Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Eakins (Thomas)

Peintre américain (Philadelphie 1844  – id.  1916).

Il entra en 1861 à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts et suivit également des cours d'anatomie au Jefferson Medical College. En 1866, il va compléter sa formation en France, entre dans l'atelier de Gérôme, où il pratique avec assiduité le dessin. Il travailla également avec A. Dumont et Léon Bonnat et fut influencé par les œuvres de Rembrandt et de Gustave Courbet. Un séjour en Espagne (1869-70) lui révèle Velázquez et Ribera et le confirme dans sa propre conception du Réalisme.

   Il ne quittera plus Philadelphie après son retour (1870) et sera par excellence l'interprète de la classe urbaine moyenne par ses portraits, ses scènes d'intérieur et de plein air (Max Schmitt à l'aviron, 1871, Metropolitan Museum). Il considérait la peinture comme un document scientifique, proche des mathématiques, dont il aimait l'exercice, et de la photo, qu'il pratiquait beaucoup (études de nus masculins en plein air, posant et en mouvement). Il travailla ainsi avec E. Muybridge sur les expériences de photographie du mouvement (1884). La Clinique du docteur Gross (1875, Philadelphie, Jefferson Medical College) est un témoignage sur le drame de la science luttant contre la maladie et la mort, mais illustre surtout sa grande foi dans le progrès scientifique. Elle fut cependant refusée à l'exposition centennale de Philadelphie et son sujet fit scandale. Eakins devait longtemps ressentir cet échec.

   Les scènes de plein air, précises et lumineuses, sont consacrées souvent aux courses d'aviron disputées sur la Schuylkill River (la Course des frères Biglin, Washington, N. G.), ainsi qu'à la baignade, aux nageurs nus (The Swimming Hole, 1883, Fort Worth, Texas, Art Center Museum). Il manifesta aussi son intérêt pour la boxe et l'atmosphère du ring (Entre deux rounds, 1899, Philadelphie, Museum of Art) et pour la condition sociale des Noirs (la Chasse au râle, New Haven, Yale University Art Gal.). Ses portraits constituent une part importante de son œuvre ; leur vérité et leur qualité les rendent parfois dignes de ceux de Courbet (le Penseur, portrait de L. N. Kenton, 1900, New York, Metropolitan Museum). Un des plus célèbres est celui de son illustre contemporain et ami Walt Whitman (1887, Philadelphie, Pennsylvania Academy of Fine Arts), qu'il photographia également. Professeur à l'Académie (1877), il en devint directeur en 1882. Il réforma l'organisation des cours, insistant sur l'anatomie (étude du nu, dissection, conférences scientifiques) et incitant à peindre à l'huile dès le début des études. Tout cela fut relativement mal accueilli par une partie des élèves et des parents, et Eakins fut contraint de démissionner (1886).

   Eakins n'obtint pas de réel succès de son vivant (il ne fut élu à la N. A. D. qu'en 1902). Mais il est, avec Homer, le principal représentant du Réalisme américain de son temps et il retint l'attention des " Pop Artists " des années 60. La plupart de ses œuvres se trouvent au Museum of Art de Philadelphie, au Metropolitan Museum, à la Corcoran Gal. de Washington, au Brooklyn Museum de New York et à l'Art Center Museum de Fort Worth (Texas). Une exposition Eakins a été présentée (Washington, N. G. of Art) en 1996.

east-anglian (style)

Style d'enluminures britannique, florissant depuis les dernières années du XIIIe s. jusqu'aux environs de 1340. Dans la région de l'East-Anglia et des Midlands, il exista plusieurs ateliers d'enluminures ; pourtant la documentation n'est ni assez abondante ni assez décisive pour établir l'origine exacte des manuscrits les plus importants. Les centres principaux furent Norwich, Peterborough et Nottingham.

   Les manuscrits de style East-Anglian sont caractérisés, dans l'ensemble, par l'emploi de bordures au décor complexe, encadrant la page et servant de prétexte à représenter toutes sortes de scènes marginales aussi bien que des personnages isolés, des animaux et des oiseaux, des grotesques, au milieu d'une profusion de feuilles et de fleurs, à la fois naturelles et stylisées. L'accent mis sur différents éléments décoratifs varie selon les centres. On ne connaît pas la provenance du groupe le plus ancien des manuscrits qualifiés d'East-Anglian, dont premier en date, important dans la formation de l'art East-Anglian, est le Psautier Alfonso (British Museum, add. 24684), commencé pour le mariage du fils d'Édouard Ier avec Margaret, fille du comte de Hollande, et achevé après la mort d'Alfonso, en 1284. Deux autres manuscrits, un peu plus récents, sont l'Historia scholastica de Petrus Comestor (Pierre le Mangeur) [British Museum, roy 3.D.VI], offerte au prieuré d'Ashridge par Édouard, duc de Cornouailles († 1300), et le Psautier Windmill (New York, Pierpont Morgan Library, ms. 102). L'origine du style de ces manuscrits pose des problèmes ; on y voit des rapports avec le nord-est de la France et les Flandres, mais on ne sait par quelle voie a pu s'exercer cette influence. À Peterborough, deux styles sont en présence. Le premier est représenté par le Psautier dit " de Peterborough " (Bruxelles, Bibl. royale, 9961-2), dont l'iconographie est empruntée à un cycle de peintures du chœur de la cathédrale de Peterborough, et par le Psautier Ramsey (New York, Pierpont Morgan Library, ms. 302, et Saint Paul de Lavanttal, en Carinthie, ms. XXV.2.19). Ces manuscrits ont de larges bordures qui limitent entièrement les scènes marginales. Dans le second style, les encadrements disparaissent pour faire place aux initiales historiées, et le dessin linéaire des scènes est lavé de couleurs légères. On attribue à l'atelier de Peterborough le Psautier de Cambridge (Corpus Christi College, ms. 53) ainsi que le Psautier de la reine Mary (British Museum, M. roy 2.B.VII) et l'Apocalypse (id., roy 19.B.XV). Un style différent apparaît avec le Psautier Ormesby (Oxford, Bodleian Library, ms. Douce 366) et le Psautier Gorleston (Malvern, Dyson Perrins, ms. 13), qui accentuent de nouveau les larges bordures et les fermes contours du dessin. Un groupe intermédiaire peut avoir pour centre Nottingham, ainsi le Psautier Tickhill (New York, Public Library, Spencer Coll., ms. 26), qui fut enluminé par le frère John Tickhill, prieur du monastère de Worksop, près de Nottingham.

   Des manuscrits plus tardifs, localisés dans le Norfolk, comprennent le Psautier Saint Omer (British Museum, add. 39810) — commencé v. 1330 pour les membres de la famille Saint Omer de Mulbarton, dans le Norfolk, et dont l'exécution est plus délicate que celle des psautiers du groupe Ormesby-Gorleston — et le Psautier De Lisle (British Museum, Arundel 83), dont la première partie fut exécutée pour sir William Howard d'East Winch, près de Lynn, et la seconde donnée par Robert De Lisle à sa fille en 1339. La première partie contient des enluminures de taille et de conception monumentales, révélant une forte influence française ; la seconde partie est probablement influencée par l'Italie. Le psautier exécuté av. 1340 pour sir Geoffrey Luttrell (British Museum, add. 42130) marque le déclin de l'enluminure East-Anglian. Les grotesques y sont parfois quelque peu grossiers, bien que ce manuscrit soit remarquable pour ses scènes de la vie quotidienne. Le style du Psautier Saint Omer eut davantage d'influence sur des manuscrits plus tardifs, notamment sur ceux de la famille Bohun, de la fin du XIVe s.