Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Sargent (John Singer)

Peintre américain (Florence 1856  – Londres 1925).

Comme Mary Cassatt et Whistler, ses contemporains, Sargent s'expatria. Son enfance itinérante avec sa famille lui fit connaître l'Italie, l'Espagne et la Hollande. Ayant tout d'abord fréquenté l'Accademia delle Belle Arti à Florence, il se fixa à Paris à partir de 1874 et apprit à peindre dans l'atelier de Carolus Duran. Il subit aussi l'influence de Whistler et de Degas. À vingt ans, il se rendit pour la première fois aux États-Unis mais Paris resta son port d'attache. Il se rendit en Espagne en 1879 et y copia Velázquez, en 1880 en Hollande, où il fit de même avec Hals. Dès cette époque, Sargent exposait régulièrement au Salon, surtout des portraits, mais également quelques paysages. L'atelier de cet homme fin et cultivé était le lieu de rencontre de la haute société. Sa réputation de portraitiste ne cessait de croître (Carolus Duran, 1879, Williamstown, Sterling and Francine Clark Art Inst. ; les Filles d'Edward Darley, 1882, Boston, M. F. A. ; Docteur Pozzi, 1881). Son portrait de Madame X [Madame Pierre Gautreau] (Metropolitan Museum) fit scandale au Salon de 1884. Sargent cessa d'y exposer désormais et alla se fixer à Londres (1885), où il continua de mener une existence à la fois mondaine et laborieuse de portraitiste. Il avait exposé à la Royal Academy à partir de 1882 et devint membre élu de cette association en 1897. À la fin de sa vie, il séjourna fréquemment aux États-Unis, où la gloire l'attendait : Portraits de Mrs. Gardner (1887), décoration murale de la bibliothèque (1890-1919), du M. F. A. de Boston (1916-1925) et de la bibliothèque Widener à Harvard University (1921-22).

   Admirateur de Frans Hals et de Velázquez, Sargent n'est pas indifférent aux nouveautés de l'Impressionnisme (il fut l'ami de Monet), auquel il emprunte la simplification hardie de la touche, mais son esprit demeure traditionnel. Ses portraits nous restituent fidèlement l'image d'une société ; ils ont dû leur succès à leur vraisemblance flatteuse, que traduisit la virtuosité de l'artiste. Après 1910 surtout, il peignit également des paysages et, durant la Première Guerre mondiale, des scènes de genre sur la vie militaire (Londres, Imperial War Museum, la plus célèbre restant Gassed, 1918). Des expositions rétrospectives de son œuvre eurent lieu à Boston en 1925 et à Londres en 1926 (Royal Academy et Tate Gal.). Il est représenté dans les musées de Boston, de Cambridge (États-Unis), de Londres (N. P. G., Tate Gal.), au Metropolitan Museum, dans plusieurs musées américains et à Paris (Carmencita, 1890, Paris, Orsay). Très critiqué après sa mort, Sargent est aujourd'hui réévalué, et reconnu comme un des grands portraitistes de son temps, sans que sa réputation aille aux sommets qu'elle atteignit de son vivant.

Sariñena (Juan)

Peintre espagnol ( ?1545  –Valence 1619).

Originaire sans doute d'Aragon, Sariñena est la principale figure de l'école valencienne entre Juanes et Ribalta. Son séjour à Rome, documenté entre 1570 et 1575, lui permit de s'imprégner des nouvelles tendances du Maniérisme réformé. Établi à Valence depuis 1580, il jouit d'une certaine considération et reçoit des commandes de la Generalidad, du chapitre de la cathédrale, du couvent des frères prêcheurs et surtout du patriarche Juan de Ribera, son protecteur. Dans ses œuvres religieuses, il s'inspire souvent de gravures flamandes : Christ à la colonne (1587, musée du Patriarche) et retable des saints protecteurs des 3 " bras " du royaume, la Vierge, l'Ange gardien et saint Georges (Valence, chapelle de la Diputación). Mais sa principale activité est le portrait. Si les traits du roi Jaime Ier sont encore très idéalisés, ceux des saints et bienheureux contemporains, mis à l'honneur par l'exaltation religieuse de la Contre-Réforme, sont traités avec une grande force expressive (S. Luis Beltrán, S. Juan de Ribera, Valence, musée du Patriarche ; Nicolas Factor, Madrid, Descalzas Reales). Dans le décor du salon des Cortes (1591-1592), les députés du royaume sont groupés avec un tel naturel et une suggestion de l'espace établie de telle sorte qu'un jeu de miroirs semble renvoyer sur les murs l'image de l'assemblée. Sariñena se distingue des autres peintres (Requena, Posso, Mestre, Mata) qui ont collaboré à cet ensemble exceptionnel par la fermeté du style et par un certain sens de la couleur qui annonce le Siècle d'or espagnol.

Sarkis (Sarkis Zabunyan, dit)

Artiste arménien de Turquie (Istanbul 1938).

Après une brève période de peinture — notamment des utilisations répétitives de pochoirs —, Sarkis abandonne radicalement toute tradition picturale ou sculpturale pour entreprendre un travail d'assemblage de matériaux tout à la fois " pauvres " et riches en connotations : goudron et papier goudronné, éléments électriques puis électroniques, caoutchouc, etc., évoquent une sorte d'activité rudimentaire, de bricolage prémoderne ou para-industriel. Il utilise des magnétophones crachotants, des bandes magnétiques déroulées, des projecteurs qui font danser sur les murs des silhouettes de bateaux de guerre — mais aussi des ampoules nues et faibles, etc. Piece (1974-1976) évoque directement une installation muséale, avec sa vitrine solennelle renfermant deux vieux fusils rouillés, des boîtes métalliques grises, des disques, etc., transformant la guerre en une sorte de vestige qui conserve son potentiel agressif. La statuette d'un forgeron de bronze, mise en de multiples situations depuis 1985 environ, portant ou non un masque à l'effigie de l'artiste lui-même, rejoint des travaux d'assemblage rustiques (en bois ou en cornières métalliques, accompagnés ou non de néons de couleur) pour constituer un commentaire subtil de l'activité artistique (Une étoile rouge et verte, 1989, fer et néons), à la fois révélatrice (lumière, projection) et manipulatrice tout autant qu'obscure (la thématique guerrière trouvant ainsi un sens détourné). Sarkis a participé à la plupart des grandes expositions collectives depuis une dizaine d'années (Documenta 7, Kassel, 1982 ; Electra, M. A. M. de la Ville de Paris, 1983, etc.) ainsi qu'à des initiatives " off " devenues historiques, comme " Pierre et Marie " (de 1982 à 1984, dans une chapelle désaffectée en attente de destruction, 36 rue d'Ulm à Paris).

   Réfractaire à l'idée de rétrospective, Sarkis a montré annuellement son travail dans de multiples musées et centres d'art à travers l'Europe (Bonn, Kunst-und Ausstellungshalle, 1995-96), et ses œuvres sont visibles au M. N. A. M.-Beaubourg, au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, dans les musées de Strasbourg, de Saint-Étienne, de Nantes, de Bâle (Suisse) et d'Ålborg (Danemark).