Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Berckheyde (les)

Peintres néerlandais.

 
Job (Haarlem 1630  – id.  1693). Il peignit des architectures urbaines (Oudegracht de Haarlem, 1666, Mauritshuis) dans des tons chauds et un sentiment délicat de la lumière ; il eut le mérite d'initier son frère Gerrit à un genre qui devait faire sa célébrité. On lui doit également des intérieurs d'églises (Saint-Bavon de Haarlem, son sujet favori en ce domaine, 1674, Rijksmuseum), des scènes de genre dans le goût leydois, quelques scènes bibliques et même des portraits. Un bon exemple de sa manière comparable à celle d'Emmanuel de Witte se voit à Rotterdam (Bourse d'Amsterdam, B. V. B.). Moins connu que Gerrit, il fut sans doute un artiste d'une personnalité plus forte ; l'une de ses œuvres est notamment magnifique, l'Or de Gratch à Haarlem (Mauritshuis).

 
Gerrit (Haarlem 1638 – id. 1698). Il est, avec Van der Heyden, le plus connu des peintres d'architectures néerlandais, spécialisé comme lui dans les vues urbaines. Il fut l'élève de Frans Hals et de son frère Job, à qui il dut sa formation de peintre topographe. Les deux frères devaient d'ailleurs faire un voyage en 1650 en Allemagne et aller travailler à la cour du prince palatin à Heidelberg. Si Gerrit n'est pas moins précis et exact que son frère, sa palette est beaucoup plus discrète et nuancée, sa lumière plus froide. L'harmonie de ses gris et de ses bruns possède une belle rigueur avec parfois de curieuses tonalités mauves, et fait presque oublier la monotonie de ses descriptions topographiques, trop exactes. Parmi ses motifs préférés, citons la Grande Place d'Haarlem (musée de Lyon ; Offices ; Londres, N. G.), le Dam d'Amsterdam (Rijksmuseum, Louvre), le Binnenhof de La Haye. On lui doit aussi quelques curieuses Vues de forêt (Rijksmuseum). Le musée de Douai conserve un exceptionnel Berckheyde : Vue de la Spaarne à Haarlem (1667). Très célèbre à son époque, l'artiste a eu de nombreux imitateurs.

Bergh (Sven Richard)

Peintre suédois (Stockholm 1858  – id. 1919).

Fils du paysagiste Edvard Bergh, il est élevé dans un milieu d'artistes aisés. Après des études à l'Académie des beaux-arts de Stockholm, il retrouve en 1880, à Paris, en Bretagne et à Grez-sur-Loing, les peintres scandinaves attirés par le Symbolisme : en 1887, il peint Séance d'hypnotisme (Stockholm, Nationalmuseum). En 1886, avec Ernst Josephson et Karl Nordström, il dirige le mouvement d'opposition contre l'Académie suédoise et tient, jusqu'à la fin de ses jours, une place prépondérante dans l'Association des artistes de son pays (Konstnärsförbundet), fondée la même année. À Paris, il semble d'abord opter pour une peinture réaliste, proche de Bastien-Lepage : Après la pose (1884, musée de Malmö), Portrait de Nils Kreuger (1883, Copenhague, S. M. K.), Ma femme (1885, musée de Göteborg). Citons une toile de plein air, de caractère plutôt impressionniste : Journée printanière à Meudon (1886). L'évolution de Bergh vers une peinture plus proche de l'intuition et de l'imagination, et parallèle aux recherches d'Ibsen, est très nette dans la Fille et la Mort (1888, Stockholm, Waldemarsudde) et dans le portrait expressif du peintre Eva Bonnier (1889, Stockholm, Nm). En 1893-1896, il fonde avec Karl Nordström et Nils Kreuger " l'école de Varberg ", sous l'influence de Gauguin, et peint des paysages à caractère monumental et expressif, près de Göteborg, en ayant " recours aux couleurs et aux formes qui sont aujourd'hui celles de notre pays et de notre peuple " : Vision (1894, Stockholm, Nm), le Chevalier et la Pucelle (1897, Stockholm, Thielska Gal.), Soir d'été du Nord (1899-1900, Göteborg Art Gal.). Mais sa principale activité est plus tardive et concerne le portrait : les Administrateurs de l'Association des artistes (1903, Stockholm, Nm), August Strindberg (1905), Gustaf Fröding (1909). Théoricien, Richard Bergh exposa dans Ce qu'était l'objectif de notre lutte (1905) le but de l'Association des artistes. Comme professeur, il préconisa des formes d'enseignement non conformistes. Directeur du Nationalmuseum de Stockholm à partir de 1915, il apporta des réformes radicales dans la pédagogie de l'art et dans l'initiation du peuple à la culture. Un choix de ses essais les plus importants a paru en 1908, en un volume intitulé De l'art et d'autre chose.

Berghe (Frits Van den)

Peintre belge (Gand 1883  – id.  1939).

Fils du bibliothécaire de l'université de Gand, il suit les cours de l'Académie et vécut à Laethem-Saint-Martin, où il partage un atelier avec Albert Servaes, de 1904 à 1914, excepté un séjour de six mois aux États-Unis (1913). Durant cette période, il peint, dans un style post-impressionniste des paysages rappelant Théo Van Rysselberghe, des portraits symbolistes et des scènes d'intérieur. Devant l'invasion allemande, il gagne Amsterdam, où il retrouve Gustave De Smet, dont l'itinéraire se confond en grande partie avec le sien jusqu'en 1926. Il s'initie en Hollande au Cubisme, prend contact avec l'Expressionnisme allemand par l'intermédiaire de revues ainsi qu'avec l'art nègre. Il exécute alors (1919-20) des gravures sur lino et sur bois, dans un style lourd, fortement simplificateur et dont les composantes, érotique ou poétique, se maintiendront par la suite (l'Attente, 1919, bois ; le Peintre du soleil, 1920, bois) ; les peintures présentent les mêmes caractères et témoignent d'une certaine analogie avec l'art de Die Brücke (le Semeur, 1919, Ostende, musée provincial d'Art moderne ; Portrait de Mme Brulez, 1920). Plus discrète, l'influence du Cubisme apparaît dans des tableaux de facture plus légère, où les problèmes de l'espace l'emportent sur ceux de l'expression (Malpertuis, 1922). De retour en Belgique (1922), Van den Berghe s'installe avec De Smet à Afsnée et, en 1926, s'établit à Gand, qu'il ne quittera plus. Ces quelques années sont celles de sa participation majeure à l'Expressionnisme flamand ; le milieu provincial et rural du pays gantois lui inspire d'abord une imagerie d'une robuste plasticité, d'une couleur à la fois chaude et souple (Dimanche, 1923, Bruxelles, M. R. B. A. ; la Lys, 1923, musée de Bâle), mais dont la fraîcheur et l'humour cèdent rapidement à une inquiétude onirique et à un érotisme proches du climat surréaliste (l'Éternel Vagabond, 1925, musée d'Ostende ; le Flûtiste, 1925, musée de Bâle). Au même moment, des scènes urbaines traitent de manière personnelle les thèmes du réalisme européen autour de 1925, dans un esprit satirique et sarcastique (Cinéma, gouache sur papier, v. 1925-26, Bruxelles, M. R. B. A. ; Scènes de maison close I, II, III, 1927, gouaches). Le changement plus net du style et de la vision s'effectue v. 1927, quand les personnages perdent de leur pesanteur matérielle et sociale, tandis que les rapports de l'homme avec le monde sont étrangement perturbés (l'Homme des nuages, 1927, musée de Grenoble ; Naissance, 1927, musée de Bâle). À partir de 1928, le raffinement de la couleur (souvent une dominante rouge-orangé et or) et de la matière est mis au service d'évocations où le fantastique (Mercure) le dispute au monstrueux et plus rarement à une poésie moins crispée (l'Escarpolette, 1930 ; Cavalier de rêve, 1939). Durant ces années, Van den Berghe collabore avec ses dessins au périodique satirique Koekoek et au journal gantois socialiste Vooruit. Parallèlement, il participe à la vie artistique belge comme secrétaire de la galerie l'Epoque qui, fondée en 1927, présente des œuvres du courant surréaliste. Certains dessins, à l'encre de Chine, restituent de manière saisissante l'humanité exsangue des camps de concentration. Si l'œuvre peint des années 30 présente parfois des rapports avec Ensor et Ernst, il illustre néanmoins un aspect flamand du Surréalisme qui fait appel à une imagination plus picturale, contrepoint à l'engagement politique de l'artiste, dont l'œuvre est une des plus symptomatiques de l'entre-deux-guerres en Belgique. Van den Berghe est bien représenté dans les grands musées belges ; le catalogue des peintures, établi en 1966, comprend 430 numéros. Des rétrospectives de son œuvre ont eu lieu en 1962 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et en 1984 au musée des Beaux-Arts de Gand.