Vouet (Simon) (suite)
La carrière française
Il est plus difficile de suivre année par année la carrière de Vouet en France, mais un fait demeure : l'abondance des commandes — tableaux d'églises, grands ensembles décoratifs, toiles d'amateurs — que reçoit l'artiste. Nombre de ces ensembles, comme la série des Hommes illustres peinte pour le Palais-Cardinal (maintenant Palais-Royal) de Richelieu (1636-1638 env.), ont été démembrés, et les tableaux d'églises ont tous été déplacés, sinon perdus, rendant difficile l'analyse de l'évolution du style, d'autant plus qu'un important atelier — par exemple François Tortebat et Michel Dorigny, qui épousèrent deux filles de l'artiste, mais aussi le frère de Simon, Aubin Vouet, Michel Corneille, Nicolas Chaperon, Charles Poerson et tant d'autres — semble avoir participé de plus en plus à la réalisation des toiles. Quelques dates, toutefois, permettent de mieux étudier cette carrière : Vouet perd sa femme en 1638 et se remarie en 1640, qui est l'année du retour de Poussin à Paris et du mot fameux de Louis XIII : " Voilà Vouet bien attrapé. " Il participera néamoins à la commande de Sublet de Noyers pour le noviciat des jésuites aux côtés de Poussin et de Stella.
Vouet meurt en 1649, à un moment où deux de ses nombreux élèves, les plus doués, se disputent le pouvoir : Le Sueur et Le Brun. C'est dans un style plus décoratif, très coloré, qu'il exécuta les nombreux ensembles qui lui furent commandés (châteaux de Chilly, de Saint-Germain-en-Laye, de Fontainebleau, de Wideville ; à Paris, hôtels Bullion, Séguier, du président Perrault, de Bretonvilliers et de Tubœuf). Cette même formule, il l'applique à ses tableaux de chevalet, notamment à ses nombreuses Vierges à l'Enfant largement diffusées par la gravure, dont il s'est fait une spécialité. Ce sont toutefois les grandes compositions allégoriques (le Temps vaincu par l'Amour, Vénus et l'Espérance, musée de Bourges) ou les toiles religieuses exécutées pour des églises de Paris (Assomption de la Vierge, à Saint-Nicolas-des-Champs ; Martyre de saint Eustache, à Saint-Eustache ; l'Adoration du nom divin par quatre saints, à Saint-Merri) et celles qui sont conservées dans les musées de Nantes (Apothéose de saint Eustache), de Lyon (Crucifixion), de Rouen (Apothéose de Saint Louis), de Grenoble (Tentation de saint Antoine et Repos pendant la fuite en Égypte), de Bruxelles (Saint Charles Borromée) et du Louvre (Présentation de Jésus au Temple) qui sont le meilleur de la production de Vouet ; elles sont souvent préparées par d'admirables dessins à la pierre noire (les deux albums Cholmondeley du Louvre, par exemple, ou l'ensemble de dessins de la bibliothèque de Munich). Habilement agencées par le jeu des draperies et leur rythme circulaire, elles constituent une réponse à la française aux grandes toiles " classiques " des maîtres bolonais et romains.
De ce fait, le rôle de Vouet aura été prépondérant. Le Brun saura être son digne successeur. Plus que tout autre, Simon Vouet avait contribué à faire de Paris sous le règne de Louis XIII une des capitales artistiques de l'Europe. Une importante rétrospective lui a été consacrée en 1990 (Paris, Grand Palais ; Rome).