Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
N

Nardi (Angelo)

Peintre espagnol d'origine italienne (Razzo 1584  – Madrid 1664).

Issu d'une famille noble exilée de Florence par les Médicis, il fit son apprentissage en Toscane dans l'orbite des maniéristes réformés. Après un voyage à Venise (1600), il vient chercher fortune en Espagne au moment où, revenant de Valladolid, la Cour s'installe définitivement à Madrid (1606) : il y demeurera pendant plus d'un demi-siècle. Il trouve une clientèle abondante dans le clergé et les ordres religieux, et peint de nombreux ensembles, en général signés et datés, dans la région madrilène — particulièrement à Alcalá de Henares, qui conserve intact le vaste cycle des Bernardas (Vie du Christ, Martyres et Saints de l'ordre cistercien), commandé en 1619 par les exécuteurs testamentaires du cardinal Sandoval, fondateur du couvent — et même au-delà (Retable des Bernardas de Jaén, 1634). Il devient, à partir de 1625, peintre du roi en même temps que Velázquez, avec qui il se lie d'une fidèle amitié. Si Nardi est moins important par ses dons de créateur que par sa longue carrière, l'abondance de sa production, la sympathie générale qui entoura cet homme cultivé, bienveillant et droit font qu'il demeure — avec un talent incontestable, bien qu'un peu froid et compassé — l'un des artistes les plus représentatifs de la génération qui ouvre le XVIIe s. Son style, plutôt archaïque, reste très lié aux modèles italiens — maniéristes de Florence comme Cigoli, de l'Escorial comme Cambiaso — mais aussi vénitiens comme Bassano, dont il possédait des œuvres et à qui il doit sans doute un certain intérêt pour les problèmes d'éclairage et un réalisme familier dans les détails qui annonce les recherches de la génération suivante (Adoration des bergers et Adoration des mages des Bernardas d'Alcalá ; Scènes de l'enfance du Christ [apr. 1625] aux Jésuites d'Alcalá, détruites en 1936 ; Saint-Joseph, musée de Huesca ; Adoration des bergers, 1650, Madrid, coll. part.).

Nardo di Cione

Peintre italien (Florence à partir de 1343/1346  – mort en 1365/1366).

Il est inscrit à la corporation des Medici e Speziali de Florence entre 1343 et 1346 et sa personnalité artistique nous est connue par le témoignage de Ghiberti, qui lui attribue les fresques de la chapelle Strozzi à S. Maria Novella à Florence. On peut situer l'exécution de cette œuvre en 1357, date à laquelle son frère, Andrea Orcagna, achève le polyptyque de l'autel de la même chapelle.

   En comparant les œuvres des deux frères, on remarque que les fresques de Nardo (le Jugement dernier, le Paradis et l'Enfer, très endommagé) traduisent avec plus de largeur et d'intensité la leçon de Maso di Banco, mais à l'intérieur de la réforme orcagnesque, qui abolit toute la problématique de Giotto et de ses grands disciples. Les figures allongées, solennellement profilées sur la surface peinte, tantôt figées dans la béatitude, tantôt grotesques dans le désespoir, prennent corps grâce à un modèle doux et fondu.

   Dans les œuvres de Nardo di Cione sur panneaux (polyptyque avec la Madone et l'Enfant et des saints du musée de Prague, Trois Saints de la N. G. de Londres, Crucifixion des Offices, notamment), ces qualités sont moins apparentes, un certain durcissement se manifestant parfois, dû à l'excessive rapidité de l'exécution.

Nash (Paul)

Peintre, illustrateur, décorateur et écrivain anglais (Londres 1889  – Boscombe, Hampshire, 1946).

Il se forma à la Slade School de Londres (1910). Artiste de tempérament romantique, dont les débuts évoquaient le caractère visionnaire de l'œuvre de Blake et des préraphaélites, il dut en 1918 sa réputation à de remarquables peintures de guerre — quelques exemples à l'Imperial War Museum de Londres — illustrant la destruction de la nature par l'homme. Actif représentant de l'avant-garde entre les deux guerres, il fonda avec Ben Nicholson le groupe Unit One en 1933. Sous la double influence de Cézanne et de De Chirico, beaucoup de ses tableaux sont des paysages représentant une imagerie de rêve, juxtapositions irrationnelles d'objets réels et d'objets inventés (Harbour and Room, 1932-1936, Londres, Tate Gal. ; Lanscape from a Dream, 1936-38, id.).

   Nash, étroitement lié au mouvement surréaliste international entre 1936 et 1946, fut une figure majeure du Néo-Romantisme anglais. Une rétrospective de ses œuvres a été organisée en 1948 à la Tate Gal. de Londres, où il est représenté (Pilier sous la lune). Une exposition Paul Nash, Créatures aériennes, a été présentée (Londres, Dulwich Picture Gallery) en 1996.

Nasmyth (Patrick)

Peintre britannique (Édimbourg 1787  – Londres 1831).

Il est le meilleur représentant d'une famille d'artistes écossais. Il commença par étudier la peinture avec son père, Alexander Nasmyth, avant de venir s'établir à Londres en 1810. À partir de 1812, il exposa à la Royal Academy, à la British Institution et à la Society of British Artists, dont il devint membre en 1823. Il peignit des paysages, principalement du sud et de l'ouest de l'Angleterre, à la manière des artistes néerlandais (Hobbema, Wynants), ce qui lui valut d'être surnommé l'" Hobbema anglais " : la Maison dans les bois (1825, Édimbourg, N. G.).

   Il est également représenté dans les musées de Londres (Tate Gal. et V. A. M.). Il fut copié de son temps et trois de ses sœurs, Jane, Anne et Charlotte, furent également paysagistes, ce qui crée une certaine confusion et explique que les limites de son œuvre ne soient pas encore clairement déterminées.

Natoire (Charles)

Peintre français (Nîmes 1700  – Castel Gandolfo 1777).

Élève de Galloche et de Lemoyne, il remporta le premier prix en 1721 avec Manué offrant un sacrifice (Paris, E. N. B. A.), qui lui ouvrit les portes du voyage de Rome (1724-1727), où il peignit les Marchands chassés du Temple (Paris, église Saint-Médard). Rentré à Paris, il fut reçu académicien en 1734 avec Vénus commandant des armes à Vulcain (musée de Montpellier) et se consacra à la grande décoration, travaillant soit pour des églises (Saint Étienne parmi les docteurs, 1745, musée de Rennes), soit pour le roi (la Jeunesse et la Vertu présentant les Filles de France, 1734, Versailles, chambre de la reine ; Allégories aux Muses, 1745, Paris, B. N. F., cabinet des Médailles), soit enfin pour des particuliers ; ses grands cycles mythologiques et historiques — 8 sujets de l'Histoire de Psyché (1737-1739, Paris, hôtel Soubise, auj. aux Archives nationales), 10 sujets de l'Histoire des dieux, 6 sujets de l'Histoire de Clovis, 4 sujets de l'Histoire de Télémaque peints entre 1731 et 1740 pour le château de la Chapelle Godefroy en Champagne (Ermitage ; Moscou, musée Pouchkine ; et surtout musée de Troyes) — révèlent une compréhension des principes de la grande décoration, qui l'a justement rendu célèbre. Ce sens décoratif se manifesta aussi dans les cartons de tapisserie qu'il exécuta soit pour la manufacture des Gobelins : Repas d'Antoine et Cléopâtre (musée de Nîmes), Entrevue d'Antoine et Cléopâtre à Tarse (musée de Marseille ; esquisse au musée de Rouen), soit pour Beauvais (Histoire de Don Quichotte en 13 cartons [1735-1745], dont 10 subsistent actuellement [1 au Louvre et 9 à Compiègne], qui est connue dans son intégralité par les tapisseries de l'archevêché d'Aix-en-Provence [Aix, musée des Tapisseries]) : vision héroïque, plus " moderne " que la suite contemporaine de C. A. Coypel. Peu avant son départ pour Rome, Natoire exécuta la décoration de la chapelle de l'hospice des Enfants-Trouvés à Paris, détruite à la fin du XIXe s., mais connue grâce aux gravures de Fessard, décoration illusionniste d'une virtuosité étourdissante, qui prouve que la grande tradition baroque du plafond en trompe-l'œil ne se limitait pas en France au XVIIIe s. à l'Apothéose d'Hercule de Lemoyne (Versailles). Nommé en 1751 directeur de l'Académie de France à Rome, à la suite de J. F. de Troy, Natoire se consacra alors principalement à son rôle de pédagogue et cessa assez rapidement son activité de peintre : Apothéose de Saint Louis (1756, Rome, Saint-Louis-des-Français ; esquisse au musée de Brest). Il dessina alors de nombreuses vues de Rome et de ses environs (Louvre ; Oxford, Ashmolean Museum ; Albertina ; British Museum ; musée de Darmstadt ; Montpellier, musée Atger ; Offices ; Metropolitan Museum ; Édimbourg, N. G.), qui comptent, par leur spontanéité, parmi les meilleurs exemples du paysage au XVIIIe s. et qui sont une des sources, trop souvent négligées, de l'art d'Hubert Robert. Remplacé en 1775 par Vien, il se retira à Castel Gandolfo, où il mourut deux ans plus tard. L'exposition de 1977 a montré l'importance de la production de l'ami et rival de Boucher.