Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
W

Westerik (Co)

Peintre néerlandais (La Haye 1924).

Après sa formation à l'Académie de La Haye, son évolution fit peu à peu de lui le peintre réaliste le plus important de sa génération en Hollande bien que produisant un nombre d'œuvres très restreint (soixante-dix peintures achevées de 1946 à 1981). La figure humaine joue un rôle essentiel dans l'œuvre de Westerik ; elle est souvent présentée en situation contrastée (Homme dans l'eau, femme en bateau, 1959, La Haye, Gemeentemuseum) ou aux prises avec la nature, l'eau, la terre (série des Nageurs, 1962-1969, conservés dans diverses coll. part.). L'image n'est jamais tout à fait réaliste, mais toujours plus ou moins déformée par les tensions émotionnelles entre les personnages (Maître et élève, 1961, coll. Brecht), la fréquence de la représentation des visages en gros plan favorisant l'intérêt pris à la description approfondie de l'être humain (Soldat dans un paysage, 1972, La Haye, Gemeentemuseum). La relation de l'homme et de la nature est intensifiée également par la déformation et la différence d'échelle ; par ce procédé, la végétation semble se comporter d'une manière agressive envers l'homme (Coupé par l'herbe, 1966, Amsterdam, Stedelijk Museum). À partir des années 1970, de grands paysages semi-abstraits, composés de terre et d'herbe, d'eau et de ciel, servent de décor à des personnages souvent vus de dos, pris dans la terre, dans la série des Adieux au grand jour (1973-1981) ; d'autres personnages sont dépeints dans un anonymat inquiétant, en gros plans (Femme dans une petite chambre, 1978, Rotterdam, B. V. B.), ou réduits à des fragments de corps (le Pouls, 1981, coll. de l'État, La Haye).

   Westerik est en outre un excellent dessinateur, traçant à la plume des figures souvent fantomatiques ou inquiétantes (Homme avec un chien dans une chambre, 1966, La Haye, Gemeentemuseum), l'artiste est également graveur et lithographe.

   En 1968, Westerik est nommé professeur à l'Académie des Beaux-Arts de La Haye. Son œuvre, qui a fait l'objet de plusieurs rétrospectives marquantes, (1971, Amsterdam, Stedelijk Museum ; 1983-84, Berlin, Kunsthalle et La Haye, Gemeentemuseum) est particulièrement bien représentée dans les musées néerlandais ainsi que dans la collection Brecht à Naarden.

Wet (Jacob de) , dit l'Ancien

Peintre néerlandais (Haarlem v.  1610  – ? apr.  1675).

Après avoir été très probablement l'élève de Rembrandt en 1630-1632, il s'établit à Haarlem (le musée de Darmstadt conserve de lui un tableau daté de 1633), s'y marie en 1635 et de nouveau en 1639, tandis que sa présence sur les listes de la gilde est attestée en 1645, 1660 et 1661. On ignore tout de lui après 1675. En habile pasticheur, et avec un sentiment délicat du clair-obscur, Wet peint surtout des scènes bibliques, dans la manière narrative, sinon dramatique, chère à Rembrandt à ses débuts (Jésus au Temple, 1633, Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum ; Salomon sacrifiant aux idoles, musée de Lille), se plaisant en particulier à grouper de nombreux personnages aux attitudes bien diversifiées, de vastes paysages avec de pittoresques effets de lumière. Une œuvre, sans doute de ses débuts (l'Incendie de Troie, musée de Rennes), révèle encore des tendances maniéristes. On connaît même de lui quelques paysages purs, comme ceux de Londres (N. G.) ou de Hambourg (Kunsthalle). Cependant, on distingue assez mal ses œuvres de celles de Gerrit de Wet, qui fut très vraisemblablement son frère, et de celles de son fils, Jacob le Jeune. Jacob l'Ancien fut également confondu autrefois avec un Jan de Wit, élève de Rembrandt établi à Hambourg.

 
Gerrit ( ? – Leyde 1674) était entré à la gilde de Haarlem en 1643. Ses œuvres sont conservées au Rijksmuseum (Saül saluant David, vainqueur de Goliath), à l'Ermitage, ainsi qu'au S. M. f. K. de Copenhague.

 
Jacob, dit le Jeune (Haarlem 1640 – Amsterdam 1697) , fils de Jacob le Vieux, mentionné à Amsterdam en 1672, demeure un élève et un imitateur extrêmement fidèle de son père. Son dessin est plus figé, et l'artiste semble avoir affectionné davantage les effets de lumière féeriques avec des foudroiements et des scintillements dorés, le fantastique oriental des costumes, les contre-jours mystérieux, autant de moyens faciles, mais séduisants, pour prolonger à l'époque des italianisants le Rembranisme baroque des années 1630 : la Découverte de Moïse enfant sur le Nil (Hambourg, Kunsthalle), et surtout la poétique Visite de Minerve aux Muses (musée de Rouen ; attribué jusqu'à présent à Jacob le Vieux). L'artiste semble avoir travaillé à l'étranger, si on l'identifie avec le Jacob de Wet inscrit à la gilde de Cologne en 1677. On le retrouverait ensuite peintre à la cour de Jacques II d'Angleterre, vers 1685 à Holywood Palace, puis vers 1688 à Glamir Castle.

Weyden (Rogier Van der)
ou Rogier de La Pasture

Peintre flamand (Tournai 1399 ou 1400  – Bruxelles 1464).

Les incertitudes que laissent encore les documents actuellement connus sur la biographie de l'artiste ont permis d'élaborer à son sujet de surprenantes hypothèses qui ont alimenté une controverse passionnée à partir de 1929. Selon l'historien belge Renders, Rogier Van der Weyden serait un artiste flamand qu'il conviendrait de distinguer d'un obscur Tournaisien et Wallon, Rogier de La Pasture. Au premier des deux, il conviendrait en outre de restituer toute l'œuvre du Maître de Flémalle (Campin), qui serait sa production de jeunesse. Si des théories aussi radicales ont encore quelques tenants, elles paraissent aujourd'hui difficiles à soutenir. L'œuvre de Campin présente des caractères trop profondément opposés à ceux de l'œuvre de Rogier pour lui être assimilée. Que Rogier Van der Weyden soit originaire de Tournai, cela est attesté par le texte qui rappelle les cierges brûlés après son décès par la gilde tournaisienne en la mémoire du peintre " natif de cheste ville ". Seules les premières mentions du peintre posent des problèmes d'interprétation. Qu'il soit signalé en 1426 comme " maistre ", à l'occasion d'un don de quatre lots de vin par la ville, alors qu'on le retrouve en 1427 entrant en apprentissage chez Robert Campin, cela peut surprendre. Mais il n'en faut pas déduire l'existence de deux personnages : le titre de maître a pu être acquis par l'artiste soit dans une autre discipline que la peinture, soit dans une autre ville. Il est d'ailleurs probable que Rogier Van der Weyden arrive alors de Bruxelles, car son mariage avec la Bruxelloise Ysabel Goffaerts est certainement un peu antérieur à 1426.

   La complexité probable de la formation du peintre est également attestée par la diversité des œuvres. Si l'on peut tenir pour des œuvres de jeunesse les petits panneaux de la Vierge à l'Enfant dans une niche (Madrid, fondation Thyssen-Bornemisza) et le diptyque (Vienne, K. M.) figurant la Vierge et l'Enfant et Sainte Catherine, on ne peut y retrouver la seule leçon tournaisienne : une manière raffinée, élégante, servie par une facture précieuse, rappelle aussi l'art de Jan Van Eyck. Seules quelques œuvres de Rogier peuvent être situées approximativement dans le temps et constituer quelques points de repère pour une chronologie. La Déposition de croix (Prado), peinte pour la confrérie des arbalétriers de Louvain, est antérieure à 1443 et se situe probablement v. 1435. Ses grandes figures s'inscrivent sur le panneau en une composition qui imite celle des bas-reliefs tournaisiens et présentent la vigueur plastique des grandes créations de Campin. Pourtant, la disposition harmonieusement équilibrée des masses et la souplesse des arabesques sont à l'opposé de l'esprit de ce dernier. La solennité pathétique de la scène culmine dans la célèbre figure de la Madeleine, souvent imitée par les artistes du XVe s. Cette dualité d'inspiration se retrouve dans de nombreuses œuvres. L'Annonciation (Louvre, centre d'un triptyque dont les volets, peut-être dus à l'atelier et représentant un Donateur et la Visitation, sont à la Gal. Sabauda de Turin) reprend le schéma du triptyque de Campin (New York, Cloisters), en lui donnant un rythme équilibré et un raffinement dont ce dernier est dépourvu. Une lumière dont chaque reflet est précisément observé lui apporte une note de réalisme précieux. Van der Weyden s'inspire, dans son Saint Luc peignant la Vierge (Boston, M. F. A., répliques à Munich, Alte Pin., et à l'Ermitage), de la Vierge du chancelier Rolin (Louvre) de Jan Van Eyck pour la composition, mais confère à sa propre œuvre un aspect monumental. L'expression d'une douleur retenue, qui marque le tableau du Prado, se retrouve dans le Triptyque de la Vierge (Grenade, chapelle royale, et Metropolitan Museum ; variante à Berlin), mais dans une gamme beaucoup plus élégante, qui suit la tradition d'un gothique raffiné. C'est en 1439 que Rogier aurait achevé 2 des 4 panneaux représentant des exemples de justice exécutés pour l'hôtel de ville de Bruxelles. Détruites au XVIIe s., ces œuvres ne sont plus aujourd'hui connues que par une tapisserie (Berne), qui paraît les interpréter très librement. Vers 1445-1450, le chancelier Rolin commande au peintre le grand Polyptyque du Jugement dernier de l'hospice de Beaune, qui développe, en une vaste frise, le thème traditionnel de la résurrection des âmes et de leur jugement en présence de la cour céleste.

   En 1450, peut-être à l'occasion de l'année jubilaire, Rogier accomplit un voyage en Italie. Le contact avec l'art méridional ne paraît pas l'avoir beaucoup influencé et l'a surtout confirmé dans sa tendance à composer rigoureusement autour d'un axe de symétrie, comme en témoignent la Mise au tombeau (Offices), inspirée par une œuvre de Fra Angelico, la Vierge des Médicis (Francfort, Städel. Inst.) ou même le Triptyque Braque (le Christ entre la Vierge et saint Jean l'Évangéliste, Saint Jean-Baptiste, Sainte Madeleine, Louvre), l'une de ses créations les plus pures. Cette rigueur se retrouve également dans le Triptyque de saint Jean (musées de Berlin), dont les panneaux extrêmes s'opposent en un exact équilibre. Le Triptyque des sept sacrements (musée d'Anvers), exécuté pour l'évêque de Tournai Jean Chevrot v. 1453, réunit une série de scènes dans une majestueuse église. Dans l'épisode central de la Crucifixion, l'affirmation de la ligne souligne l'arabesque des figures. Cette tendance s'accentue dans le Triptyque de la Nativité (musées de Berlin), commandé par Pierre Bladelin entre 1450 et 1460. Elle caractérise la grande Annonciation (Metropolitan Museum) peinte pour un membre de la famille Ferry de Clugny et règne dans l'Adoration des mages (centre du triptyque dont les volets illustrent l'Annonciation et la Présentation au Temple, Munich, Alte Pin.) provenant de l'église Sainte-Colombe de Cologne. La forme atteint alors à une sorte de crispation que l'on peut qualifier de " maniérisme gothique ".

   Au service d'une expression dramatique, cet art graphique conduit à la grande Crucifixion de l'Escorial, malheureusement très ruinée, et au diptyque de la Crucifixion (Philadelphie, Museum of Art, coll. Johnson), peut-être un peu antérieur, dans lequel la ligne et l'expression s'unissent avec une forte intensité.

   La même évolution apparaît dans le portrait. Rogier paraît avoir inventé ou développé une formule qui associe en diptyque un donateur et une Vierge à l'Enfant, tous deux en buste. Le plus ancien, celui de Laurent Froimont (la Vierge au musée de Caen et le portrait à Bruxelles, M. R. B. A.), présente des figures encore nettement plastiques. Le portrait de Jean de Gros (ancienne coll. Renders et Chicago, Art Inst.), peut-être exécuté avec des collaborateurs, tend déjà à mettre en valeur les contours. L'évolution est achevée avec le diptyque de Philippe de Croÿ (San Marino, Huntington Library and Art Gal., et musée d'Anvers), où les figures sont non seulement devenues toutes linéaires, mais également rendues dramatiques par la nervosité des contours. Cette qualité graphique se retrouve aussi dans les Portraits de femmes de Berlin et de la N. G. de Washington, le Portrait de Francesco d'Este (Metropolitan Museum) et l'Homme à la flèche (Bruxelles, M. R. B. A.). Elle devait marquer également les portraits de Philippe le Bon, connus seulement par des copies. L'art de Rogier Van der Weyden, qui devait être souvent imité, apporte une vision encore imprégnée de la ligne gothique et fixée dans une construction rigoureuse tout intellectuelle.

 
Son fils Pierre (Bruxelles 1437 –id. 1514) , peintre également, a connu un grand succès s'il faut en croire les documents d'archives. Peut-être faut-il, à la suite de l'historien d'art Friedländer, voir en lui le Maître de la légende de sainte Catherine, suiveur fidèle du maître à la considérable production (Polyptyque de la Nativité, New York, Cloisters). Du fait qu'il a eu entre les mains les cartons du maître, cela permettrait aussi d'apporter un début de solution à l'auteur des répliques nombreuses d'après Rogier Van der Weyden.