Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Bruegel (les)
ou les Breughel
ou les Brueghel (suite)

Le métier

Bien que Bruegel soit un dessinateur admirable, il s'affirme peintre en premier lieu. Dans ses tableaux, il ne cherche pas la netteté des contours et il n'a jamais modelé les formes comme le faisaient ses contemporains d'après l'exemple des Italiens. C'est par la rencontre des tons différents et par le contraste de silhouettes qu'il crée son univers. La facture de l'artiste est très variée. Certaines œuvres sont brossées d'une manière large et d'autres sont exécutées très soigneusement par petites touches minces. Tantôt les couleurs sont très diluées, et tantôt elles forment une pâte grasse. Bruegel a peint non seulement à l'huile, mais également à la détrempe. Dans ce dernier cas, il travaillait sur une toile non recouverte d'une préparation, de sorte qu'elle a partiellement absorbé la couleur, qui est devenue mate. Les tableaux exécutés dans cette technique sont le Misanthrope, les Aveugles (Naples, Capodimonte) et l'Adoration des mages (Bruxelles, M. R. B. A.).

Les dessins

Les dessins de Bruegel forment deux groupes caractéristiques : les croquis et les compositions. Les feuilles d'étude ont pour objet la figure, de préférence humaine, dont le peintre cherche à fixer l'attitude, le mouvement, le type de visage ou encore certains détails de vêtements souvent annotés pour l'emploi des couleurs. Bruegel fit aussi de nombreux dessins de paysage, qui sont certes préparatoires à ses tableaux, mais constituent aussi des œuvres en soi. Ses dessins de compositions ont été conçus surtout pour la reproduction par la gravure. Bruegel les a exécutés à la plume après avoir fait souvent un rapide croquis à la craie noire. Ces œuvres sont conservées dans les cabinets de Dessins et d'Estampes d'Amsterdam (la Foi, 1559 ; la Chute du magicien Hermogène, 1564), de Berlin (l'Alchimiste, l'Âne à l'école, 1556 ; l'Espérance, 1559), de Bruxelles (la Prudence, 1559), de Hambourg (l'Été, 1568), de Rotterdam (la Charité, la Force, la Tempérance, 1559), de Vienne (Les gros poissons mangent les petits, 1556 ; le Jugement dernier, 1558 ; le Peintre et le connaisseur, 1565 ?), de Londres (la Calomnie d'Apelle, 1565), d'Oxford (la Tentation de saint Antoine, 1556), de Paris (Paysage alpestre, 1555), et dans ceux de la coll. Lugt à l'Institut néerlandais de Paris et de la coll. Seilern (Courtauld Institute Galleries) à Londres.

Les gravures

L'éditeur Hieronymus Cock, d'Anvers, avec lequel Bruegel collabora à partir de 1533, recueillit près de 135 dessins de l'artiste, qu'il fit reproduire par différents graveurs. Ces estampes connurent un prodigieux succès et furent maintes fois rééditées, particulièrement pendant le cours du XVIIe s. Différant de l'œuvre peint par l'importance accordée au trait et la sobriété incisive de la ligne, elles en suivent de près l'iconographie et les thèmes. Citons parmi les œuvres principales : la suite des Douze Grands Paysages (1553-1557), le Grand Paysage alpestre, la suite des Sept Péchés capitaux (1556-57), le Jugement dernier (1558), la Fête des fous, la Kermesse d'Hoboken (1559), les Sept Vertus (1559-60), la suite des Petits Paysages de Brabant et de Campine (1559-1561), le Pèlerinage des épileptiques à Molenbeek-Saint-Jean (1564), la suite des Vaisseaux de mer (1564-65), la suite des Douze Proverbes flamands (1568-69).

 
Pieter le Jeune, dit d'Enfer (Bruxelles 1564 –Anvers 1638). Âgé de cinq ans à la mort de son père, Pieter Bruegel l'Ancien, il n'a pu être formé par lui. Selon Van Mander, il fut mis en apprentissage chez le paysagiste anversois Gillis Van Coninxloo. Franc maître à Anvers en 1585, Van Mander parle de lui en 1604 comme d'un bon copiste des tableaux de son père. Au cours de la première moitié de sa carrière, il multiplie les répliques — conservées dans nombre de musées — du Dénombrement de Bethléem, de la Prédication de saint Jean-Baptiste, de la petite Adoration des mages sous la neige, des Proverbes flamands, du Cortège de noces, mais il s'abstient de copier les grands paysages de la suite des Mois. Il traduit aussi en peinture des dessins et des gravures du vieux Bruegel (les Quatre Saisons, la Danse de noces). Il a eu le mérite de transmettre le souvenir de quelques tableaux perdus de son père : le Berger fuyant devant le loup (Philadelphie, Museum of Art, coll. Johnson), Couple paysan attaqué par des routiers (Stockholm, université). Pieter le Jeune est certainement l'auteur de plusieurs compositions originales, principalement des scènes de kermesse, peintes avec verve et sans arrière-pensée moralisatrice. Le surnom de Bruegel d'Enfer, qui lui fut donné de bonne heure, ne semble pas fondé, car les petites scènes infernales de style bruegélien, peintes sur cuivre dans les premières années du XVIIe s., lui furent données par erreur et sont l'œuvre de son frère, Bruegel de Velours.

 
Jan I, dit de Velours (Bruxelles 1568 – Anvers 1625). Bruegel Jan I, dit Bruegel de Velours en raison de la séduction de sa palette, était le deuxième fils de Pieter Bruegel le Vieux ; artiste fécond et varié, il est le plus doué parmi sa descendance et atteint à une réelle grandeur avec la Bataille d'Issus (1602, Louvre). Il entre d'abord dans l'atelier d'un maître anversois, P. Goekindt, avant de partir v. 1590 pour l'Italie en passant sans doute par Frankenthal. En 1596, il est de retour à Anvers, où il s'inscrit comme maître. Après des voyages à Prague et à Nuremberg, il est nommé peintre de cour en 1609 par les archiducs Albert et Isabelle, mais reste établi à Anvers. Peintre de paysages, il s'inspire à ses débuts de Gillis Van Coninxloo (Paysage boisé, 1597, Munich, Alte Pin.), puis, perfectionnant sa technique, il crée un genre nouveau à la fois simple et lyrique, d'une tonalité où dominent les bruns et les bleu-vert, et que peuplent des animaux, des fruits ou des personnages exécutés parfois par d'autres artistes : le Paradis terrestre (Mauritshuis), en collaboration avec Rubens. Ses natures mortes sont rares, mais ses tableaux de fleurs sont, en revanche, nombreux ; ses bouquets sont peints de manière brillante et minutieuse, présentés tantôt dans des vases (Milan, Ambrosienne), tantôt dans une coupe (1618, Bruxelles, M. R. B. A.). Il entoure de guirlandes des Vierges et des Saintes Familles de Rubens (Louvre ; Bruxelles, M. R. B. A.) et compose aussi diverses allégories des Sens ou des Éléments (Prado, Louvre). Sa maîtrise à traiter tous les genres, et plus particulièrement le paysage, dont il est le plus important représentant (Rijksmuseum ; musée d'Anvers ; Francfort, Städel. Inst. ; Londres, Wellington Museum ; Prado ; Munich, Alte Pin. ; Rome, Gal. Doria Pamphili), lui valut d'être imité par de nombreux artistes.

 
Ambrosius (Anvers 1617 – id. 1675). Inscrit à la gilde d'Anvers en 1645 et doyen en 1653 et en 1671, ce fils de Jan I, dit de Velours, est mal connu en tant que peintre, sauf pour quelques paysages signés en toutes lettres et repérés dans des ventes ou des collections particulières. Quant à son activité de peintre de fleurs, elle n'est attestée par aucun tableau sûr, la plupart des attributions faites en faveur d'Ambrosius et fondées souvent sur des signatures AB (Turin, Gal. Sabauda, avec la date 1671) devant être récusées au profit d'Abraham Bruegel ou de l'atelier de Jan I.

 
Jan II dit Jan Bruegel le Jeune (Anvers 1601 – id. 1678). Fils de Jan I, il séjourna en Italie de 1622 à 1625, puis revint à Anvers. Les quelques tableaux signés (musée d'Anvers ; Munich, Alte Pin. ; Dresde, Gg) sont proches des sujets et du style de son père, dont il a copié les œuvres ; mais sa facture est plus grossière, et ses nuances sont moins délicates.

 
Abraham (Anvers 1631 – Naples 1697) , fils de Jan Bruegel II. Jeune encore, il s'établit à Rome, où il résida de 1659 à 1670 avant de se fixer à Naples. Peintre de guirlandes, sa formule est celle de Daniel Seghers ; mais il est surtout connu par une vingtaine de grandes Natures mortes de fleurs et de fruits, avec fonds de paysage ou de figures, comme celles, signées, de Bruxelles (M. R. B. A.), de Stockholm (Nm) ou du Louvre (1669). L'artiste y joint à la conception de Snyders et de Fyt une manière italienne plus lourde. Influencé par Paolo Porpora, il a joué un grand rôle auprès des peintres napolitains de natures mortes comme Giovanni Battista Ruoppolo et Giuseppe Recco.

 
Jan-Baptist (Anvers 1647 – Rome 1719) , fils de Jan II. On lui attribue deux Natures mortes (Turin, Gal. Sabauda).