Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

anatomie artistique (suite)

Le Maniérisme

C'est curieusement contre cet enseignement dont ils avaient été nourris que semblent réagir les peintres " maniéristes ", qui usent de liberté avec les lois de l'anatomie et malmènent les proportions du corps (Parmesan, Pontormo). Le goût des expressions tourmentées et dramatiques apparaît dans les recherches de mouvements étranges et gratuits qui conduisent aux nus ondoyants de Greco (Laocoon de la N. G. de Washington), aux acrobates maigres et contorsionnés des gravures de Jean Viset, aux personnages dansants de Wtewael (Déluge de Nuremberg). Les maniéristes septentrionaux affectionnent les musculatures compliquées et bosselées, sans rapport avec la vraisemblance anatomique, décrivant les personnages de la mythologie sur un ton humoristique (Hercule, gravure, par Goltzius, de 1589).

Les XVIIe et XVIIIe siècles

Le XVIIe s. voit apparaître, à côté d'ouvrages plus spécialisés, des traités simplifiés à l'usage des artistes, comme celui de Charles Errard, qui, à côté d'exposés théoriques, se réfère constamment aux idéaux de beauté des statues antiques. Pierre de Cortone et Carlo Cesi publient des traités voisins. Dans la Hollande contemporaine, l'anatomie n'est guère qu'un thème pour une catégorie bien particulière de tableaux : les " leçons d'anatomie " mettent en scène un médecin disséquant un cadavre devant ses élèves (tableaux de Keyser, d'Elias, de Mierevelt, chefs-d'œuvre de Rembrandt de 1632 et de 1656). Citons le Traité d'anatomie de Bidloo (Amsterdam, 1685). En France, aux XVIIe et XVIIIe s., l'anatomie constitue une part essentielle de l'enseignement de l'école de l'Académie royale : la " correction anatomique " désigne à la fois la justesse des formes vivantes et la bonne compréhension des statues antiques. Les nombreuses études dessinées d'après le modèle dans les ateliers constituent des études anatomiques (" académies ", à la sanguine ou à la pierre noire, de Jouvenet, de Boucher, de Van Loo, de Bouchardon). Les sculptures d'écorchés se généralisent au XVIIIe s. dans les ateliers. Bouchardon réalisa un de ces modèles ; les plus célèbres restent ceux de Houdon : Écorché au bras tendu (1767) et Écorché au bras levé (1790). Un des plus réussis parmi les traités d'anatomie du XVIIIe s. est le Nouveau Recueil d'ostéologie et de myologie de Jacques Gamelin (1779), dont les superbes gravures annoncent Goya.

Le XIXe siècle

L'anatomie est au XIXe s., plus que jamais, la base de l'enseignement du dessin. Les peintres néo-classiques étudient le modèle vivant et les statues antiques avec un sérieux nouveau. Les personnalités les plus puissantes du siècle sont nourries d'études anatomiques : Géricault, avec ses études faites à l'hôpital Beaujon sur des mourants pour son Radeau de la Méduse (Louvre, 1819) ; Ingres, qui transgresse l'enseignement de l'école en faisant fi de la vérité anatomique dans ses nus audacieusement déformés (Jupiter et Thétis, musée d'Aix-en-Provence, 1811 ; Grande Odalisque, Louvre, 1814). L'enseignement de l'École des beaux-arts restera le garant de la continuité des études d'anatomie ; la monumentale Anatomie artistique de Richer (1889) servira encore à des générations d'élèves. Mais le souci de l'exactitude anatomique devient de plus en plus secondaire pour les grands créateurs de la fin du XIXe et du XXe s. ; à partir de Cézanne, les proportions mêmes des corps sont bouleversées et, lorsqu'ils s'intéressent au corps humain, les peintres, certains surréalistes mis à part (Dalí, Delvaux), le recomposent selon des lois bien différentes (Picasso, Bellmer).

Ancher (les)

Peintres danois.

 
Anna, née Brøndum (Skagen 1859  – id. 1935). Née dans le village de pêcheurs de Skagen, au nord du Jütland, elle est la fille du propriétaire de l'auberge dans laquelle se réunit l'été, à partir des années 1870, une colonie d'artistes. Elle se forme, entre 1875 et 1878, à Copenhague, à l'Académie de dessin pour les femmes, dirigée par le peintre paysagiste Vilhelm Kyhn. Ses contacts avec les peintres de Skagen, notamment Michael Ancher, qui fréquente le village dès 1874, et Christian Krohg, arrivé en 1879, influencent son style vers un plus grand réalisme. En 1880, elle épouse M. Ancher, et ils s'installent tous deux à Skagen. En 1882, ils visitent Vienne puis Paris (1888-1889), où ils découvrent les œuvres des impressionnistes ; Anna travaille pendant six mois dans l'atelier de Puvis de Chavannes. Son œuvre se compose de tableaux décrivant la vie quotidienne des villageois de Skagen à travers, le plus souvent, des scènes d'intérieur, traduites dans un style naturaliste, une recherche raffinée des coloris, et des compositions épurées à la manière de Puvis de Chavannes (Un enterrement, 1891, Copenhague, S. M. f. K. ; Mme Brøndum dans la chambre bleue, 1913, Skagen, Mus.).

 
Michael (Bornholm 1849 – Skagen 1927). Ayant suivi l'enseignement de l'Académie de Copenhague de 1871 à 1875, Michael Ancher, époux d'Anna, se forme essentiellement en allant peindre la nature, sur le motif. Dès 1874, il fréquente le village de pêcheurs de Skagen, situé sur la pointe nord du Jütland, et s'y installe définitivement en 1880, y animant, avec le peintre Kroyer, une colonie d'artistes. La vie des villageois ainsi que le paysage côtier fournissent l'essentiel des motifs de sa peinture : scènes d'extérieur qui lui permettent de privilégier un travail sur la lumière et la luminosité selon une veine naturaliste à laquelle il est sensible lors de son séjour à Paris en 1888-1889, en compagnie de sa femme (Pêcheurs sur la plage, 1879, musée de Skagen ; Chaloupe de sauvetage, 1888, Copenhague, S. M. f. K.).

Ancona (Vito d')

Peintre italien (Pesaro 1825  – Florence 1884).

Élève de Bezzuoli à l'Académie de Florence, il débuta dans la peinture historique, qu'il abandonna v. 1860. Il aborde alors des thèmes contemporains et se rapproche des Macchiaioli, sans toutefois en adopter totalement la technique. Sensible aux suggestions de Corot et de Courbet, il travaille à Florence, à Londres, à Paris, élaborant une version personnelle, éclectique et raffinée, de la peinture d'intérieur, riche en jeux de clair-obscur (Nu, 1873, Milan, G. A. M. ; Portrait de femme, Florence, G. A. M.) bien qu'assez académique, et de délicieuses scènes de genre : Dans l'atelier (Florence, G. A. M.), Au piano, l'Attente. La Femme au jardin, 1861-62), montrée à l'exposition " Macchiaioli " (Paris, Grand Palais, 1978-79), indique le bref moment où Vito d'Ancona se soumet strictement aux méthodes avant-gardistes des artistes Macchiaioli, exerçant en retour sur eux, par ses notations synthétiques, une influence durable.