Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Théodoric, dit Maître Théodoric

Peintre tchèque (actif à Prague v. le troisième quart du XIVe s.).

Théodoric travaillait à la cour de l'empereur Charles IV ; dans un acte de 1359, il est qualifié de malerius imperatoris ; une mention du registre de la confrérie des peintres constate, v. 1365, que Maître Théodoric s'était acquitté de la cotisation annuelle, et une charte de Charles IV (datée du 28 avril 1367) fait l'éloge de la chapelle Sainte-Croix du château de Karlstejn, décorée par Théodoric, pictor noster et familiaris, et exempte celui-ci de l'impôt foncier frappant sa propriété de Morina. La décoration de la chapelle fut probablement entreprise pour la seconde consécration (9 février 1365) par l'archevêque Jan Ocko de Vlasím et elle était sans doute terminée en 1367. Elle rassemble l'œuvre entier de Théodoric, responsable également de l'aménagement de l'ensemble. Les parties hautes des murs sont recouvertes de 129 panneaux peints, disposés sur plusieurs rangs. Toute l'armée céleste y est représentée : saints et saintes, Pères de l'Église, évangélistes, évêques, abbés, ermites, dont les bustes, vigoureux et statiques, sont souvent de type populaire ; une spiritualité intense imprègne les physionomies, que la lumière et l'ombre modèlent avec délicatesse ; ces figures se détachent sur des fonds d'or ou sur un arrière-plan décoré. Les sources de l'art de Théodoric sont mal connues : cet art tire son origine de la peinture tchèque des environs de 1350 et est en contact direct avec l'atelier du Maître de la Généalogie des Luxembourg, qui introduit en Bohême le réalisme occidental ; l'influence italienne n'est pas niable, émanant de Tommaso da Modena, de Venise, de l'Italie du Nord.

   Parmi les œuvres qui s'apparentent à l'art de Théodoric, citons le Tableau votif de l'archevêque Jan Ocko de Vlasím (Prague, Národní Gal.) et la Dormition (Brno, Gal. morave). Maître Théodoric, figure centrale de la peinture tchèque des années 1360, assure le lien entre les peintres des générations précédentes et le Maître de Trebon.

Thoma (Hans)

Peintre et graveur allemand (Bernau, Forêt-Noire, 1839 – Karlsruhe 1924).

Sa première formation se fit auprès d'un lithographe et d'un miniaturiste à Bâle ; en 1859, il est élève de l'Académie de Karlsruhe et subit alors l'influence de J. W. Schirmer et de Hans Canon. En 1867, il se rend à Düsseldorf ; au printemps de 1868, il fait un court séjour à Paris avec Otto Scholderer, où il est impressionné par l'art de Courbet et par l'école de Barbizon (Au soleil, musée de Karlsruhe ; les Noces, id.). Il travaille ensuite jusqu'en 1870 à Bernau, puis à Munich, où il est lié avec Scholderer, Victor Müller, Leibl, Haider, Trübner et Böcklin. Lors d'un voyage en Italie (1874), il fait la connaissance de Hildebrand et de Marées. À partir de 1876, il travaille à Francfort, séjournant en 1880 à Rome et effectuant plusieurs voyages, par la suite, en Italie (1887 : il rend visite à Hildebrand à Florence ; 1892 : Venise ; 1897 : tour d'Italie). En 1899, il est nommé directeur de la Kunsthalle de Karlsruhe et professeur à l'Académie. En 1909, son musée ouvre à Karlsruhe pour son soixante-dixième anniversaire. La même année, Thoma publie Im Herbst des Lebens et, dix ans plus tard, Im Winter des Lebens. Peu de temps avant sa mort, une grande rétrospective lui est consacrée à Bâle et à Zurich (1924).

   Thoma, l'un des peintres les plus importants de la fin du XIXe s. en Allemagne, a traité, outre les paysages, le portrait (plusieurs autoportraits) et les scènes de la vie populaire. Dans son art d'inspiration réaliste, son amour profond de la nature se traduit par un métier sûr et solide, une mise en page simple et fortement équilibrée (les Couseuses, 1868, Essen, Museum Folkwang ; la Soirée, id.) et une technique onctueuse (Nature morte, 1872, musées de Berlin). Il a su assimiler, dans un style très personnel, les influences multiples qu'exercèrent sur lui ses amis, Böcklin, Leibl et Marées. La fermeté du dessin, un sens plastique affirmé sont à l'origine de l'effet monumental produit par ses ouvrages et qui s'accentue avec l'influence symboliste (Joueur de luth, 1895, Zurich, Kunsthaus). Le musée de Karlsruhe présente l'ensemble le plus riche de Thoma, qui figure aussi dans les musées de Munich (Neue Staatsgal.), Berlin, Bâle, Bonn, Brême (Kunsthalle), Dresde (Gg), Mannheim, Stuttgart (Staatsgal.), Hambourg (Kunsthalle).

Thorn-Prikker (Johan)

Peintre et décorateur néerlandais (La Haye 1868 – Cologne 1932).

Élève de l'Académie de La Haye de 1883 à 1887, il fut d'abord marqué par son compatriote Breitner et le Pointillisme. En relation avec le milieu symboliste belge, il exposa aux Vingt à Bruxelles et se signala de bonne heure par un style très dépouillé, souple et cursif, confinant à l'abstraction : la Madone aux tulipes (1892, Otterlo, Kröller-Müller), la Mariée (1893, id.). Lié avec Henry Van de Velde, celui-ci l'incita à se consacrer aux techniques décoratives et, en 1897, Thorn-Prikker réalisa son premier « batik ». Dans la correspondance qu'il échangea entre 1892 et 1896, avec Henri Borel – son seul ami parmi les gens de lettres – il précise sa vision : fixer, non pas l'impression virtuelle des phénomènes mais bien l'essence de ceux-ci. Après le déclin du symbolisme, il subit peu de temps l'influence de Van Gogh : Route de Dahlem (craie à la cire sur papier, v. 1904, La Haye, Gemeentemuseum). Son talent, porté vers la stylisation monumentale et le symbole, s'épanouit quand l'artiste commença en Allemagne, à l'instar de Van de Velde, une carrière de décorateur et de professeur à Krefeld (1904-1910), à Hagen (1910-1919), à Munich, à Düsseldorf et enfin à Cologne, où il s'installa en 1926. On lui doit des vitraux pour la gare de Hagen (1910), pour Saint-Georges à Cologne et pour l'église de la Résurrection à Essen (1930), des mosaïques (le Jour et la Nuit) pour le Palais des expositions de Düsseldorf (1926).

Thornhill (sir James)

Peintre britannique (Melcombe Regis, Dorset, 1675 – Thornhill, Dorset, 1734).

Il appartenait à une vieille famille du Dorset et fit son apprentissage chez Thomas Highmore de 1689 à 1697. Il a vraisemblablement travaillé pour Verrio, à Hampton Court, de 1702 à 1704 et, vers 1706-1707, il peignit la Chambre des Sabines à Chatsworth, ce qui devait, de bonne heure, l'orienter vers une carrière de peintre décorateur. Il obtint comme première commande importante la décoration de l'ancien réfectoire du Greenwich Hospital, à laquelle il travailla de 1708 à 1727. Il fut parmi les premiers à s'inspirer de scènes de l'histoire contemporaine, comme le Débarquement de Guillaume III en Angleterre, et à leur donner une forme dramatique à l'échelle de la grande peinture d'histoire. Son carnet d'esquisses (coll. part.) rapporté en 1711 de son voyage aux Pays-Bas et en Belgique témoigne de son intérêt pour l'architecture ; l'un des meilleurs aspects de son talent réside dans les effets de perspective architecturale. En 1715, Thornhill décora les appartements du prince à Hampton Court ainsi que la chapelle d'All Soul's College à Oxford. La même année, il fut chargé de peindre la coupole de Wren à Saint Paul, tâche qu'il termina en 1719 (Vie de saint Paul ; esquisses au St. Paul's Cathedral Museum). Thornhill succéda à Kneller en 1716 à la tête de l'Académie, fondée en 1711 ; en 1718, il fut nommé peintre d'histoire du roi et devint en 1720 Sergeant Painter en même temps qu'il était promu chevalier. En 1723, le choix de William Kent pour la décoration du palais de Kensington marqua un tournant dans sa carrière, et il consacra l'énergie de ses dernières années à copier les cartons de Raphaël à Hampton Court.

   Successeur de Verrio et surtout de Laguerre, introducteurs de la décoration baroque en Angleterre, Thornhill perpétua leur tradition et celle de Pellegrini (à Londres en 1708), de Marco (à Londres de 1708 à 1716) et de Sebastiano Ricci (à Londres de 1712 à 1716). Meilleur coloriste que ses devanciers, son exécution est souvent faible et quelque peu molle. En revanche, l'artiste a laissé de nombreux dessins (Londres : British Museum, Courtauld Inst. [Witt Coll.], V. A. M. ; Cambridge : Fitzwilliam Museum ; Bedford : Cecil Higgins Museum ; Oxford : Ashmolean Museum ; All Soul's College ; Worcester College ; Chicago : Art Inst. ; Hambourg : Kunsthalle) et esquisses à l'huile (Londres : Soane's Museum, V. A. M. ; Greenwich : Maritime Museum ; Oxford : Ashmolean Museum) qui s'imposent par leur brio et l'élégance de la composition. Sa vente après décès eut lieu les 24 et 28 février 1735 ; en plus de ses propres esquisses et dessins, on y remarquait des œuvres de Laguerre, Verrio, Sebastiano Ricci, Rubens et surtout un Poussin capital, Tancrède et Herminie (Birmingham : Barber Inst.), qu'il avait acheté en 1717 lors de son court séjour à Paris. Sa fille Jane épousa William Hogarth.