Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître de Boucicaut, dit aussi Maître des Heures du maréchal de Boucicaut

Enlumineur franco-flamand (actif à Paris au début du XVe s.).

Il doit son nom aux Heures peintes, v. 1405-1410, pour Jean II Le Meingre, maréchal de Boucicaut (Paris, musée Jacquemart-André) : autour de ce chef-d'œuvre de l'enluminure parisienne se groupent un grand nombre de manuscrits, autographes ou exécutés en collaboration avec d'autres artistes, comme le Maître de Bedford, et qui semblent pour la plupart avoir été enluminés à Paris dans les vingt premières années du siècle (Trésor des histoires, Paris, bibl. de l'Arsenal ; Livre des merveilles, Tite-Live, Heures, Paris, B. N. ; Dialogues de Pierre Salmon, bibl. de Genève ; Heures, bibl. Mazarine, British Library, Bibl. royale de Bruxelles, W. A. G. de Baltimore). L'élégance traditionnelle de la miniature parisienne y est ravivée par une subtilité décorative tout aristocratique, par une gamme de couleurs originales où dominent le vert clair et le vermillon, par une touche variée en petites hachures. L'ensemble révèle une personnalité dont l'influence a été décisive à l'aurore du XVe s. Plus encore que son prédécesseur Jacquemart de Hesdin, influencé comme lui par l'Italie, le Maître de Boucicaut est un novateur dans la représentation de l'espace. D'une part, il porte un soin particulier à la construction des édifices, même si leur perspective demeure primitive ; les architectures sont d'une structure plus complexe, vues en perspective oblique par une arcature ouverte au premier plan. D'autre part, en découvrant le rôle de la lumière, il apporte deux révélations nouvelles, la perspective aérienne et le clair-obscur intérieur : dans les paysages, les objets s'estompent en s'éloignant et le ciel dégradé dispense une lumière de plein air ; dans les pièces fermées, aux tons plus sombres, l'intimité est créée par la clarté d'une fenêtre ouverte. Par cette vision nouvelle de l'espace et cette sensibilité à l'atmosphère, par les procédés inventés pour les exprimer, il ouvre la voie au réalisme nordique, qui triomphera avec le Maître de Flémalle et les Van Eyck. Le Maître de Boucicaut est peut-être à identifier avec le Brugeois Jacques Coene (connu de 1398 à 1404), qui fit carrière à Paris et travailla en 1399 au dôme de Milan.

Maître de Burgo de Osma

Peintre espagnol (actif à Valence au début du XVe s.).

Parmi les tableaux anonymes valenciens de style gothique international, une série d'œuvres exécutées dans le cercle immédiat de Pedro Nicolau a été attribuée à un artiste que Saralegui nomme " le Maître de Rubielos " ou " le Maître valencien de Burgo de Osma " qui peut être identifié avec Jaime Mateu (connu entre 1402 et 1452). Le retable de Rubielos de Mora, par le graphisme aigu des figures et l'expression presque caricaturale de certains visages, est marqué d'un fort accent nordique venu de Marzal de Sax, qui travailla à Valence entre 1393 et 1410. Le Retable de la Vierge, qui a appartenu à la cathédrale de Burgo de Osma, a été reconstitué autour d'une Vierge à l'Enfant entourée d'anges (Louvre) avec plusieurs panneaux dispersés (Burgo de Osma, Louvre, musée Marées de Barcelone). Cet ensemble présente un modelé plus souple et plus gracieux, où le courant toscan est plus sensible. Ces deux tendances se trouvent étroitement réunies dans plusieurs fragments : Saint Blaise et saint Jacques (Valence, anc. coll. Burguera), Vierge allaitant (autref. cathédrale de Valence), Annonciation (Prado), Descente de croix (Barcelone, coll. Puig Palau), Mise au tombeau (Séville, Musée provincial).

Maître de Campodonico

Peintre italien (actif dans les Marches au milieu du XIVe s.).

Il est l'auteur de fresques (Crucifixion, datée de 1345 ; Annonciation) dans l'église de l'abbaye de S. Biagio in Caprile, à Campodonico (non loin de Fabriano), dans l'oratoire de la Maddalena à Fabriano (mêmes sujets qu'à Campodonico) ainsi qu'au Palazzo Serafini à Fabriano (fragments détachés provenant de Santa Maria di Appennino). Ces œuvres, les plus remarquables sans doute de celles qui furent peintes dans les Marches au XIVe s., révèlent la connaissance profonde de Giotto et de Pietro Lorenzetti (Assise). Elles sont le fait d'une personnalité très originale, peut-être formée dans le fécond foyer de Rimini, cherchant de violents effets plastiques et possédant un puissant don dramatique.

Maître de Canapost

Peintre espagnol (actif en Catalogne et en Roussillon dans le dernier quart du XVe s.).

À cet artiste anonyme ont été attribuées 5 œuvres de grande qualité technique et esthétique qui révèlent la connaissance des peintres français et particulièrement celle de Jean Fouquet (Tours, v. 1420 – id. v. 1480). La plus ancienne peinture connue semble être le Retable de la Vierge au lait (Gérone, musée diocésain) provenant de l'église S. Estebán de Canapost (prov. de Gérone) qui donna son nom à l'artiste. Le panneau central reproduit le type de la Vierge découvrant son sein gauche, élaboré par Fouquet sur le volet droit du Diptyque de Melun (v. 1452, musée d'Anvers). On note également dans ces 2 œuvres la même insistance sur les volumes sphériques et lisses, la même stylisation élégante des formes et le même effet chromatique obtenu par une large utilisation de la couleur blanche. Une même conception picturale, malgré des différences techniques imposées par les supports (toile au lieu de bois), apparaît dans les 12 scènes (Barcelone, M.A.C. ; Majorque, coll. part.) provenant des portes d'orgue de la cathédrale d'Urgel. Le Retable de la Trinité, (Perpignan, musée Rigaud) peint en 1489 pour la chapelle de la Loge de mer de cette ville, fournit la seule référence chronologique pour cet artiste et met en évidence sa parfaite maîtrise de l'espace et un vrai sentiment du paysage. Ces qualités se développent dans le Saint Jérôme pénitent et l'Annonciation (Barcelone, M.A.C.), provenant de Puigcerdá, qui correspondent à une époque de pleine maturité du peintre. On lui attribue également un reliquaire à double face (Vierge à l'Enfant et Sainte Face) donné en 1496 à la cathédrale de Gérone et sur lequel apparaît l'écusson de Berenguer de Palau, évêque de Gérone entre 1486 et 1506.