Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Guston (Philip)

Peintre américain (Montréal 1912 Woodstock 1980).

Il appartient à la génération qui vit dans l'entre-deux-guerres le recul de l'Abstraction aux États-Unis, et Guston participa, dès sa fondation (1935), au Federal Art Project, organisé après la crise de 1929 par la Works Progress Administration pour pallier le chômage massif. Il réalisa plusieurs peintures murales dont celle du Queensbridge Housing Project à New York, qui existe encore. De cette époque, il garda le goût des grands formats, attachés aux commandes de peintures murales, et sans doute aussi un certain traditionalisme dans le maniement conjoint du dessin et de la peinture (Martial Memory, 1941, Saint Louis, the Saint Louis Art Museum). Ce n'est que vers 1950, lorsque l'Expressionnisme abstrait se scinde en deux tendances avec l'apparition de l'Action Painting, que — comme Kline, Tomlin ou Tworkov — il abandonne le style figuratif pour l'abstraction pure. À la suite de Pollock, il compose alors de vastes toiles, où la prépondérance est donnée aux effets de surface par le mouvement du pinceau, considéré comme un simple prolongement du corps (White Painting 1, 1951, San Francisco, M. A. M.). Mais, peu à peu, les formes se font plus ramassées, le geste se concentre davantage pour donner naissance à de plus petites surfaces, de tons pastel (To Fellini, 1958.) En 1967-68, il retourne à la figuration. Il brosse alors dans une gamme aux dominantes rouges des personnages à la frontière de la caricature (Head and Bottle, 1975) où apparaissent, comme un leitmotiv, d'épaisses chaussures cloutées. Il est bien représenté dans la plupart des musées américains, notamment à New York (M. O. M. A. et Whitney Museum) et à Chicago (Art Inst.). Une exposition rétrospective a été consacrée à l'artiste (New York, Amsterdam, Barcelone, Oxford, Rome, Dublin) en 1989. Ses œuvres sur papier, 1975-1980, ont été présentées (Les Sables-d'Olonne, abbaye Sainte-Croix) en 1995.

Gutaï [Japon, 1955-1972]

Mouvement japonais fondé par Jiro Yoshihara en 1955, Gutaï réunit pendant près de vingt ans un ensemble d'artistes liés aux pratiques de la performance et de l'installation. Son appellation est dérivée de l'adverbe gutaïteki (concret, incarnation) pour signifier le rôle déterminant de l'action dans la démarche créative. Le groupe publie plusieurs manifestes avant-gardistes et multiplie délibérément les formes d'expression pour échapper au conventionnalisme du style. L'idée d'une participation collective à une grande œuvre mondiale conduit les artistes à signer Gutaï pour faire disparaître toute notion d'individualité derrière l'appel spiritualiste de Jiro Yoshihara pour la " sympathie du monde entier ". S'inscrivant dans la lignée du mouvement dadaïste Mavo (1923), Gutaï recentre ses préoccupations plastiques sur la gestualité et l'investissement physique de l'artiste. Certains artistes, notamment Kazuo Shiraga et Sadasama Montanaga, actualisent la pratique de la calligraphie en la dotant d'une réflexion sur la spontanéité et la mécanique gestuelle. Shiraga réalise ses toiles en se suspendant par une corde pour accroître la difficulté de maîtrise du geste. Kanayama utilise des instruments téléguidés pour couvrir la toile de réseaux linéaires en détournant mécaniquement les principes de l'Action Painting américaine au même titre que les Méta-Matics de Jean Tinguely. Parmi les artistes de cette mouvance, il faut aussi compter Yoshida Toshio, Shozo Shimamoto, Saburo Murakami, Tsuruko Yamasaki et Mishio Yoshihara. La mort du fondateur et maître, Jiro Yoshihara, en 1972, conduit rapidement à la dissolution du groupe.

Gütersloh (Albert Conrad Kiehtreiberr, dit Albert Paris von)

Peintre et écrivain autrichien (Vienne  1887  – id. 1973).

Il se révéla au public en 1909 par des dessins qui furent présentés dans le cadre de l'Internationale Kunstschau, dont le promoteur était Klimt, et participa aux côtés de Schiele, Faistauer et Wiegele à la première exposition du Neukunstgruppe, organisée au mois de décembre de la même année. En 1910, il collabore au journal Die Aktion. En 1911-12, il passe son temps entre Berlin, Vienne et Paris, où il est l'élève de Maurice Denis, alors qu'il avait été jusqu'à présent autodidacte. De 1929 à 1938, il enseigna à l'École des arts décoratifs de Vienne et s'efforça de faire revivre l'art de la tapisserie. Professeur à l'Académie des beaux-arts de sa ville natale de 1945 à 1962, il eut pour élèves Brauer, Fuchs, Hutter, Hrdlicka et Lehmden. Artiste d'avant-garde av. 1914, il milita après la Seconde Guerre mondiale en faveur de l'art moderne, qu'il aspirait à faire triompher dans son pays, non seulement par ses publications, mais aussi par la fondation de l'Art-Club autrichien, qu'il présida. Il écrivit en 1909 le roman Die tanzende Törin (paru en 1911), considéré comme la première œuvre épique expressionniste. Jusqu'en 1912, son graphisme demeure expressionniste, évoquant quelque peu celui de Kokoschka ; ses aquarelles se distinguent par des contours flous. Le Prestidigitateur (v. 1912, Albertina) fait songer à Chagall. C'est en 1913 que Gütersloh trouve son propre style, inspiré du Cubisme analytique et de la Nouvelle Objectivité. Les contours s'accentuent et ses natures mortes, ses paysages et ses portraits revêtent dans leur netteté un aspect prismatique. La surface, où le détail joue un grand rôle, devient décorative : Torbole (1926, Vienne, Österr. Gal.). Quant au portrait de la Fille de l'artiste (1934, id.), c'est dans la clarté et la simplicité de sa conception qu'il puise sa grandeur. Le style, ironique, dense et narratif, des innombrables miniatures qu'a laissées Gütersloh jusqu'à une date récente se révèle déjà dans le Soir dans le parc (1925, Vienne, Historisches Museum). Le pathétique se fait jour en revanche non seulement dans certains cartons de tapisserie, mais aussi dans le cycle de dessins Caïn et Abel.

Gutierrez de la Vega (José)

Peintre espagnol (Séville v.  1791  – Madrid 1865).

Formé à l'école des Beaux-Arts de Séville, il vécut ensuite à Cadix, où la colonie britannique l'influença fortement (Portrait du consul John Brackembury, Madrid, Coll. part.). Installé à Madrid en 1832, il devient peintre honoraire de la Chambre en 1840. Avec son camarade Esquivel, il représente la " montée " vers la capitale d'artistes du Sud, héritiers de la tradition murillesque et qui restent étrangers au Néo-Classicisme officiel. Souvent maltraité par la critique puriste, il trouva en revanche une assez abondante clientèle dans l'aristocratie madrilène. Il a peint des tableaux religieux d'une couleur fluide, un peu vaporeuse, directement inspirés de Murillo, tels que Vierge à l'Enfant (Madrid, Museo romántico) ou Vierges de douleur, et saintes (Sainte Catherine d'Alexandrie, Prado, nouvelles salles du Casón), où se marque une influence progressive de la technique de Goya. Il fut surtout un spécialiste du portrait féminin. Il a peint à diverses reprises la reine Isabelle II enfant ou adolescente (Madrid, palais royal, Museo romántico, Banco de España), plusieurs grandes dames (la Duchesse de Frias, Madrid, coll. d'Albe), des modèles familiers (Portrait de sa femme, Casón) et de nombreux portraits anonymes de jeunes femmes ou d'enfants (Dame à l'éventail, Casón, série de portraits du musée de Séville). Parmi ses portraits d'hommes, celui du Marquis Almonocid de los Oteros (Madrid, coll. part.). Il donna toujours à ses figures, souriantes ou rêveuses, une douceur mélancolique, une sorte de halo mystérieux qui fait songer aux portraits d'un Gustave Ricard, à qui on l'a comparé parfois.