tapisserie (suite)
Le XIXe siècle
Au XIXe s., il n'existe pas de grands ateliers en dehors de la France, où les manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie poursuivent, malgré des difficultés certaines, leurs activités. Quelques tentatives méritent d'être signalées, en particulier la manufacture créée en Angleterre en 1861 – elle fonctionnera jusqu'en 1940 – par William Morris. Réunissant autour de lui des peintres préraphaélites, notamment Edward Burne-Jones, il souhaitait libérer la tapisserie de sa soumission à la peinture (retour à un nombre limité de couleurs, suppression de la perspective...). Ses idées eurent une influence dans plusieurs pays d'Europe.
En Norvège, à partir de 1890, des tapisseries sont réalisées d'après des cartons d'artistes contemporains tels que Frida Hansen et Gerhard Munthe, qui réemployèrent les colorants végétaux.
Le XXe siècle
En France, après Aristide Maillol, qui prônait aussi le retour aux plantes tinctoriales (il teignait lui-même les laines de ses tapisseries), Marius Martin, directeur de l'École nationale des Arts décoratifs d'Aubusson, essaya vers 1920 d'imposer la limitation des couleurs, le tissage par hachures et le retour au style décoratif. Mais c'est incontestablement à Jean Lurçat qu'est due la renaissance de la tapisserie. Sa rencontre avec les lissiers d'Aubusson fut capitale. Les ateliers privés qui jadis avaient obtenu de Colbert le titre de manufactures royales d'Aubusson connaissaient depuis longtemps une certaine pénurie de cartons originaux de qualité. Grâce à l'initiative de Marie Cuttoli, les ateliers d'Aubusson avaient exécuté un carton de Georges Rouault, les Fleurs du mal (1928), bientôt suivi (1932) par le tissage de tableaux de peintres célèbres : Léger, Braque, Matisse, Picasso, Dufy, Miró, Marcoussis, Derain. En même temps, Marie Cuttoli s'adressa à Jean Lurçat, qui donna en 1932 son premier carton pour Aubusson, l'Orage. Cette expérience suscita un renouveau d'intérêt pour la tapisserie. Les manufactures nationales firent appel en 1936 à Lurçat. Préconisant pour la « tapisserie moderne la libération de la peinture qui devait la ramener au grand art du Moyen Âge », il rappelait qu'elle était « un art d'ordre monumental », opinion partagée par Le Corbusier, qui parlera du « mur de laine ». Dans l'œuvre considérable de Jean Lurçat, il convient de citer spécialement l'Apocalypse pour la chapelle d'Assy et le Chant du monde (Angers, musée des Tapisseries).
À la suite de Lurçat, une génération de peintres cartonniers allait contribuer à l'essor de la tapisserie : Gromaire, Picart le Doux, Saint-Saëns, Dom Robert... En 1946, Matisse donnait à la manufacture de Beauvais les cartons de la tenture Polynésie (Paris, Mobilier national). Depuis lors, des artistes, peintres, sculpteurs ou architectes tels que Picasso, Braque, Chagall, Arp, Miró, Gilioi, Adam, Le Corbusier ou aujourd'hui Penalba ont cherché dans la tapisserie un nouveau mode d'expression.
À Lurçat est due, dans les années soixante, la création à Lausanne d'une Biennale internationale de la tapisserie (première exposition en 1962) qui permit en particulier de révéler les créations d'Europe centrale (la Pologne avec Magdalena Abakanowicz et la Yougoslavie avec Jagoda Buic) et des États-Unis (Sheila Hicks).
Les manufactures nationales ont été associées au nouvel aménagement du ministère des Finances (Soulages, Rouan, Pincemin) et leur renom leur valut la commande d'une tenture en onze pièces d'après les cartons de Bjoern Noergard qui retrace l'histoire du Danemark des Vikings à nos jours (château de Christianborg).