Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Mignon (Abraham)

Peintre allemand (Francfort-sur-le-Main 1640  – Utrecht 1679).

Élève de Jacob Marrel à Francfort, il alla avec son maître, v. 1659, aux Pays-Bas, à Utrecht plus particulièrement, où il travailla dans l'atelier de J. D. de Heem et où il fut inscrit à la gilde de Saint-Luc en 1676. Comme de Heem, il peignit de très nombreux Bouquets de fleurs, en général sur fond sombre, souvent agrémentés de chats, d'insectes ou d'oiseaux (Rijksmuseum ; Louvre ; Mauritshuis ; Rotterdam, B. V. B. ; Munich, Alte Pin.). Suiveur fidèle de de Heem, il représente un abâtardissement du style baroque de ce dernier par sa finesse et sa précision quasi illusionniste, mais d'une virtuosité qui l'apparente à Marseus Van Schrieck, Vithoos, Walscapelle, Evert et Willem Van Aelst.

Millais (sir John Everett)

Peintre anglais (Southampton 1829  – Londres 1896).

Élève de la Royal Academy en 1840, il obtint plusieurs médailles à un âge étonnamment précoce. Les premières toiles qu'il exposa étaient d'un académisme total (Pizarro victorieux des Incas au Pérou, 1846, Londres, V. A. M.).

   Il rencontra Holman Hunt et Rossetti et devint un des fondateurs de la confrérie des préraphaélites, à laquelle son œuvre doit sa meilleure veine. Son Lorenzo et Isabella (1848, Liverpool, Walker Art Gal.), exposé à la Royal Academy en 1849 pour illustrer les théories du mouvement, fut tièdement reçu. Le Christ dans la maison de ses parents (1850, Londres, Tate Gal.), moins " troubadour " d'inspiration et plus réaliste dans le détail, obtint un accueil exécrable, ce qui attira une brillante défense de Ruskin. Il en alla de même avec le Retour de la colombe de l'Arche (1851, Oxford, Ashmolean Museum), notamment pour des questions d'ordre religieux. Ce n'est qu'avec la présentation d'Ophélie (1851-52, Londres, Tate Gal.) que Millais connut enfin le succès qu'il méritait à cause de son étonnante virtuosité technique. Il peignait le paysage sur nature le plus fidèlement possible et exécutait les personnages longtemps après dans son atelier londonien. Dépourvu de l'imagination poétique de ses confrères, il choisissait difficilement ses sujets. Le paysage du Huguenot, le jour de la saint Barthélemy (1851-52) était peint bien longtemps avant la découverte de ce titre qui attire la pitié et que Millais ne se fit pas faute d'exploiter à nouveau dans le Royaliste proscrit (Grande-Bretagne, coll. part.), l'Ordre d'élargissement, 1746 (1852-53, Londres, Tate Gal.), The Black Brunswicker (1859-60, Port Sunlight, Lady Lever Art Gal.).

   Le Huguenot de 1852 ayant connu un réel succès, Millais fut élu A. R. A. en 1853. Il s'écarta alors progressivement de l'art des préraphaélites, et son mariage avec la femme de Ruskin devait accélérer sa rupture avec la Fraternité. Après avoir présenté le Portrait de Ruskin dans un paysage d'Écosse (1853-54), Millais traitait un sujet contemporain dans le Sauvetage (1855, Melbourne, N. G.) et insistait sur la veine mélodramatique avec la Jeune Aveugle (1854-1856, Birmingham, City Museum) et les Feuilles d'automne (1856, Manchester, City Art Gal.) ; le thème de la vie et de la mort, pris sous l'angle religieux, était encore présent dans The Vale of Rest (1858, Londres, Tate Gal.). De ces années date également sa collaboration à des journaux comme Once a Week (à partir de 1859), ou le Cornhill Magazine (1860-1864), en tant qu'illustrateur. Élu à la Royal Academy en 1868 après avoir présenté comme morceau de réception Souvenir de Velázquez (1868, Londres, Royal Academy), il devint rapidement le représentant de la peinture officielle. Il avait abordé en 1863 la scène de genre, bâtie sur l'expression des sentiments de l'enfance (My First Sermon, Londres, Guildhall Art Gal.). Gravées, ce type de toiles lui apporta une popularité qui fut même utilisée commercialement (Bubbles, 1885-86, A. et F. Pears limited, comme publicité pour le savon Pears). Traitant ainsi le sujet mondain (le Whist à trois, 1872, Londres, Tate Gal.) ou le tableau sentimental (le Passage au Nord-Ouest, 1874, id. ), il disposait d'un revenu annuel, exceptionnel pour un peintre, de 3 000 livres. Il s'essaya également au paysage (Chill October, 1870). Médaille d'honneur en 1878 de l'Exposition universelle de Paris, officier de la Légion d'honneur en 1882, il fut créé baronet en 1885 et, en 1896, peu de temps avant sa mort, il succédait à lord Leighton à la présidence de la Royal Academy. Si ses dernières toiles offrent moins de valeur artistique, elles témoignent d'une grande habileté technique, qui se révèle particulièrement dans ses portraits, où il avait toujours fait preuve d'adresse et d'émotion (Portrait d'une famille, dit Peace Concluded, 1856, Minneapolis, Inst. of Arts) et qui restent de qualité exceptionnelle (Mrs. Bischoffsheim, 1873, Londres, Tate Gal. ; Mrs. Hengh, Orsay ; Carlyle, Londres, N. P. G. ; Gladstone, 1879, id.).

Millarès (Manolo)

Peintre espagnol (Las Palmas, Canaries, 1926  – Madrid 1972).

Après des débuts classiques dans la peinture, il connaît v. 1948-49 une brève période surréaliste, où se révèle, comme chez beaucoup de jeunes peintres espagnols d'alors, l'influence de Miró puis de Klee. Aborigen n° 1 (1950) annonce déjà, cependant, les Pictografias Canarias, qui vont suivre et prendre une tournure plus informelle, où la matière assez dense tient une place importante. Millarès s'emploie activement aux Canaries à défendre l'art moderne, comme fondateur ou collaborateur de revues d'avant-garde. Il a réalisé en 1948 une exposition d'œuvres surréalistes au musée Canario de Las Palmas. En 1953, il participe au Xe Salon de las Once à Madrid et s'établit en 1955 dans cette ville, où il devient cofondateur du groupe El Paso en 1957. Il introduit de plus en plus dans sa peinture des matériaux nouveaux, utilisant souvent des serpillières en guise de toile, pour aboutir v. 1958-59 à un style qui lui est propre : la toile, déchirée, lacérée, écartelée par des ficelles, rapiécée, offre l'aspect sanglant, avec ses éclaboussures rouges, noires, blanches, d'un être martyrisé (Peinture 174, 1962, Madrid, M. A. M.). Plusieurs de ces toiles portent le titre d'Homoncule. Elles évoquent aussi le choc que reçut le jeune peintre en découvrant les momies de son pays, enveloppées de leurs étoffes grossières et maculées. C'est une peinture d'une violence pathétique, mais jamais gratuite, qui a préfiguré nombre de recherches plus récentes et qui rejoint dans son intensité baroque les fureurs d'un Goya (El inquisitor, 1968). Millarès a participé à de nombreuses expositions collectives (biennales et salons) en Espagne, en France et à l'étranger. En France, sa première exposition particulière a lieu en 1961 (Paris, gal. Daniel Cordier) ; il expose à New York en 1960 (gal. Pierre Matisse) et avec le groupe El Paso à Rome en 1960 (gal. l'Attico). Ses œuvres figurent notamment dans les musées de Madrid, de Paris (M. N. A. M. : Peinture, 1961), de New York (M. O. M. A.), de La Haye (Gemeentemuseum), de Barcelone, de Cuenca de Bilbao, de Valence (I. V. A. M.) et dans de nombreuses coll. part.