Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Penni (Luca)

Peintre italien, actif en France (Florence [ ?] 1500/1504  – Paris 1556-57).

Frère de Giovanni Francesco (Il Fattore) et de Bartolomeo Penni (qui travailla en Angleterre entre 1531 et 1533 à la cour d'Henri VIII), Luca se forma, dit-on, près de Raphaël, puis de Perino del Vaga, à Lucques et à Gênes. Venu en France v. 1530, il est cité, avec de très hauts gages, dans les comptes de Fontainebleau, puis, à partir de 1537 et jusqu'en 1540, dans l'équipe de Primatice à la salle haute du pavillon des Poësles et dans celle de Rosso à la galerie François-Ier. Il est aussi mentionné comme auteur de cartons de tapisseries. Vers 1547, Penni se fixe définitivement à Paris. En 1549, il est au service de Mme de Guise, dont il fera le portrait en miniature. Il travaille alors beaucoup pour les graveurs (Mignon, Davent, Boyvin et surtout Delaune). Le 21 septembre 1556, Penni rédige son testament ; son inventaire après décès du 12 avril 1557 mentionne des dessins pour des armes, des portraits, des médailles, des gravures. C'est par les gravures et les dessins (Louvre, Albertina, Windsor) que l'on peut imaginer son style, qui a transmis à Fontainebleau la tradition de l'école de Raphaël. Les nombreuses gravures exécutées d'après ses œuvres, de son vivant et après sa mort (Ghisi, Nelli, Rota, Lafrery, Cock), attestent son influence fort importante sur l'art français du XVIe s., et que son fils Laurent Penni, graveur, contribua sans doute aussi à diffuser. Mais Luca Penni a été sensible à l'influence de Rosso et de Primatice. Sa personnalité de peintre reste encore à retrouver : on peut proposer de lui attribuer la Justice d'Othon, récemment acquise par le Louvre, et, avec moins de certitude, la Pietà du musée d'Auxerre. Son œuvre est probablement en partie confondue avec celle des Cousin (problème des tapisseries de l'Histoire de Diane).

Pereda (Antonío de)

Peintre espagnol (Valladolid 1611  – Madrid 1678).

Fils de peintre, élevé dans sa ville natale, puis disciple de Pedro de las Cuevas à Madrid, il trouva des protecteurs dans le milieu de la Cour (notamment l'Italien Crescenzi). En 1635, il collabore à la décoration du salon des Royaumes au nouveau palais du Buen Retiro (Délivrance de Gênes dans la série des " Victoires espagnoles ", auj. au Prado) aux côtés de Carducho, Velázquez, Zurbarán. Par son sujet, cette œuvre, avec Agila, roi des Goths (1635, Lérida, séminaire), reste exceptionnelle dans la carrière du peintre, qui, par la suite, se tint à l'écart du Palais, travaillant pour des couvents et des églises. À côté de vastes tableaux d'autel, plus brillants de couleur que personnels de sentiment (Saint Augustin et sainte Thérèse aux pieds de la Vierge et de saint Joseph, 1640, Carmélites de Tolède ; Mariage de la Vierge, 1640, peint pour les capucins de Valladolid, auj. à Saint-Sulpice de Paris), des œuvres de plus petit format, figures isolées comme l'Ecce homo (1641) et le Saint Jérôme pénitent (1643) du Prado, joignent à l'impeccable chromatisme appris des Vénitiens un dessin ferme et une sobre vigueur réaliste, non sans quelque souvenir du ténébrisme riberesque.

   D'autre part, Pereda affectionne tout spécialement la nature morte, étoffes précieuses et joyaux, fruits et fleurs, ustensiles de cuisine baignant dans une lumière chaude et sourde (Lisbonne, M. A. A., 1650-51 ; Ermitage), et Palomino déclare qu'" en ce genre aucun peintre ne l'a surpassé ". Pereda cultive aussi l'allégorie morale, sur un ton analogue à celui des " vanitas " hollandaises, opposant les splendeurs décevantes du monde et la fugacité des destins humains. Il a donné en ce genre quelques-uns des chefs-d'œuvre de la peinture espagnole (le Songe du jeune gentilhomme, Madrid, Acad. S. Fernando ; Vanitas, Vienne, K. M.). Dans ses dernières années, Pereda assimile ce dynamisme baroque que Madrid adopte autour de 1660, et l'applique — superficiellement — dans ses derniers tableaux d'autel (Miracle de la Portioncule, 1664, musée de Valladolid ; Descente de croix, musée de Marseille ; le Portrait de saint Dominique remis au moine de Soriano, Madrid, musée Cerralbo ; Saint Guillaume d'Aquitaine, Madrid, Acad. S. Fernando), œuvres quelque peu conventionnelles mais toujours d'une magnifique qualité picturale.

Peredvijniki (Ambulants)

Dénomination abrégée des membres de la Société des expositions ambulantes, fondée à Saint-Pétersbourg en 1870 et dont l'un des buts était la propagation à travers le territoire de la Russie d'un art s'adressant à la compréhension des masses populaires. S'opposant à la joliesse routinière de l'Académisme, le nouvel art sacrifiait délibérément l'élément esthétique et technique en faveur du progrès social en devenant instrument d'éducation populaire par le truchement d'une imagerie dénonçant les abus des pouvoirs, l'inégalité des classes et des fortunes, et en s'apitoyant sur la misère et l'ignorance du peuple. La société eut pour fondateurs G. Miassoïedov, I. Kramskoï, N. Gay, V. Perov, K. Makovski, et pour principaux mécènes, les frères Tretiakov et, paradoxalement, le tsar Alexandre III. De 1871 à 1917, 48 expositions des Peredvijniki se sont déplacées entre Saint-Pétersbourg, Moscou, Kiev et des villes de province. Vers 1890, l'emphase accusatoire céda la place à la narration anecdotique, voisinant avec les genres du paysage, du portrait, de l'histoire et du folklore nationaux. La société subsista jusqu'en 1923, et sa première idéologie de mission humanitaire a été adoptée par le Réalisme socialiste.

Pereyns (Simon)

Peintre flamand actif au Mexique (Anvers v.  1535  – Mexico 1600).

Le premier peintre venu d'Europe qui ait conquis la grande renommée au Mexique est un Flamand (au nom souvent déformé en " Perin ", voire " Perez " !) dont la carrière est assez bien connue par des contrats et par les pièces du procès qu'il subit devant l'Inquisition. Originaire d'Anvers, on le trouve à partir de 1558 dans la péninsule Ibérique, d'abord à Lisbonne, où il passe une année, puis à Tolède et à Madrid. Apprécié à la Cour comme portraitiste, il aurait peint à plusieurs reprises Philippe II, mais aucune trace de ces activités n'est parvenue jusqu'à nous. Pereyns fait partie de la suite du nouveau vice-roi, le marquis de Falces, lorsque celui-ci débarque à Mexico en 1566 : le vice-roi " le recevait, avait pour lui toutes sortes d'attentions ". Dès l'année suivante, des contrats de retables importants, aujourd'hui perdus (Teteaca, Mexiquic), attestent son succès. Mais cette fortune doit éveiller la jalousie des peintres déjà sur place. L'un d'eux, Francisco de Morales, " connu, lui et sa femme, pour mauvaises langues ", brouillé avec Pereyns après avoir été son collaborateur (et restant son débiteur !), le dénonce au Saint-Office en 1568 comme ayant tenu des propos scandaleux : il aurait trouvé naturelles les amours hors mariage, et préféré à la peinture d'images pieuses celle des portraits, " qui rapporte plus ". Arrestation, interrogatoires avec torture : Pereyns nie fermement ; d'autres artistes, cités comme témoins à décharge, l'appuient. Finalement, on le libère, sous réserve de peindre à ses frais une Vierge " très dévote " pour la cathédrale. Il s'agit vraisemblablement de la populaire Vierge du pardon (" trascoro " de la cathédrale, Mexico), qu'il a signée. Cette mésaventure ne trouble pas une carrière de peintre qui continue brillamment. Pereyns se marie l'année suivante à Mexico et sans doute y termine sa vie. On y suit sa trace jusqu'en 1588 : en 1584, il peint le grand retable (auj. disparu) de la cathédrale et, en 1585, le Saint Christophe qui y est conservé ; en 1586, il exécute le retable du monastère de Huejotzingo, son œuvre la plus importante, dont les six compositions principales sont consacrées à la vie du Christ.

   À travers ces œuvres, Pereyns apparaît comme un romaniste habile, influencé par Raphaël (peut-être à travers des Sévillans comme Vargas et Villegas, dont ses Vierges ont la grâce un peu mélancolique), mais resté fidèle à ses attaches flamandes, non seulement par la transposition de gravures de Sadeler d'après Maerten de Vos (Adoration des mages et Circoncision de Huejotzingo), mais aussi par le sentiment, à la fois familier et fervent, et le sens du paysage qui plaisent dans son Saint Christophe, trop souvent traité à cette époque en morceau de bravoure. Cet art, à la fois savant et assez proche de la sensibilité populaire, orientera la peinture mexicaine pour plus d'un demi-siècle.