres, Dulwich College), Réception à Wanstead House (1730, Philadelphie, Museum of Art), la Représentation de l'empereur indien (1731, coll. part.) illustrent bien ce genre.

   C'est au début des années 30 que Hogarth exécuta ses deux premiers cycles satiriques : la Carrière d'une prostituée (Harlot's Progress, en 6 épisodes, 1732, peintures originales auj. détruites) et la Carrière d'un roué (Rake's Progress, en 8 épisodes, 1735, originaux au Soane Museum de Londres). Ces deux séries, qui apportent quelque chose de tout à fait nouveau à l'art anglais, constituent un genre inédit, indépendant des modèles hollandais ou français. Elles correspondaient, selon Hogarth, à des " sujets modernes et moraux " tirés de la vie quotidienne de la première moitié du XVIIIe s. telle qu'il la voyait. Hogarth montre des individus, non des types, et la société qui les entoure. Ces séries pouvaient atteindre un public très large grâce à la gravure, et le succès financier des " carrières " l'amena à pratiquer le genre historique à une grande échelle. C'est ainsi qu'il donna le Bon Samaritain et la Piscine de Bethsaïde pour Saint Bartholomew's Hospital, qui s'inspirent, pour leur composition, de Raphaël et de Rembrandt, mais dont la facture se rattache bien au style rococo. Après avoir peint une nouvelle série (Une journée à Londres, en 4 épisodes, 1737, coll. part.), Hogarth exécuta le grand portrait du Capitaine Coram (1740, Londres, Foundling Hospital), qui marque un nouveau tournant dans l'art du portrait en Angleterre. Il ne s'agit pas du portrait officiel d'un roi ou d'un gentilhomme, mais de celui d'un bourgeois arrivé, avec tous les attributs de sa prospérité.

   Parmi les nombreux autres portraits peints par Hogarth au cours de sa carrière, on peut citer les Enfants Graham (1742, Londres, Tate Gal.), Mary Edwards (1742, New York, Frick Coll.), Benjamin Hoadly (1743, Londres, Tate Gal.), Mrs. Salter (1744, id.), l'Autoportrait au chien (1745, id.), les Domestiques du peintre (id.), Garrick et sa femme (1757, Windsor Castle).

   En 1745, Hogarth acheva une autre série, qui est consacrée aux rangs élevés de la société : le Mariage à la mode (originaux en 6 épisodes à Londres, N. G.). L'année suivante, ce fut la Marche sur Finchley (1746, Londres, Foundling Hospital) et Garrick dans le rôle de Richard III (Liverpool, Walker Art Gal.), représentant le célèbre acteur sur scène. En 1748, il peint À la porte de Calais (Londres, Tate Gal.) et produit les séries gravées du Travail et de la paresse, la plus didactique et la plus moralisatrice de toutes ses œuvres. En 1753, il publie un traité théorique, The Analysis of Beauty (Analyse de la beauté), où il considère la " ligne serpentine " comme élément primordial du beau. En 1754, il peignit sa série sur les Élections (4 épisodes, Londres, Soane Museum), gravée par la suite, et, en 1756, exécuta un grand retable peint pour Saint Mary Redcliffe à Bristol (triptyque : l'Ascension, les Trois Maries au sépulcre, la Fermeture du sépulcre, en dépôt à Bristol, City Art Gal.). Sa dernière tentative dans le grand genre historique fut Sigismonde (1760, Londres, Tate Gal.), généralement considérée à l'époque comme un échec. Hogarth fut un personnage fort complexe. On ne doit pas oublier que, tout en ridiculisant les diverses formes du snobisme en matière d'art et en s'attaquant aux soi-disant " connaisseurs ", il peignait en même temps des sujets historiques tout à fait conventionnels à une grande échelle et qu'il eut toujours l'ambition de " briller " comme peintre d'histoire. Pleinement conscient d'être anglais, il estimait que les peintres anglais avaient tout lieu d'être fiers de leur pays et qu'ils devaient éviter de singer les mœurs et les coutumes italiennes ; il signa ainsi un portrait d'homme (peint en 1741) : " Hogarth Anglus Pinxit ". Très " anglais " en effet, Hogarth fut également fort proche de la tournure d'esprit et de la mentalité de son temps. Ses cycles s'apparentent étroitement aux romans de Fielding et, comme eux, combinent réalisme et intuition avec satire et moralité. La gravure jouissant d'une large diffusion, ses récits moraux atteignaient un vaste public, aristocratie, hautes classes et classes moyennes, et étaient de très loin supérieurs aux gravures populaires qui les avaient précédés dans le même genre. Il brisa la conception traditionnelle du portrait en Angleterre en choisissant un sujet original en rapport avec la vie contemporaine. Ce fut en réalité un peintre littéraire : on peut " lire " ses peintures, et cette qualité le fit mettre par Hazlitt au rang des écrivains comiques. Par la forme, Hogarth appartient à la période rococo. Par sa touche, délicate et spontanée, il égale ses contemporains français. Certains tableaux esquissés permettent de juger l'extraordinaire liberté de sa facture : ainsi la fameuse et charmante Marchande de crevettes (Londres, N. G.), Chez le tailleur (Londres, Tate Gal.), le Bal (1745, Camberwell, South London Art Gal.). Même dans sa peinture " sérieuse ", son style ressemble à celui d'Amigoni par sa fraîcheur et sa " bravura ". Enfin, l'actualité et le réalisme de son œuvre gravé constituent sa contribution la plus fondamentale à l'art anglais et européen.