Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Vouet (Simon) (suite)

La carrière française

Il est plus difficile de suivre année par année la carrière de Vouet en France, mais un fait demeure : l'abondance des commandes — tableaux d'églises, grands ensembles décoratifs, toiles d'amateurs — que reçoit l'artiste. Nombre de ces ensembles, comme la série des Hommes illustres peinte pour le Palais-Cardinal (maintenant Palais-Royal) de Richelieu (1636-1638 env.), ont été démembrés, et les tableaux d'églises ont tous été déplacés, sinon perdus, rendant difficile l'analyse de l'évolution du style, d'autant plus qu'un important atelier — par exemple François Tortebat et Michel Dorigny, qui épousèrent deux filles de l'artiste, mais aussi le frère de Simon, Aubin Vouet, Michel Corneille, Nicolas Chaperon, Charles Poerson et tant d'autres — semble avoir participé de plus en plus à la réalisation des toiles. Quelques dates, toutefois, permettent de mieux étudier cette carrière : Vouet perd sa femme en 1638 et se remarie en 1640, qui est l'année du retour de Poussin à Paris et du mot fameux de Louis XIII : " Voilà Vouet bien attrapé. " Il participera néamoins à la commande de Sublet de Noyers pour le noviciat des jésuites aux côtés de Poussin et de Stella.

   Vouet meurt en 1649, à un moment où deux de ses nombreux élèves, les plus doués, se disputent le pouvoir : Le Sueur et Le Brun. C'est dans un style plus décoratif, très coloré, qu'il exécuta les nombreux ensembles qui lui furent commandés (châteaux de Chilly, de Saint-Germain-en-Laye, de Fontainebleau, de Wideville ; à Paris, hôtels Bullion, Séguier, du président Perrault, de Bretonvilliers et de Tubœuf). Cette même formule, il l'applique à ses tableaux de chevalet, notamment à ses nombreuses Vierges à l'Enfant largement diffusées par la gravure, dont il s'est fait une spécialité. Ce sont toutefois les grandes compositions allégoriques (le Temps vaincu par l'Amour, Vénus et l'Espérance, musée de Bourges) ou les toiles religieuses exécutées pour des églises de Paris (Assomption de la Vierge, à Saint-Nicolas-des-Champs ; Martyre de saint Eustache, à Saint-Eustache ; l'Adoration du nom divin par quatre saints, à Saint-Merri) et celles qui sont conservées dans les musées de Nantes (Apothéose de saint Eustache), de Lyon (Crucifixion), de Rouen (Apothéose de Saint Louis), de Grenoble (Tentation de saint Antoine et Repos pendant la fuite en Égypte), de Bruxelles (Saint Charles Borromée) et du Louvre (Présentation de Jésus au Temple) qui sont le meilleur de la production de Vouet ; elles sont souvent préparées par d'admirables dessins à la pierre noire (les deux albums Cholmondeley du Louvre, par exemple, ou l'ensemble de dessins de la bibliothèque de Munich). Habilement agencées par le jeu des draperies et leur rythme circulaire, elles constituent une réponse à la française aux grandes toiles " classiques " des maîtres bolonais et romains.

   De ce fait, le rôle de Vouet aura été prépondérant. Le Brun saura être son digne successeur. Plus que tout autre, Simon Vouet avait contribué à faire de Paris sous le règne de Louis XIII une des capitales artistiques de l'Europe. Une importante rétrospective lui a été consacrée en 1990 (Paris, Grand Palais ; Rome).

Vrancx (Sébastien)

Peintre flamand (Anvers 1573  –id. 1647).

Il a dû faire le voyage d'Italie entre 1595 et 1597, passant par Rome et par Venise où il fut en contact avec son compatriote Pozzoserrato (Toeput). Franc maître à Anvers en 1600-1601, il est, en 1607, membre de la gilde de Saint-Luc et de la Chambre de rhétorique des Violieren, pour laquelle il compose des poésies et des pièces de théâtre. Doyen de la gilde en 1612 et extrêmement populaire dans sa ville natale, il est aussi élu capitaine de la garde bourgeoise en 1621. Musées et collections particulières possèdent de nombreux tableaux de lui, généralement monogrammés et quelquefois datés, s'échelonnant entre 1600 et 1633. Vrancx a représenté les sujets les plus divers : épisodes bibliques ou historiques, illustrations des saisons et des mois, scènes de la vie de société (les Jardins de la Villa Médicis, 1615, Naples, Capodimonte, ou la Vue du Kranenhoofd d'Anvers en hiver, 1622, Rijksmuseum). Mais, avant tout, il fut le premier peintre de batailles du XVIIe s., celui des escarmouches, des pillages et des rixes : Pillage d'un village (Louvre), Sac d'un village (Rome, Gal. Spada), Attaques de diligence ou de convoi (musées de Brunswick, d'Anvers, de Munich ; château de Windsor), Combats de cavaliers (musées de Gotha, de Brunswick, de Munich), Sièges de villes traités à vol d'oiseau (musée de Gotha ; coll. du baron Houtart à Bruxelles).

   Sa distribution des couleurs, une manière de composer encore très narrative (fourmillement des figures) révèlent un artiste influencé par l'art du siècle précédent. Sébastien Vrancx emploie les teintes avec sobriété, soumettant l'ensemble aux dominantes rouge et brun sombre. Il fut le maître de Pieter Snayers, qui collabora avec lui, et il influença notamment Pieter Meulener et Van der Meulen.

Vrel (Jacobus)

Peintre néerlandais (actif entre 1654 et 1662 peut-être à Delft).

On ne possède aucun renseignement biographique sur ce petit maître, sans doute originaire de Frise, autrefois confondu avec Vermeer (Thoré-Burger, 1866), Pieter De Hooch ou Koedijck et que la critique a depuis distingué (notamment Hofstede de Groot en 1893). Très peu de ses œuvres sont datées ; Une femme à la fenêtre (1654, Vienne, K. M.) révèle un peintre indépendant et formé avant Vermeer, voire avant Pieter De Hooch, ce qui fait de Vrel un contemporain d'Emmanuel de Witte et de Fabritius, nés v. 1620. Vrel a traité surtout 2 thèmes : intérieurs et vues urbaines. Leur originalité dans l'école hollandaise tient à l'étroitesse de leur champ visuel, limité à des courettes ou des ruelles, complètement étranger au genre savamment perspectiviste cultivé depuis Saenredam et qui triompha chez Berckheyde et Van der Heyden. Les personnages qui animent ces vues sont souvent malhabiles, et leur naïveté accentue encore le côté humble de ce réalisme d'un niveau esthétique modeste mais d'une présence étonnante. On en trouve des exemples assez nombreux et relativement monotones dans les musées d'Oldenburg, de Hambourg, au Rijksmuseum (tableau signé et qui a joué un rôle essentiel dans la découverte du peintre), dans les musées d'Hartford, de Philadelphie (coll. Johnson) ; chose curieuse, ces Vues urbaines, assez voisines de celles de Pieter De Hooch, avaient presque toutes passé autrefois pour des Vermeer. Bien plus vermériens certes et d'une qualité poétique plus élevée sont en revanche les Intérieurs de Vrel : grandes pièces hautes et silencieuses où travaillent des femmes et où lumière et formes pures se découpent nettement. Le coloris, où dominent souvent les gris bleutés et froids, contraste avec les harmonies de bruns rougeâtres qui caractérisent les Vues urbaines. On y retrouve pourtant toujours la même modestie de l'humble réalité quotidienne — un peu mélancolique dans son calme trop parfait — et les mêmes perspectives, limitées ici à une seule pièce ou à des murs nus, au lieu d'une enfilade de pièces comme chez de Witte ou Pieter De Hooch. Parmi les meilleures œuvres de Vrel, citons la Garde-malade du musée d'Anvers, l'Intérieur de Bruxelles (M. R. B. A.), la Leçon de lecture du musée de Lille, les Soins maternels de Detroit (Inst. of Arts), où volumes et espace sont évoqués avec la pureté abstraite et la plasticité d'un primitif néerlandais du XVe s., ou encore ce chef-d'œuvre d'intimisme naïf, si gentiment poétique, qu'est la Femme à la fenêtre de la coll. Lugt (Paris, Inst. néerlandais), où le vitrage extérieur renvoie paradoxalement à l'intérieur de la pièce et laisse apparaître en transparence, comme au-delà du réel, dans le mystère de cet univers sans bruit ni geste, un visage d'enfant.