Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Bourliouk (David Davidovitch)

Peintre et poète russe (près de Kharkov 1882  – Long Island 1967).

En compagnie de son frère Vladimir (mort à la guerre en 1917), peintre lui aussi, David Bourliouk fréquente l'école d'art de Kazan, puis celle d'Odessa (1899-1902) ; en 1902, les deux frères vont étudier chez Azbé à Munich. Ensuite, ils passent un an à Paris, en 1904, dans l'atelier de Cormon. En 1907, David Bourliouk retourne à Moscou. Rejoint par Vladimir, il entre très rapidement en contact avec les milieux de l'avant-garde et en particulier avec Larionov, Gontcharova et Exter, en compagnie desquels il organise de nombreuses expositions et développe une activité intense : expositions Stephanos (1907), Le maillon à Kiev (1908), Vienok-Stephanos à Saint-Pétersbourg (1909) ; création du Cercle des poètes russes modernes (1909) ; Manifeste pour la défense du nouvel art (1910) ; exposition du Valet de carreau (1910-11). En 1910, il se lie d'amitié avec Kandinsky et participe au Blaue Reiter (1912). En 1911, il entre à l'École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou, d'où il est expulsé en 1913 en même temps que son ami Maïakovski, à cause de ses activités. En 1912-13, il publie l'almanach Gifle au goût du public, acte de naissance du futurisme russe et du groupe Hylée. Personnage très actif du Futurisme russe, il eut beaucoup de succès grâce à ses poèmes-peintures et à l'illustration des livres futuristes (Tango avec les vaches de Kamenski, 1914). Son œuvre pictural est marqué, sous l'influence de Larionov, par le primitivisme (Chevaux, v. 1910, Saint-Pétersbourg, Musée russe), puis par le futurisme (Pont, paysage de quatre points de vue, 1912, Saint-Pétersbourg, Musée russe). Il quitte la Russie en 1918 et, après avoir séjourné en Chine et au Japon, il s'établit à New York en 1922, il y publie la revue Color and Rime. Son talent d'animateur et de théoricien, son énergie, ses provocations en font une des grandes figures du futurisme russe.

Bourliouk (Vladimir Davidovitch)

Peintre russe (Kherson 1886  – Salonique 1917).

Dès 1907, il organise, à Moscou, avec son frère David, l'exposition Stefanos, qui réunissait pour la première fois les artistes qui cherchaient à sortir de la lignée passéiste impressionniste (Gontcharova, Larionov, Yakoulov, etc.). Vladimir participe alors à toutes les manifestations avant-gardistes et futuristes, telles que Le Maillon à Kiev (1908), la Guirlande-Stefanos à Saint-Pétersbourg, avec des œuvres d'obédience impressionniste qui tendent très tôt à une géométrisation primitiviste. Il organise ses aplats de couleurs cernés à la manière d'un vitrail (Vase de fleurs, 1909, Saint-Pétersbourg, Musée russe). Puis le Cubisme lui apprend l'épuration des plans et des volumes. Il atteint alors une géométrisation faite de plans colorés autonomes Portrait du poète Benedikt Livchits. (1912). En 1913 et 1914, il participe aux expositions de l'Union de la jeunesse et peint jusqu'à la fin de sa vie des œuvres géométriques annonçant le Suprématisme de Malévitch.

Boursse (Esaias)

Peintre néerlandais (Amsterdam 1631  – mort en mer en 1672).

Élève de Rembrandt, il travaille à Amsterdam de 1656 à 1661, date à laquelle il entre au service de la Compagnie des Indes orientales et s'embarque pour les Indes ; revenu à Amsterdam, il repart en 1672 ; c'est pendant ce second voyage qu'il trouva la mort dans les mers du Sud. Il peignit des scènes de genre : la Femme au coin de la cheminée (1656, Londres, Wallace Coll.), la Fileuse (1661, Rijksmuseum), la Peleuse de pommes (musée de Strasbourg), dérivées de Pieter De Hooch par le sujet et surtout de Vermeer par une certaine technique ouatée ; il utilise tout particulièrement les harmonies de bruns et de gris, contrastant avec la blancheur éclatante du linge.

Boutet de Monvel (Louis-Maurice)

Peintre français (Orléans 1851  – Paris 1913).

Élève de Carolus Duran et très influencé par l'art espagnol, il peignit d'abord des portraits et des scènes religieuses au coloris sourd (le Bon Samaritain, 1878, musée d'Orléans). Puis il découvrit au cours de plusieurs séjours en Algérie (1876-1880) une luminosité qui l'amena à éclaircir sa palette (Arabes revenant du marché, 1883, musée d'Amiens). En 1885, il envoie au Salon sa fameuse toile, l'Apothéose de Robert Macaire ; elle fut décrochée la veille de l'ouverture par ordre gouvernemental et aussitôt exposée au Figaro, où elle connut un vif succès. Il exécuta ensuite des portraits simplifiés, de plus en plus clairs et aérés (Portrait de Rose W.), et dessina de nombreuses illustrations de livres, stylisées, pleines d'une poésie douce et rieuse (Chansons de France). De sa décoration pour la basilique de Domrémy, qu'il ne put mener à bien, il ne reste que quelques beaux panneaux, dont le dessin est sobrement linéaire, les costumes et les décors luxueux finement colorés (Jeanne à Chinon, 1900, Chicago, Art Inst.).

 
Son fils Bernard (Paris 1881 – Açores 1949) , quelque peu dandy, peignit surtout des portraits mondains, dans un style synthétique, proche des Nabis (Portrait de Bernard Naudin, 1914, musée de Châteauroux). Il exécuta de nombreux dessins durant la Première Guerre mondiale, ainsi que des illustrations pour les romans d'André Maurois. Il peignit ensuite au Maroc des paysages pittoresques et séjourna aux États-Unis, où il connut un succès important.

Bouts (les)

Peintres flamands.

 
Dieric ou Dirc ou Dirk (Haarlem v.  1415 – Louvain 1475). Le témoignage de Van Mander et le relevé d'une signature, auj. disparue, attestent son origine haarlemoise. Rien de plus précis n'est connu sur sa jeunesse ; seule l'analyse de son style peut permettre de situer l'artiste dans un milieu fortement marqué par l'influence de Jan Van Eyck. Des textes le mentionnent à partir de 1457 à Louvain, où il mène la vie d'un bourgeois aisé. Vers 1445-1448, il dut épouser Catherine Mettengelde, dont il eut quatre enfants.

   Les seuls tableaux dont l'attribution soit confirmée par des sources d'archives sont le triptyque de la Cène de la cathédrale de Louvain, achevé en 1468, et 2 " tableaux de justice " (conservés à Bruxelles, M. R. B. A.), destinés primitivement à l'hôtel de ville, qui illustrent la légende de l'empereur Othon. Autour de ces œuvres ont pu être regroupés de nombreux tableaux, dont les plus proches sont : le Martyre de saint Érasme (cathédrale de Louvain), exécuté pour la même confrérie que la Cène, un Portrait d'homme, daté de 1462 (Londres, N. G.), où se retrouve l'austérité des tableaux de Bruxelles. Plus dramatiques dans leurs sujets comme dans leur animation sont un triptyque de la Déposition de croix (cathédrale de Grenade), une Pietà (Louvre), un polyptyque, peint sur toile, et dont les éléments sont dispersés entre le M. R. B. A. de Bruxelles (Crucifixion), le Getty Museum (Annonciation), la N. G. de Londres (Mise au tombeau), le Norton Simon Museum de Pasadena (Résurrection) et une coll. privée (Adoration des Mages) ; chacune de ces peintures révèle la connaissance des grandes œuvres de Rogier Van der Weyden, auxquelles Bouts emprunte des schémas de composition, une tendance à l'allongement des formes et une certaine recherche du pathétique. D'autres œuvres paraissent plus fidèles à la leçon de Van Eyck. La spécificité de l'art de Bouts, c'est d'associer une tension extrême et complètement intériorisée des personnages avec des intérieurs volontairement contemporains, ce qui devait permettre au dévot de s'insérer en quelque sorte dans les scènes représentées, d'autant plus facilement que, dans de nombreux cas, des personnages en costumes contemporains apparaissent mêlés à la scène en tant qu'acteurs et non plus spectateurs. Il établit, comme Rogier Van deŕ Weyden, un rapport intime entre la nature et les personnages. C'est ainsi que la Vierge à l'Enfant (Londres, N. G.) est présentée à mi-corps devant une draperie de soie près de laquelle une fenêtre laisse voir une échappée sur un paysage minutieusement décrit, formule destinée à connaître un considérable succès et qu'il utilise (c'est le premier exemple connu de ce type de portrait) pour son Portrait d'homme de la N. G. de Londres (1462). Parmi ses autres œuvres importantes, on peut citer : le Couronnement de la Vierge (Vienne, Akademie), le Martyre de saint Hippolyte (Bruges, église du Saint-Sauveur), Moïse et le buisson ardent (Philadelphie, Museum of Art). Citons également le triptyque, avec l'Adoration des Mages, dite la " Perle du Brabant " (Munich, Alte Pin.), deux volets évoquant le Chemin du Ciel et l'Enfer (musée de Lille) et un retable consacré à la Vie de la Vierge (Prado), dans lequel on s'accorde à voir la première œuvre actuellement connue du peintre. Bien d'autres tableaux lui sont attribués, qui appartiennent à des collections publiques ou privées d'Allemagne (ainsi l'Arrestation du Christ et la Résurrection [Munich, Alte Pin.]), des États-Unis, de Grande-Bretagne, des Pays-Bas. Signalons qu'il existe de nombreuses répliques contemporaines, les unes dérivées de la Vierge à l'Enfant (Londres, N. G.), les autres présentant une formule de diptyque associant les figures à mi-corps du Christ et de la Vierge en prière. Elles témoignent du succès de l'art de Bouts en son temps.

 
Albrecht ( ? entre 1452 et 1454 – Louvain 1549). Second fils de Dieric, il est mentionné pour la première fois à Louvain en 1473 ; nous savons, par différentes pièces d'archives, que son art eut beaucoup de succès et que l'artiste vécut dans l'aisance. E. Van Even fut le premier, en 1866, à découvrir l'analogie entre le triptyque de l'Assomption de la Vierge (Bruxelles, M. R. B. A.) et le tableau peint par Bouts pour la chapelle de Notre-Dame à l'église Saint-Pierre de Louvain et dont Molanus fait mention. Cette œuvre, signée sur le blason, a permis d'établir un catalogue qui groupe plus de 70 tableaux (musées d'Anvers, de Bruxelles, de Munich). Son art est moins figé, mais plus crispé que celui de son père et trahit l'influence de Van der Goes, dans l'atelier de qui il a dû travailler avant de s'installer à Louvain (le Christ chez Simon, Bruxelles, M. R. B. A.).