Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

galeries peintes (suite)

Italie

L'étude des galeries italiennes du XVIe s. se heurte à une difficulté de terminologie. Pendant la première moitié du siècle, le mot galerie n'apparaît que très rarement dans les documents (en 1523, la loggia della Villa Farnesina à Rome est appelée " galleria ") et ensuite, à partir de 1560 env., le mot est employé parfois pour désigner des salles voûtées de modestes dimensions (1561, " galleria " du casino de Pio IV ; 1563, " galleria " du Palazzo dei Penitenzieri ; 1568, " galleria " du palais Farnèse). Sous l'influence française, l'usage du mot " galleria " devient général vers la fin du siècle. Compte tenu de cette situation, il ne faut pas passer sous silence le projet du Belvédère de Jules II, imaginé par Bramante. Ce grandiose projet, réalisé à partir de 1504 et modifié par la suite, prévoyait de relier le palais du Vatican au Belvédère par 2 immenses porticus triplices. On pourrait appeler les 3 étages de ces portiques un cryptoportique, une galerie et une loggia, mais, dans les documents concernant leur construction, ils sont toujours appelés " corridors ". Ceux-ci devaient être décorés avant 1513, il existait déjà une série de 17 " quadri " (vraisemblablement de grandes fresques) " nel choridore che va a Belvedere " (localisé dans l'aile est de la cour supérieure). Le mot galleria y fut pour la première fois employé dans les années 1570-1573 lorsqu'on construisit dans l'aile ouest, devant les chapelles superposées de Santo Stefano, San Pietro Martire et San Michele, deux ou trois petites galeries.

   Chronologiquement, citons les principales galeries peintes au XVIe s. en Italie. Le palais Capodiferro-Spada à Rome possède au premier étage une sorte de passage, ou loggia fermée (13 m sur 2,50 m), qui fut décoré dans les années 50 de fresques mythologiques entourées de stucs. C'est peut-être l'une des premières galeries de Rome.

   La petite " galleria " au-dessus du vestibule du casino de Pio IV fut peinte en 1561-62 par Federico Zuccaro et Giovanni da Cherso Venetiano : peintures décoratives (grotesques) encadrant des sujets bibliques.

   La galerie du palais Sacchetti, mentionnée déjà en 1556, fut décorée vers 1574 par des copies des fresques de Michel-Ange de la chapelle Sixtine. La galerie de la Villa Médicis à Rome, construite v. 1580, devait être peinte (dessins conservés au V. A. M. de Londres), mais le projet ne fut jamais exécuté.

   Vers 1580, le pape Grégoire XIII fit aménager au deuxième étage de l'aile ouest du Belvédère la célèbre " galleria delle carte geographiche ", probablement l'œuvre d'Ottaviano Mascherino. Lonque de 120 m et large de 6, elle est couverte d'une voûte en plein cintre et éclairée de chaque côté par 17 fenêtres. Le soin de la décorer fut confié au cosmographe Ignatio Danti et à Girolamo Muziano, ce dernier dirigeant avec Cesare Nebbia une équipe importante de peintres. Entre les fenêtres, les murs sont peints de 32 fresques représentant des cartes géographiques de différentes régions d'Italie, parmi lesquelles figurent l'" Italia antica " et l'" Italia moderna ". Des vues en perspective des villes les plus importantes sont incorporées à ces grandes fresques, ainsi que des représentations de batailles. La voûte est divisée par des centaines de cadres en stuc doré contenant des fresques.

   La galerie du palais Rucellai-Ruspoli est, par ses dimensions (28 m sur 7,50 m) et sa décoration de J. Zucchi (v. 1586), l'une des plus importantes galeries du XVIe s. à Rome. La voûte est dans sa partie centrale divisée en 5 grands tableaux représentant Jupiter, Mars, Apollon, Vénus et Mercure. Autour d'eux, les autres dieux de la mythologie classique et les signes du zodiaque. Sur les murs, entre les fenêtres et la corniche, figurent les héros et héroïnes de l'histoire romaine alternant avec des allégories sur les empereurs, dont les bustes sont exposés dans les niches qui se trouvent aux trumeaux. Des vues de Florence font allusion aux origines des Rucellai.

   Le palais Giustiniani possède une galerie (20 m sur 8) décorée v. 1585-1587 pour le cardinal Ferdinando de Médicis. Les fresques de la voûte sont de plusieurs peintres, dont, peut-être, Francesco Vanni, Giovanni-Battista Ricci et Ludovico Lanzone. Le décor du plafond se présente en 3 zones longitudinales avec des scènes compartimentées ; la fresque du centre représente la Rencontre de Salomon et de la reine de Saba, accompagnée de la Religion, l'Industrie, la Vigilance, l'Éloquence.

   En Italie septentrionale, d'importantes galeries ont été construites à Mantoue, à Sabbioneta et à Turin. Vers 1571, Guillaume Gonzague fit transformer la " loggia dei Mesi " du palais ducal de Mantoue en une galerie : les arcades furent remplacées par des fenêtres, on orna les niches de 12 bustes d'empereurs romains et on renouvela en partie les décorations peintes. Par la suite, la loggia fut appelée " galleria dei Mesi ". L'autre grande galerie du palais ducal, la " galleria della Mostra ", a été aménagée également dans une loggia, longue de 64 m. Les travaux commencèrent sous la direction de Datari en 1592, furent poursuivis en 1595 par A. M. Viani et durèrent une dizaine d'années. La galerie devait recevoir la collection de tableaux et de sculptures de Vincent Gonzague.

   En 1582-1584, Vespasien Gonzague fit ériger dans la ville de Sabbioneta (fondée par lui-même en 1550) une grande galerie, appelée à l'origine " il corridor grande " et devenue ensuite la " galleria degli Antichi ". Ce corps de bâtiment, qui est seulement relié par un pont avec le palais du jardin, a au premier étage un " corridor " long de 100 m. Dans un premier temps, la galerie fut vraisemblablement peinte d'une série d'" antichi condottieri ". En 1589, Vespasien fit appliquer des cornes de cerf et remplacer les fresques par une décoration peinte de colonnes, frontons et autres motifs architecturaux qui ouvre et prolonge les côtés de la galerie par un jeu de perspective dans une colonnade. Les Allégories des Arts et des Vertus complètent cette décoration.

   En 1606, Emmanuel Ier de Savoie chargea Federico Zuccaro de la décoration de la " galleria grande " qui fut construite à Turin pour relier le " palazzo vecchio " au château. Zuccaro fixa le programme, dirigea une équipe de plusieurs peintres, parmi lesquels Moncalvo. Sur la voûte en plein cintre figuraient 48 images du ciel. Sous la corniche et entre les fenêtres étaient représentés 32 princes à cheval de la maison de Savoie et 4 autres à côté des 2 portes de la galerie, habillés de costumes contemporains. Au-dessus, dans les lunettes, figuraient 5 empereurs et 4 papes. De plus, les trumeaux étaient décorés d'une niche flanquée de 2 colonnes et de paysages illustrant les hauts faits des princes de Savoie. Sur le pavé étaient dessinés en mosaïque des " formule matematiche " et des espèces de la faune maritime ; des têtes de quadrupèdes étaient peintes sur le soubassement des murs, et des volatiles figuraient au-dessus des niches. Sur les vitraux étaient représentée " la cosmografia di tutto il mondo ". En 1667, la galerie fut en partie détruite par le feu.

Le XVIIe siècle

Italie

La galerie Farnèse

Au cours du XVIIe s., un nombre considérable de palais à Rome furent ornés de décorations peintes à fresque. Un exemple majeur est réalisé dès 1597-1604 avec la galerie du palais Farnèse, peinte par Annibale Carracci, assisté de son frère Agostino et de plusieurs collaborateurs (Dominiquin, Lanfranco). On a suggéré que la galerie fut peut-être décorée pour le mariage du duc Ranuccio avec Margharita Aldobrandini, en 1600. Cette hypothèse a le mérite de ne pas rejeter entièrement le patronage de l'ouvrage sur le cardinal Odoardo Farnèse, car il faut se souvenir que la Contre-Réforme n'est pas loin. De toute façon, la galerie avait été conçue comme une salle où devaient être disposés des antiques de la collection Farnèse, et A. Carracci s'en souvint dans la structure décorative. La décoration eut lieu en deux temps, celle de la voûte (v. 1597-1600), celle des murs (v. 1603-1604). L'iconographie est celle du pouvoir et de la domination universelle de l'Amour conquérant : " Omnia vincit Amor ", illustrés par des exemples tirés de la mythologie. La fresque du centre de la voûte, le Triomphe de Bacchus et Ariane, illustre le triomphe de l'Amour sensuel, ennobli par les dieux de l'Antiquité.

   La décoration est complexe, combinant plusieurs systèmes. Longue d'un peu plus de 20 m, large de 6,50 m, la galerie est couverte par une voûte entièrement peinte. Un des principes de la décoration réside dans l'utilisation de " quadri riportati ", c'est-à-dire de tableaux peints dans des cadres feints, imitant, à la voûte, un tableau de chevalet. L'utilisation de " quadri riportati " est régie par une des grandes lois de la peinture décorative post-Renaissance, à savoir que la peinture mythologique doit être rendue dans des cadres isolés (à un sujet " noble " correspond un cadre " noble "). Ainsi Annibale juxtapose plusieurs systèmes, celui de la frise peinte à la base de la voûte, le cadre architectonique général de celle-ci et les " tableaux rapportés ". La frise est composée de " quadri riportati ", de médaillons feints et de compartiments peints entourés par des termes qui supportent une corniche architectonique ; dans la partie centrale sont installés des " quadri riportati ", dont le grand tableau du centre. Le plafond de la Sixtine fut pour Annibale une source abondante d'idées, témoins les ignudi assis de chaque côté de médaillons en " bronze ". Aux angles, des percées illusionnistes discrètes (souvenir des fresques de Tibaldi au palais Poggi de Bologne). À la voûte, les atlantes " en pierre ", les médaillons " en bronze ", les " cadres " dorés des tableaux montrent son amour de l'illusionnisme.

Autres galeries

Paradoxalement, le parti pris décoratif d'ensemble de la galerie Farnèse n'eut pas à proprement parler d'imitateur. Il était trop complexe, trop riche pour être suivi d'emblée. S'il rallia pendant plusieurs générations les tenants du Classicisme et Baroque, il n'a influencé que partiellement et de façon diverse le mode de décoration des galeries peintes.

   En 1609, le marquis Vincenzo Giustiniani commanda à l'Albane le décor de la galerie de son palais à Bassano Romano. L'Albane s'entoura de collaborateurs comme Giaciomo Stella, Prospero Orsi et Viola. Au plafond, il représenta la Chute de Phaéton et le Conseil des dieux. Il rejeta la récente solution d'A. Carracci à la galerie Farnèse au profit d'un traitement unifié de la voûte ; 8 épisodes sur les murs (tapisseries feintes) racontent les événements tragiques de l'Histoire de Phaéton.

   Le palais Chigi sur la piazza Colonna, à Rome, offre une galerie ornée par un artiste anonyme des années 1620 ; il s'agit de fresques dans des rectangles et dans des médaillons sur le thème de la Création d'Ève et du Péché originel.

   Lanfranco reçut en 1619 la commande, pour le pape Paul V Borghèse, du décor de l'immense loge des Bénédictins à Saint-Pierre. Ses projets gravés révèlent, par la division tripartite de la voûte, par l'emploi dans des zones marginales de tondi en camaïeu et de figures d'encadrement, atlantes et " ignudi ", des souvenirs de la galerie Farnèse ; les " sfondati " dans la zone supérieure de la voûte et les profils maniéristes archaïsants des édicules des zones inférieures trahissent, eux, des souvenirs d'Alberti et du cinquecento, mais, par sa puissance et son dynamisme, par le traitement enthousiaste du mouvement ascensionnel, par l'élan pour la première fois réellement baroque, l'œuvre de Lanfranco est nouvelle et révolutionnaire ; la mort de Paul V en 1621 empêcha le commencement des travaux. La voûte fut finalement décorée de caissons en stuc doré.

Pierre de Cortone et son influence

Pierre de Cortone peignit de nombreuses galeries, de 1622 à 1654. Une de ses premières réalisations est la galerie du palais Mattei di Giove, décorée en 1622-23 pour le marquis Asdrubale Mattei. L'organisation décorative du plafond, traité en surface plane, fut attribuée à Bonzi. Cortone peignit 4 scènes de l'histoire de Salomon (2 " quadri riportati " au centre et 2 hexagones sur les 4 des côtés séparés par un fond de décoration en grisaille). Les lunettes aménagées par la voûte à pénétrations sont décorées de paysages attribués à Paul Bril représentant les Domaines de la famille Mattei. À la base de la voûte, sous la corniche, une série de bas-reliefs en stuc fait le tour de la galerie.

   Quelques années plus tard, il travailla à Castelfusano à la décoration de la villa du marquis Sacchetti (1626-1629), avec Camassei et Sacchi. La galerie est située au 2e étage ; le programme (cycle de faits mythologiques, historiques, allégoriques) illustre les rapports entre les grands de l'Antiquité et la nature. Aux murs, des cartes de géographie. Le décor de la voûte est conçu en 3 grandes zones longitudinales, avec un assemblage de " quadri riportati " et seulement quelques ouvertures illusionnistes aux 4 coins du plafond ; le système de décoration s'inspire de la galerie Farnèse, mais Cortone l'a rendu plus simple, plus léger, mieux adapté au cadre d'une villa de campagne.

   Dans les années 1630-31, Cortone décora le plafond de la galerie de la Ville del Pigneto (détruit ; gravé par G. Audran), où il s'intéressa au même problème des rapports entre " quadri riportati " et percées illusionnistes.

   À la fin des années 1630, Giovanni-Battista Ruggieri peignit une galerie au palais de Santa-Croce-ai-Catinari, en collaboration avec Agostino Ciampelli. Au centre est peinte l'histoire de Sarah et l'ange ; des lunettes aménagées par la voûte à pénétrations, décorées de paysages, occupent la partie supérieure des murs latéraux. La galerie du palais Peretti-Almagia sur le Corso a été peinte v. 1640. Le schéma décoratif de l'ensemble, dû à François Perrier, rappelle la galerie de Castelfusano et son compartimentage régulier ; Perrier peignit à fresque l'Aurore (centre du plafond) entourée de Junon et Éole, Naissance de Vénus, Vénus dans les forges de Vulcain et Cérès devant Jupiter ; Grimaldi, 4 Paysages ; Ruggieri, les figures des " Virtù ", allégories féminines devant les paysages.

   La galerie du palais Pamphili, place Navone, construite par Borromini (1646-47) pour Innocent X et peinte par Pierre de Cortone (1631-1654), est située au premier étage et disposée transversalement dans le corps de bâtiment. Les portes, dessinées par Borromini, rythment les longs murs ; la galerie est éclairée par des petits côtés. Les différentes scènes retracent la Vie et l'apothéose d'Enée. Toute la voûte est peinte, sans recourir aux ouvrages de stuc. La voûte, très longue, ne se prêtait pas à une représentation unitaire ni à une vision directe et globale que peut percevoir le spectateur, comme au plafond du salon Barberini. Cortone divisa l'espace en 7 compartiments ; il représenta les scènes avec les dieux de l'Olympe dans des " quadri riportati ", les scènes de la vie d'Énée dans un espace plus large.

   La décoration peinte de la galerie du Quirinal, exécutée en 1656-57 sous la direction de Pierre de Cortone durant le pontificat d'Alexandre VII Chigi, ne subsiste plus qu'en partie. Sous Napoléon, la galerie fut divisée en 3 salles (sala Gialla, sala del Trono, sala degli Ambasciatori) et plusieurs remaniements à l'intérieur la défigurèrent (décoration du plafond détruite, cadres des tableaux modifiés). Actuellement ne subsistent que 20 fresques (18 sur l'Ancien Testament, 2 sur le Nouveau Testament) réparties dans les 3 salles. Les fresques sont de forme ovale, carrée ou rectangulaire, peintes au-dessus des fenêtres par une nombreuse équipe de peintres. À la suite des remaniements, les tableaux ont l'air d'avoir été disposés en frise ; en fait, les tableaux et leurs cadres étaient agencés dans un système de décoration qui structurait toute la surface des murs. Le projet de P. de Cortone (Berlin, Kunstbibliothek) révèle un mur aux somptueuses articulations architectoniques et plastiques où des colonnes jumelles encadrent les fenêtres et supportent un entablement ; entre les colonnes, on devine un paysage. Un projet de Cortone pour le plafond est conservé au Vatican.

   La dernière grande galerie du siècle à Rome est peut-être celle du palais Colonna, décorée par Giovanni Coli et Filippo Gherardi dans les années 1675-1678. Au plafond, 3 scènes illustrent des événements tirés de la vie de Marc Antonio II Colonna, dont celui de la bataille de Lépante. Le cadre architectural peint, de style cortonesque, qui entoure les fresques fut exécuté quelques années auparavant par Schor. Les trumeaux entre les fenêtres sont ornés de miroirs peints par Maratta et Mario de Fiori (Putti et Fleurs).

   Signalons hors de Rome, vers 1650, la galerie de Bacchus au palais ducal de Sassuolo (Modène), résidence d'été des ducs d'Este qui fut peinte par plusieurs artistes, dont Giovanni Boulanger. Les murs sont ornés de tapisseries feintes : en dessous, des motifs décoratifs peints (cartouches, blasons). La voûte présente une zone centrale (grandes compositions peintes entourées de grisailles par Giovanni Boulanger) et 2 zones latérales (P. F. Cittadini ; B. Bianchi et G. Monti). À Florence, le marquis Riccardi avait fait construire une galerie destinée originellement à recevoir sa collection d'objets précieux. Giordano peignit la voûte à fresque (1682-83) sur le thème de l'Allégorie de la vie humaine et de la dynastie des Médicis. Le peintre répartit habilement dans sa fresque 5 scènes mythologiques et 4 allégories : la Justice, la Tempérance, le Salut public et la Gloire.