Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Lorenzo di Credi

Peintre italien (Florence 1456 ou 1459  – id.  1537).

Élève de Verrocchio, qui fit de lui son héritier, Lorenzo se dévoua entièrement à ce maître, qui lui confia même la direction de son atelier de Florence quand des commandes l'appelèrent à Venise. Après la mort de Verrocchio en 1488, il ramena de Venise à Florence la dépouille de ce grand chef d'école. De Verrocchio, Lorenzo retint le dessin incisif et précis, mais il l'amollit et le transforma vite en métier et académisme ; de Léonard, son condisciple et grand modèle, il adopta le sfumato et l'art des glacis transparents, qu'il porta à un haut degré de virtuosité, comme le rappelle Vasari. Sa première activité concerne les œuvres exécutées chez Verrocchio et commandées au maître, comme la Madone di Piazza (Pistoia, Dôme). Lorenzo collabora probablement à des œuvres de sculpture, mais, dans ce domaine, il ne nous reste rien qui soit certainement de sa main.

   L'évolution stylistique de Lorenzo di Credi est difficile à reconstituer, car, au cours de sa longue activité, l'artiste n'offre pas d'exemples indiquant un changement décisif d'orientation ou un renouvellement de manière. On observe seulement un affaiblissement progressif de la qualité de sa peinture, imputable sans doute aux interventions de son très important atelier. Parmi ses œuvres de jeunesse, citons l'Annonciation (Offices), la Vierge et l'Enfant (Turin, Gal. Sabauda), le tondo avec l'Adoration de l'Enfant (Venise, Gal. Querini Stampalia), origine de nombreuses variations sur ce thème ; viennent ensuite la Vierge et des saints (Louvre), une des rares œuvres datées (1494), enfin l'Adoration de l'Enfant (Offices), brillante comme un émail, peinte au début du XVIe s.

   Personnalité en vue de l'ambiance florentine, Lorenzo eut un atelier très fréquenté, fut plusieurs fois appelé à estimer des œuvres d'art ou à servir d'arbitre dans des litiges entre artistes et fut aussi un restaurateur renommé d'œuvres d'art anciennes. De son vivant, il jouit d'une grande réputation, si l'on en juge par la quantité d'œuvres de sa main ou de son atelier (retables, tableaux religieux destinés à la clientèle privée, portraits) ; cependant, Vasari le juge sévèrement et condamne avec raison son excessive " diligence ", sa dévotion tout artisanale à la matière, son goût pour le " fini " et la " méticulosité ", qui, au-delà d'une certaine limite, perdent leur valeur et tombent dans la gratuité.

Lorenzo da Viterbo

Peintre italien (documenté dans le Latium de 1462 à 1472).

Nous ne possédons que de rares renseignements relatifs à ce peintre qui, avec Antoniazzo Romano, fut l'un des protagonistes de la peinture dans le Latium pendant la seconde partie du quattrocento. Dès 1462, il est documenté à Rome avec le titre de maître ; en 1469, il est mentionné comme auteur, âgé de vingt-cinq ans à peine, des fresques de la chapelle Mazzatosta, à l'église S. Maria della Verità, à Viterbe ; en 1472, il signe le retable avec la Vierge entre saint Michel et saint Pierre, peint pour l'église S. Michele, à Cerveteri. Lorenzo mourut peut-être subitement tandis qu'il travaillait encore à cette œuvre, dont certaines parties ne semblent pas terminées. Nous n'avons en tout cas aucune autre mention de son activité après cette date. Les fort belles Scènes de la vie de la Vierge de la chapelle Mazzatosta indiquent bien les modèles de notre peintre : on retrouve en effet dans cette œuvre la narration fleurie de Benozzo Gozzoli (lui-même actif à l'église S. Rosa, Viterbe, en 1453) et, d'autre part, les formes lumineuses campées dans des perspectives ouvertes et mesurées de Piero della Francesca. À ces références culturelles, Lorenzo da Viterbo unit sa curiosité personnelle pour les particularités physionomiques et, dans le Mariage de la Vierge, il décrit les spectateurs dans une série étonnante de portraits d'une ironie acérée. Le retable de Cerveteri est d'une qualité un peu moins élevée et révèle chez l'artiste une crise intellectuelle due sans doute à la présence à Viterbe (Dôme) et à Rome (Sainte-Françoise-Romaine) de 2 chefs-d'œuvre de Liberale da Verona qui l'impressionnèrent certainement. Le soin obsédant qui préside à l'exécution de chaque détail épidermique, les contorsions à la Squarcione qu'il inflige aux vêtements limitent dans cette œuvre l'originalité fascinante de notre peintre. En dépit de son activité brève, et de la carrière, plus brillante, de son collègue Antoniazzo Romano, Lorenzo da Viterbo laissa quelques disciples qui, au niveau populaire, divulguèrent son art : ce sont les auteurs anonymes du triptyque de Chia et des fresques de Corchiano ainsi que Domenico Velandi, également de Viterbe, et auteur de quelques rares peintures.

Lorenzo d'Alessandro di San Severino, dit le Jeune, pour le distinguer de Lorenzo Salimbeni di San Severino

Peintre italien .

Ses œuvres de jeunesse (fresques avec l'Ascension et Saints de la chapelle de Palazzolo à Pergola, dans les Marches) sont encore liées au style gothique international. Plus tard, il subit les influences de Crivelli et de Niccolò da Foligno. Parmi ses œuvres les plus raffinées, on peut citer le triptyque avec la Vierge et l'Enfant, Saint Jean-Baptiste et Sainte Madeleine (1481) du musée de Corridonia (où se manifestent l'influence d'Antonio da Fabriano et celle de Niccolò da Foligno), les fresques de l'église S. Maria di Piazza à Sarnano (1483), le Baptême du Christ de la G. N. d'Urbino, la petite Madone d'humilité avec des saints de Rome (G. N., Gal. Barberini) et un polyptyque à plusieurs registres inspirés, dans un style adouci, de ceux de Crivelli (église de Serrapetrona).

Lorenzo Monaco

Peintre italien (Sienne [?] v.  1370  – Florence apr. 1422).

Sa formation se fit à Florence, où il dut arriver bien avant 1390, date à laquelle sa présence est attestée au couvent des camaldules de Sainte-Marie-des-Anges, où il prononça ses vœux l'année suivante. La reconstitution des débuts de son activité est fondée sur des analogies stylistiques avec ses œuvres postérieures ; elle montre un artiste qui cherche, sur l'exemple stimulant et rénovateur de Spinello Aretino, à approfondir et à renforcer le mélange quelque peu désuet de tradition giottesque et de fantaisie linéaire qui caractérise la culture florentine de la fin du siècle. Inspiré par une religiosité aiguë et tourmentée, non sans rapport, comme on l'a récemment souligné, avec des méditations ascétiques contemporaines, Lorenzo hésite d'abord dans le choix de ses sources figuratives ; il interprète toutefois, avec une vigueur expressive révélatrice, soit les élégances graphiques et chromatiques d'Agnolo Gaddi dans la Predelle Nobili (1387-88, Louvre) et le Retable de S. Gaggio (Florence, Accademia), soit la monumentalité sévère d'Andrea Orcagna (Christ au jardin des Oliviers, id.). Son dessin, tendu et nerveux, qui traduit en images les moindres vibrations de sa sensibilité inquiète, s'affine au contact de l'école de miniature des camaldules et se manifeste, enrichi de nouvelles exigences rythmiques, dans la décoration de 3 manuscrits datés de 1394, de 1395 et de 1396 (Corali 5, 8 et 1, Florence, bibl. Laurenziana). Ses œuvres suivantes, dont ses 2 seules peintures documentées, le Retable de Monteoliveto (terminé en 1410, Offices) et le Couronnement de la Vierge (1414, id.), marquent une évolution rapide, suscitée par une réaction aux premiers travaux de Ghiberti et, en même temps, par la pénétration de l'artiste dans le monde de la peinture gothique internationale. Les torsions irréelles de la ligne et la fantastique liberté d'invention de la nouvelle mode figurative sont discrètement accueillies dans le retable de la cathédrale d'Empoli, dont la date, 1404, coïncide significativement avec le retour à Florence de Starnina, après son séjour en Espagne ; elles sont ensuite pleinement assimilées et soumises à la définition d'un climat moral tendu et de précieuses sinuosités formelles dans les 2 panneaux du Louvre, le Christ au jardin des Oliviers et les Saintes Femmes au tombeau (qui flanquaient la Déploration du Christ de la G. N. de Prague) et dans l'Annonciation de Florence (Accademia), terminée en 1410. L'inspiration, de plus en plus dramatique, provoque une sorte d'excitation formelle qui s'exaspère dans le Couronnement de la Vierge mentionné plus haut et dans la Crucifixion de même date (Florence, S. Giovannino dei Cavalieri) ; le contour tendre qui découpe sur le fond des silhouettes élonguées et arquées, les couleurs vives et contrastées, les jeux arbitraires de la lumière dans les plis sinueux des draperies se chargent, grâce à une recherche d'approfondissement psychologique qui accentue l'expressionnisme des visages, d'une intense signification spirituelle. La méditation religieuse glisse ensuite vers le rêve, pour aboutir aux compositions où l'histoire sacrée se transforme en féerie (Scènes de la vie de saint Onuphre et de saint Nicolas de Bari, Florence, Accademia ; Chevauchée des Rois mages, dessin, Berlin, cabinet des Dessins). L'apaisement progressif du langage, uni à une certaine recherche de valeurs plastiques et spatiales, caractérise la dernière phase de l'activité de Lorenzo. De l'Adoration des mages (1420-1422, Offices), où il cherche à intégrer dans un paysage triste et mystérieux une figuration dense, Lorenzo Monaco passe à la monumentalité quelque peu forcée des fresques de la chapelle Bartolini (Florence, S. Trinità) et manifeste enfin dans le panneau de l'Annonciation (id.) un intérêt inattendu pour la nature souriante et fleurie qui le rapproche de Gentile da Fabriano, présent à Florence en 1423. Il influença, d'une façon plus ou moins directe, tous les peintres mineurs qui, insensibles à la révolution de Masaccio, prolongèrent à Florence l'ultime tradition gothique, mais aucun d'eux n'hérita de la force intime et sincèrement mystique du maître.