Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
N

Nomé (François de)

Peintre d'origine lorraine (Metz v. 1593  – Naples après 1644).

Longtemps confondu avec Didier Barra, sous l'appellation de Monsù Desiderio, il a été remis en lumière grâce à la découverte de sa signature sur un tableau de la Destruction de Sodome (Rome, coll. part.), puis sur d'autres peintures (Intérieur de cathédrale, Naples, coll. Miranda ; Circoncision, New York, coll. part.).

   Il travailla d'abord à Rome, vers 1602, dans l'atelier de Balthasar Lauwers, puis à Naples, où il est documenté en 1613 ; il s'associa sans doute avec son compatriote Didier Barra mais, contrairement à Barra, dont l'exactitude est celle d'un cartographe, Nomé n'est pas un architecte de métier, ni un topographe. C'est un peintre de l'imaginaire, de l'irrationnel, représentant des architectures grandioses et irréelles servant de cadre à des scènes païennes ou bibliques, à des cataclysmes, à des vues de fin du monde, à valeur parfois symbolique, comme le prouve la présence fréquente de symboles de civilisation, tels que le temple rond de la sibylle de Tibur ou la stèle gothique. Nomé utilise une technique picturale extrêmement " moderne ", faisant penser à celle de Magnasco, n'employant que les demi-teintes (le jaunâtre, le bleuâtre, le verdâtre), appliquées par petites touches juxtaposées, assez épaisses, avec des rehauts de couleurs claires.

   François de Nomé est aussi représenté au Louvre (Attaque d'un palais) et dans les musées d'Orléans, de Dijon et de Baltimore, ainsi qu'à Londres (N. G.).

Nomellini (Plinio)

Peintre italien (Livourne 1866  – lFlorence 1943).

Élève de Natale Betti à l'école de dessin de Livourne (1878-1884), puis de Fattori à l'Académie des beaux-arts de Florence, il devient très vite le chef de file de la seconde génération des Macchiaioli (M. Puccini, De Albertis, Previati...), soutenu par Lega, Signorini et Diego Martelli. Installé à Gênes (1890-1902), il exprime avec Pellizza da Volpedo ses théories anarchistes dans des toiles pointillistes, inspirées du Néo-Impressionnisme français (les Foins, 1888, Livourne, Museo Giovanni Fattori ; l'Appel du travail, 1893). À partir de 1902, à Torre del Lago, il compose, sous l'influence de D'Annunzio, des toiles plus romantiques et patriotiques, lourdes de symboles (Jeunesse victorieuse, 1903). Puis, en 1908, à Viareggio, il se met à employer des couleurs vives dans des paysages qui s'apparentent au Fauvisme (Midi, 1911-12.). Résidant à Florence à partir de 1919, il retrouve une certaine vitalité. Ses œuvres sont conservées à Livourne (musée G. Fattori) et dans les G. A. M. de Rome, de Venise, de Florence, de Bologne et de Novare.

non figuratif (art)

Ce fut sans doute pour échapper à une qualification trop limitative de l'art " abstrait " que de nombreux artistes — qui présentaient en commun ce trait qu'ils ne pratiquaient pas la figuration — ont été amenés après 1945 à définir une nouvelle attitude esthétique, introduisant ainsi dans le vocabulaire contemporain l'art " non figuratif ". La nouvelle expression dans la voie non figurative semble se situer par la volonté de refuser une abstraction qui, mise au service d'une reconstitution systématique de la nature à partir de schémas (par exemple géométriques) et de règles édictées par l'esprit, aurait stérilisé toute création au profit d'une spéculation purement intellectuelle. Enrichis d'une extrême liberté, conquête des pionniers de l'Art abstrait, ces peintres, n'ayant plus à se soucier de la ressemblance, nous livrent une sensation directe et neuve de la nature. L'art non figuratif marque le passage de la " nature donnée " et passive de l'art figuratif ou imitatif à une " nature en action ", où le spectateur comme le peintre-créateur retrouvent dans une communion élémentaire (terre, air, eau et feu) la participation à la vie secrète des êtres et des choses. L'image figurative détruite — avec l'abandon de l'imitation illusoire des choses —, l'image non figurative restitue une nature dont l'homme n'est jamais exclu. En fait, plus qu'une réaction à l'Abstraction froide marquée par la désincarnation des théories, la Non-Figuration est la preuve d'une nouvelle attitude vis-à-vis du monde extérieur, dont Manessier constate qu'elle " semble être la chance actuelle par laquelle le peintre peut le mieux remonter vers sa réalité et reprendre conscience de ce qui est essentiel en lui. Ce n'est qu'à partir de ce point reconquis qu'il pourra par la suite retrouver son poids et revitaliser jusqu'à la réalité extérieure du monde ". Aux yeux de Bazaine, une étroite correspondance peut s'établir entre l'homme et le monde, l'artiste et la nature : " La vraie sensibilité commence lorsque le peintre découvre que les remous de l'arbre et l'écorce de l'eau sont parents, jumeaux les pierres et son visage, et que, le monde se contractant ainsi peu à peu, il voit se lever, sous cette infinité d'apparences, les grands signes essentiels qui sont à la fois sa vérité et celle de l'univers. " L'artiste non figuratif cherche à exprimer ce qu'il a ressenti devant la nature, sans intermédiaire figuratif, par un jeu de couleurs et de formes, de rythmes qui sont les équivalents " peints " de ses sensations et de ses émotions. De là ce renouveau d'un certain " paysagisme non figuratif " que des peintres venus d'expériences souvent diverses, du Cubisme et du Surréalisme, restituèrent après 1940, en particulier, avec Bazaine et Manessier, Bissière, Estève, Le Moal, Singier, Vieira da Silva. Ces artistes laissent ainsi une plus grande initiative au spectateur.

Nonell (Isidro)

Peintre espagnol (Barcelone 1873  –id.  1911).

Fils d'un modeste industriel barcelonais, lié depuis son enfance au peintre Joaquím Mir, il fréquente plusieurs académies avant de suivre les cours de l'école des Beaux-Arts de Barcelone. Avec Mir, Ricardo Canals, Julio Villamitjana, ils forment le groupe " Colla del Sofra " du nom de la couleur qu'ils affectionnent dans leur recherche d'effets de lumière. De bonne heure, Nonell découvre son univers, celui des miséreux et des perdus : aux silhouettes de dégénérés de Caldas de Bohí (val pyrénéen reculé qu'il visita dans l'été 1896 avec ses amis Canals et Vallamitjana), dont l'exposition devait provoquer un petit scandale, succédèrent les gitanes et les humbles prostituées barcelonaises, les ex-soldats rapatriés de la guerre de Cuba et devenus mendiants. Nonell collabore par des dessins à la revue Pel y Ploma et expose au célèbre café des Quatre Gats, où il rencontre son cadet Picasso, quelques mois avant de partir pour Paris ; il devait par la suite lui prêter son logement montmartrois, et ses personnages ne sont certainement pas étrangers au répertoire picassien de l'" époque bleue ". Nonell fut mieux accueilli à Paris qu'à Barcelone. En 1898, peu après son arrivée, il prenait part à la 15e exposition de la gal. Le Barc de Boutteville, en même temps que Toulouse-Lautrec et Gauguin ; le critique Frantz-Jourdain le comparait à un " Goya modernisé ". En 1899, il expose avec un certain succès des gitanes commandées par Vollard. Désormais, il partage sa vie artistique entre Barcelone et Paris, où depuis 1902 il expose presque chaque année aux Indépendants. Nonell n'a guère renouvelé ses thèmes primitifs (Dolorés, Deux Gitanes, Barcelone, M. A. C.) ; il y ajoute seulement dans ses dernières années de belles et graves natures mortes. Sa peinture, qui rompt délibérément avec le Réalisme anecdotique comme avec l'Impressionnisme cultivé par les indépendants barcelonais, est caractérisée par des courbes cernées de traits lourds et sombres, et des couleurs assourdies où se détachent des notes chaleureuses d'orangés et de rouges, qui rappellent à plus d'un titre Gauguin et Van Gogh. Mais son art n'appartient qu'à lui par sa réserve, sa poignante tristesse et son tragique. Une consécration tardive fut liée à l'exposition rétrospective de son œuvre qu'il organisa en 1910 aux galeries del Faiançe Catalá (Barcelone).