Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Munkácsy (Michael Lieb, dit Mihály)

Peintre hongrois (Munkács 1844 – Endenich, près de Bonn, 1900).

Après une enfance difficile et misérable, qu'il raconta lui-même dans ses lettres à Mme Chaplin (1885), il reçut ses premières leçons d'un peintre ambulant, Alexis Szamossy, puis, en 1863, il travailla à Budapest chez Anton Ligeti. Il étudia ensuite à Vienne près de Rahl et de Piloty (1864), puis à l'Académie de Munich (1866). Il fut alors très attiré par l'art de Rembrandt. De passage à Paris en 1867, il découvrit aussi la leçon réaliste et sociale de Courbet. À partir de 1868, il se perfectionna, à Düsseldorf, dans l'atelier de Knaus. Il exposa alors au Salon des artistes français de 1870 son célèbre Dernier Jour d'un condamné à mort en Hongrie (1870, Budapest, G. N. H.), qui lui valut la médaille d'or, l'admiration de tous et l'attention de Castagnary. Il peignit ensuite de nombreuses toiles d'un réalisme de plus en plus antilittéraire, révélant un penchant pour l'anecdote. Il s'installa à Paris en 1872 et séjourna aussi à Barbizon en 1874, où il exécuta des paysages sonores d'une belle qualité de coloris (Route poussiéreuse, 1881, id. ; l'Allée de châtaigniers, 1886, id.). Ayant épousé la veuve du baron de Marches, et lié à plusieurs marchands, il mena à Paris, durant de longues années, une vie d'artiste consacré, opulente et mondaine. S'il réalisa dans ce milieu des toiles très parisiennes, où il délaissa quelque peu le Réalisme pour se souvenir de Makart et, comme Leibl, se rapprocher des impressionnistes, il se consacra surtout à des œuvres historiques et religieuses, d'un caractère vigoureux, malgré un accent un peu trop théâtral (le Christ devant Pilate, 1881, Budapest, G. N. H., et Paris, musée d'Orsay). Il exécuta pour le palais du Parlement, à Budapest, une vaste composition décorative : la Prise de possession de la Hongrie par les Magyars en 896 (salle de réception du Conseil de présidence).

   Munkácsy mourut en 1900 à Endenich, près de Bonn, dans un asile d'aliénés. Sa facture à la pâte épaisse, aux tonalités sombres, est relevée de touches d'un blanc pur ou d'un rouge ardent qui font vibrer les camaïeux assourdis de noirs, de bruns et de gris : les Faiseuses de charpie (1871, Budapest, N. G.), le Héros du village (1875, Cologne, W. R. M.) ou la Femme à la baratte (1873, Budapest, G. N. H.).

Muñoz (Lucio)

Peintre espagnol (Madrid 1929-id. 1998).

Il fut élève de l'École des beaux-arts de Madrid de 1949 à 1954 et travailla avec Eduardo Chicharro. Son style est une synthèse personnelle de l'Expressionnisme dans sa volonté de témoignage et des techniques abstraites, surtout informelles, qui permettent à l'artiste le libre maniement de la pâte et l'adjonction de matériaux hétérogènes, privilégiant notamment le bois brûlé comme support et motif à la fois. Relativement figuratif à ses débuts (bœufs écorchés, crucifixions, personnages), Muñoz exploitait une palette discrète (verts, marrons et noirs) qui devint plus haute et vibrante quand l'exécution tendit à absorber le motif. Depuis 1968-69, il est revenu, de manière moins convaincante, à un certain réalisme. Il fut sélectionné pour la Documenta de Kassel en 1972. Son style évolue au début des années 1980 vers un certain lyrisme qui marque de grands paysages réalisés sur bois. Il est représenté à Londres (Tate Gal.), Amsterdam (Stedelijk Museum), Oslo (Ng), Vienne (musée du XXe Siècle), Cuenca (musée d'Art abstrait espagnol), La Haye (Gemeentemuseum), Madrid (M.E.A.C. et Fondation March), Buenos Aires (musée). Une importante rétrospective de son œuvre est organisée par la ville de Barcelone au Palais de la Virreina en 1989.

Muñoz (Sébastián)

Peintre espagnol (Ségovie 1654  –Madrid 1690).

D'abord formé dans l'atelier de Claudio Coello, il étudie ensuite à Rome avec Carlo Maratta. À son retour, il collabore avec son premier maître aux fresques du collège de la Manteria de Saragosse (1684). Nommé peintre du roi (1688), il participe aux décorations à fresque de l'Alcázar de Madrid. Comme peintre religieux, son style est étroitement lié à celui de Claudio Coello (Martyre de saint Sébastien, 1687, Bordeaux, coll. part.). Pour le couvent des Carmelitas Descalzas de Madrid, il exécute une peinture commémorant les Funérailles de la reine Marie-Louise (New York, Hispanic Society). Muñoz fut aussi un remarquable portraitiste.

Muñoz Degrain (Antonio)

Peintre espagnol (Valence 1841  – Málaga 1924).

Formé à l'Académie des beaux-arts de Valence, après avoir abandonné des études d'architecture et avoir fait un bref séjour en Italie (1856), cet artiste, compagnon de Domingo Marqués, est en fait un autodidacte qui reçut la consécration des récompenses des expositions régionales puis nationales (1881-1884) et même universelles (Philadelphie, Chicago). Installé à Madrid de 1871 à 1879, il développe son talent pour le paysage dans le cadre de l'école créée par Carlos de Haes et en fait sa première spécialité. À Madrid et surtout à Málaga, où il s'installe en 1879, il développe un type très personnel de paysage, caractérisé par un trait vif, une couleur très audacieuse, outrancière pour l'époque, qui évolue d'un lyrisme encore romantique vers une facture et une conception proches des impressionnistes. Le rendu de l'atmosphère, des effets de lumière — orages, clairs de lune, soleils couchants — modèle sa vision du paysage fortement marquée par l'Andalousie, Grenade particulièrement (Averse sur Grenade, Madrid, Casón, nombreux paysages dans les musées de Valence et Málaga). En 1895, il remplaça Carlos de Haes à la chaire de paysage de l'École des beaux-arts de San Fernando de Madrid. Jouissant d'une belle notoriété, il fut nommé académicien et effectua, comme pensionnaire d'honneur de l'Académie, un second voyage à Rome. Il se consacra également aux décors (Théâtre Cervantès à Málaga en 1870) et à la peinture d'histoire. Les Amants de Teruel (1884, Casón) sont une des œuvres les plus caractéristiques du grandiose réalisme historique exaltant le tragique et la grandeur espagnols qui domine la seconde moitié du XIXe siècle.

   L'un des artistes les plus représentatifs de la fin du XIXe siècle, évoluant du romantisme vers une conception presque impressionniste, il eut, parmi ses élèves à Málaga le tout jeune Pablo Picasso.