Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Polke (Sigmar)

Peintre allemand (Oels, aujourd'hui Oleśnica, basse Silésie 1941).

Il quitte en 1953 la République démocratique allemande dont fait désormais partie sa ville natale pour vivre en 1959 à Düsseldorf, où il rencontrera Gerhard Richter à l'Académie des beaux-arts. Avec lui, il est un des protagonistes du mouvement Pop dans l'Allemagne des années 60. Il peint en 1963-64 une série de tableaux représentant des produits et des denrées alimentaires dans le style des enseignes naïves non encore touchées par la sophistication de la publicité moderne.

   Sa production s'organise ensuite selon plusieurs axes : des tableaux exécutés d'après des photographies tramées comme lorsqu'elles sont destinées à l'impression (les Rasterbilder, 1963-1969), des peintures réalisées sur des tissus imprimés (autre genre de trame résultant de la répétition des motifs décoratifs) où il intervient par de nouveaux motifs très simples exécutés au trait, des peintures abstraites où le geste est réduit à sa plus simple expression afin d'obtenir un effet de banalité, voire de totale nullité expressive, la toile la plus célèbre de cette dernière série étant Moderne Kunst (1968) où Polke fait preuve d'une ironie mordante en s'attaquant à la respectabilité que l'abstraction avait acquise.

   Le principal modèle de Polke est Picabia, le peintre des mécaniques dérisoires, des formes transparentes (procédé souvent repris par Polke, notamment dans le cycle des grands tableaux cosmogoniques de 1971 : Die Fahrt auf der Unendlichkeitsacht) et des tableaux de mauvais goût. Polke est un des artistes qui ont beaucoup contribué à faire naître le mouvement qui, dans les années 80, s'est éloigné du sérieux et du dogmatisme des courants avant-gardistes des années 60-70. Précédemment, une importante rétrospective a été consacrée à l'artiste (Washington, Chicago, New York) en 1991-92. Après la série des Miradors (1984-88), Polke poursuit sa démarche avec des œuvres ayant pour thème la Révolution française. Le Carré d'Art à Nîmes a présenté ses récents travaux (Nostradamus, 1989) en 1993.

Pollack (Jan)

Peintre allemand d'origine polonaise (Cracovie [?] v.  1445  – Munich 1519).

Il acquit peut-être à Cracovie sa première formation, qu'il aurait poursuivie à Prague ( ?) avant d'entreprendre un voyage aux Pays-Bas. Il traversa — semble-t-il — la Franconie et se rendit à Munich, peut-être à l'occasion du mariage du duc Georges avec Hedwige de Pologne en 1471. Il exécuta en 1479 les fresques de la Passion dans l'église de Pipping, près de Munich, et en 1483 le retable du maître-autel de Weihenstephan, dont les différentes parties se trouvent aujourd'hui réparties entre les musées de Munich (Alte Pin.), de Freising (séminaire) et de Nuremberg. De 1489 datent deux volets du retable de l'église paroissiale de Pullach, représentant des Scènes de la vie de saint Étienne et de saint Guy. L'artiste reçut, à partir de cette date, de nombreuses commandes de la ville de Munich (où il dirigea un atelier important), notamment en 1490 celle du retable du maître-autel destiné à l'église Saint-Pierre de Munich. Des 18 panneaux consacrés à des Scènes de la vie des apôtres saint Pierre et saint Paul (face interne) et de la Passion (face externe) subsistent 16 tableaux, dont une partie est conservée dans l'église même, l'autre au Bayerisches Nationalmuseum de Munich. Dès cette époque, Mair von Landshut participe à ses travaux. L'art de Pollack trouve son accomplissement dans les tableaux du maître-autel et des autels latéraux de la chapelle seigneuriale de Blutenburg, près de Munich (1491). Le panneau central du maître-autel représente la Trinité, les panneaux latéraux sont consacrés au Baptême du Christ et au Couronnement de la Vierge, les autels latéraux au Christ en majesté et à l'Annonciation. De cette période datent également 7 portraits des plus expressifs, dont ceux du Duc Sigismond et de Jörg von Halsbach, dit Ganghofer, l'architecte de Notre-Dame de Munich. D'un tempérament passionné et inquiet, qui se traduisit par une facture vigoureuse et dynamique, l'artiste donna une impulsion nouvelle au langage pictural, déjà dramatique et agité, de la Bavière. Il était pourtant attentif aux détails et admit dans ses œuvres tardives des effets de caractère ornemental.

Pollaiolo (les)
ou les Pollaivolo

Famille de peintres italiens.

Neveux d'un marchand de volailles (" pollaiolo ") du vieux marché de Florence, ils durent à cette parenté leur surnom.

 
Antonio di Jacopo d'Antonio Benci (Florence v. 1432 – Rome 1498) , le plus âgé et le plus doué des deux frères, fut également orfèvre et graveur.

   Les premiers documents le concernant se rapportent à des travaux d'orfèvrerie, activité qu'il n'abandonnera jamais, même quand, considéré désormais comme l'un des plus fameux maîtres florentins de son temps, il reçoit d'importantes commandes de peinture. Il travaille beaucoup pour le baptistère de S. Giovanni, réalisant des reliquaires, des croix d'argent, des reliures de livres ; cette activité culmine en 1477 avec sa participation au célèbre retable d'autel en argent (Opera del Duomo) de Florence. Dès 1466, et toujours pour S. Giovanni, il commence les dessins pour les Scènes de la vie de saint Jean-Baptiste qui permettront d'exécuter les broderies des ornements du baptistère (id.).

   Ses peintures les plus importantes — peu nombreuses — sont : l'Assomption de sainte Marie l'Égyptienne à l'église S. Maria de Staggia ; les Portraits de femme de profil de Berlin et du musée Poldi-Pezzoli à Milan ; l'Archange et Tobie de la Gal. Sabauda de Turin ; la " pala " avec les Saints Vincent, Jacques et Eustache à S. Miniato, en collaboration avec Piero et auj. aux Offices (commencée en 1467) ; les fresques très détériorées de la villa della Gallina à Florence, qui représentent une danse de personnages nus, cycle à mettre en relation avec l'unique gravure certainement de sa main, la Bataille des dix hommes nus (Cambridge, Mass.) ; les deux petites peintures Hercule et Antée, Hercule et l'Hydre (Offices) ; le grand panneau avec le Martyre de saint Sébastien (Londres, N. G.), que Vasari dit achevé en 1475 ; le David de Berlin ; enfin, parmi ses dernières œuvres, Apollon et Daphné (Londres, N. G.) et l'Enlèvement de Déjanire (New Haven, Yale University Art Gal.). Ses sculptures les plus connues s'intercalent dans cette production : Buste de guerrier (Florence, Bargello), Hercule et Antée (id.) et les deux monuments funéraires des papes (Vatican) exécutés à Rome avec son frère, le Tombeau de Sixte IV (1484-1492) et le Tombeau d'Innocent VIII, terminé en 1498.

   Son maître restant inconnu, on peut penser qu'il se forma dans le milieu des orfèvres, des graveurs et des nielleurs de l'époque ; sa peinture, cependant, se rattache à celle d'Andrea del Castagno et à la sculpture de Donatello, surtout à celle de sa dernière période, dominée par un goût de l'enchevêtrement linéaire.

   Comme plus tard chez Léonard et chez le jeune Michel-Ange, tous les caractères de l'art florentin de la seconde moitié du XVe s. se trouvent résumés dans l'art de Pollaiolo. C'est ainsi que l'on peut noter dans son œuvre l'analyse impitoyable de cette parfaite machine qu'est le corps humain, une représentation exécutée au moyen d'une ligne nette et incisive, une forme tourmentée et nerveuse, souvenirs sans doute de son activité d'orfèvre et de graveur. Frappants, à cet égard, l'acuité de ses célèbres profils de femme, la silhouette bondissante des corps dans les Travaux d'Hercule, l'élan convulsif des figures dans les fresques de la villa della Gallina, les problèmes dynamiques et perspectifs dans lesquels se résolvent les corps du martyr et des archers dans le monumental Martyre de saint Sébastien de Londres (N. G.).

 
Piero di Jacopo d'Antonio Benci (Florence 1443 – Rome 1496) , son cadet de plus de dix ans, se forme dans son sillage et, dès l'âge de dix-huit ans, il participe à l'exécution des trois grandes toiles des Travaux d'Hercule (auj. perdues), qui furent commandées à Antonio par Piero de' Medici pour une salle du palais de la via Larga à Florence. Toujours avec Antonio, il collabore à la décoration de la chapelle du cardinal du Portugal à l'église de S. Miniato al Monte (la figure, assez faible, de saint Eustache de la " pala " auj. aux Offices est de sa main) et à l'édification des sépulcres pontificaux à Rome. C'est à la notoriété de son frère Antonio qu'il doit ses quelques commandes personnelles, telles les Vertus pour les dossiers des sièges du Tribunale della Mercatanzia (des marchands), aujourd'hui aux Offices (la Fortezza est l'œuvre de Botticelli) et la " pala " avec le Couronnement de la Vierge pour l'église S. Agostino à S. Gimignano (1483), son unique œuvre signée. Piero se révèle presque toujours inférieur à son frère : dans ses œuvres, la vitalité et l'intensité de la ligne d'Antonio se tempèrent et s'affaiblissent, la forme devient rigide, presque ligneuse, la couleur se fait plus dense et s'assourdit.