Larousse Médical 2006Éd. 2006
C

cancer (suite)

PRÉDISPOSITIONS FAMILIALES

La majorité des cancers n'a aucun caractère héréditaire. Lorsqu'elles existent, les prédispositions sont liées à l'addition de nombreux facteurs de risque, dont l'intérêt prédictif est faible, voire négligeable. On rencontre, cependant, des formes familiales de cancer chez l'enfant (rétinoblastome, néphroblastome), rares, et des formes familiales de cancer chez l'adulte (cancer du côlon), fréquentes. Dans les familles dont l'un des membres est atteint, il peut être utile d'identifier les individus à risque, s'ils le souhaitent, afin de leur proposer une prévention et un dépistage précoce, lorsque l'efficacité de ces derniers a été démontrée (cas des formes familiales de cancer du côlon).

RAYONNEMENTS SOLAIRES

La mode du bronzage de ces dernières décennies est accompagnée, dans tous les pays, d'une forte augmentation de l'incidence des tumeurs cutanées, carcinomes et mélanomes. Le rôle des U.V. (rayons ultra-violets), en particulier des U.V.B., les plus courts et les plus nocifs, dans l'apparition de tumeurs cutanées a été mis en évidence à la fois par des observations épidémiologiques (fréquence élevée des mélanomes en Australie par exemple) et par des modèles expérimentaux. Les cancers cutanés sont beaucoup plus fréquents chez les sujets à peau claire.

SUBSTANCES CANCÉRIGÈNES

C'est en 1775 que le médecin et chirurgien anglais Percival Pott établit la relation entre l'exposition à la suie chez les ramoneurs et l'apparition d'un cancer du scrotum. En 1885, le chirurgien allemand Ludwig Rehn signalait un grand nombre de cancers de la vessie chez les ouvriers de l'industrie des colorants. Les plus récentes évaluations du Centre international de recherche sur le cancer montrent que, sur 707 substances ou procédés industriels testés, 7 procédés et 23 substances se sont révélés cancérigènes pour l'homme.

TABAC

L'explosion spectaculaire des cancers bronchopulmonaires attira l'attention, il y a une quarantaine d'années, sur le rôle du tabac. Selon de nombreuses enquêtes épidémiologiques, le tabac est responsable de plus de 90 % des cancers bronchiques. Le risque est d'autant plus important qu'on fume beaucoup, depuis longtemps, qu'on inhale la fumée et qu'on a commencé jeune. Enfin, il faut mentionner une augmentation du risque de cancers bronchopulmonaires chez les personnes vivant dans un environnement enfumé (fumeurs passifs).

   Le tabac est responsable de 30 % des décès par cancer chez l'homme et de l'incidence croissante des cancers bronchiques chez la femme.

VIRUS

Le rôle des rétrovirus est maintenant bien établi chez l'animal ; chez l'homme, selon les connaissances actuelles, seuls les rétrovirus V.I.H. (sida) et HTLV1 (leucémie) semblent avoir une potentialité oncogénique. En revanche, le rôle de certains virus à A.D.N. (acide désoxyribonucléique) dans l'apparition de cancers humains se précise.

   La première liaison mise en évidence entre virus et cancer fut celle d'un virus de la famille des Herpesviridæ (le virus d'Epstein-Barr) avec le lymphome de Burkitt (1964). Ce même virus fut, 2 ans plus tard, incriminé dans le cancer du nasopharynx. C'est en 1978 que le lien entre le virus de l'hépatite B (HBV) et le cancer primitif du foie fut évoqué en observant la concordance de distribution géographique entre les zones à haut risque d'hépatocarcinome et d'hépatite B. Le rapport entre les papillomavirus (HPV) et les cancers du col de l'utérus représente le troisième système virus-cancer. Depuis de nombreuses années, on avait montré le rôle des maladies virales sexuellement transmissibles dans le développement des cancers du col de l'utérus. Les éléments montrant le rôle prédominant de certains HPV (en particulier les souches 16, 18, 33) s'accumulent.

Symptômes et diagnostic

La multiplicité des cancers et leur spécificité propre rendent difficile le dénombrement de tous les symptômes de la maladie. Néanmoins, une perte de poids importante et plus ou moins rapide, un manque d'appétit, une fatigue intense, une perte de sang dans les selles ou par la bouche, enfin des douleurs diverses sont des signes fonctionnels qui peuvent être associés à la présence d'un cancer. Le développement souvent silencieux des cancers tend à en retarder le diagnostic et pose des problèmes aux médecins, qui ne voient le patient qu'à un stade déjà avancé de la maladie. Parfois, la maladie est décelée par hasard, au cours d'une visite médicale ou d'un examen de sang. Le diagnostic repose sur l'examen clinique, des examens de laboratoire, des examens radiologiques et endoscopiques, des biopsies.

Évolution du cancer

Une fois déclenchés par l'activation d'oncogènes, mutés ou non, et en raison de la perte ou de l'altération par mutation d'un ou de plusieurs antioncogènes, les cancers subissent une progression dans la malignité qui les rend de plus en plus capables de contourner les obstacles que l'organisme ou les traitements dressent sur leur route. Ils progressent également dans l'organisme, c'est-à-dire s'étendent sur place de façon caractéristique dans le tissu d'origine et dans les tissus voisins, pouvant être responsables de compression d'organes. En même temps, ils disséminent à distance par l'intermédiaire des métastases qui sont à l'origine des cancers généralisés.

   La progression dans la malignité est l'effet d'une instabilité génétique, qui croît en fonction du temps. Des propriétés nouvelles apparaissent, qui modifient les cellules, les faisant ressembler à celles d'un tissu différent ou d'un tissu de la vie embryonnaire. Dans certains cas, les cellules cancéreuses sécrètent des substances ayant des propriétés comparables à certaines hormones naturelles, qui provoquent des manifestations identiques à une hypersécrétion (syndrome de Schwarz-Bartter : sécrétion inappropriée d'hormone antidiurétique). On parle alors de syndrome paranéoplasique. Parmi les propriétés nouvelles des cellules cancéreuses, il faut souligner la prolifération continue. Cette prolifération est assurée par l'expression permanente de récepteurs aux facteurs de croissance cellulaires, qui ne s'expriment que de façon intermittente dans la cellule normale. Les cellules cancéreuses sont également capables de fabriquer elles-mêmes, au contraire des cellules normales, les facteurs de croissance, ce qui leur confère un avantage de survie et de prolifération considérable. En outre, elles expriment des gènes dont le produit a pour effet d'empêcher la mort cellulaire et de favoriser la formation de nouveaux vaisseaux sanguins permettant la nutrition des cellules cancéreuses.

   Autre aspect important de l'instabilité génétique des cancers : l'hétérogénéité des cellules fait qu'au sein d'une même tumeur existent de nombreux clones (ensemble de cellules issues par multiplication d'une même cellule initiale) différents, possédant des capacités différentes. Ainsi, si certains clones rencontrent des obstacles à leur prolifération, les autres subissent une expansion et occupent le terrain. Cette hétérogénéité clonale s'observe très tôt dans le développement d'un cancer, bien avant sa phase visible, et constitue une difficulté majeure pour le thérapeute.

   La progression anatomique du cancer doit être évaluée par divers examens complémentaires. Cette évaluation permet une classification de chaque cancer qui, associée à ses caractéristiques histologiques, permet de choisir le traitement le mieux adapté.

Traitement et prévention

Le traitement repose sur la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie (administration de médicaments ayant un effet destructeur et immunologique) et/ou l'hormonothérapie (administration d'hormones). Les recherches actuelles s'orientent vers des méthodes thérapeutiques capables de redonner aux cellules cancéreuses des caractères normaux (traitement redifférenciant) et vers des traitements visant à bloquer les facteurs de croissance tumorale et la formation de néovaisseaux dans le tissu tumoral (thérapeutiques ciblées). Dans ce domaine, des succès réels ont été obtenus récemment dans certains types de leucémie. En raison des difficultés de dépistage et de traitement de la maladie, la prévention du cancer prend toute son importance. La sensibilisation de la population semble un facteur décisif. Certains gestes, comme l'autopalpation des seins, devraient devenir courants. Il faut également insister sur le respect d'une certaine hygiène de vie et proscrire, autant qu'il est possible, les comportements à risque.

Voir : antioncogène, carcinogenèse, chimiothérapie anticancéreuse, curiethérapie, hormonothérapie anticancéreuse, immunothérapie anticancéreuse, oncogène, radiothérapie.