Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

byzantine (peinture) [330-1453] (suite)

XIIe-XVe siècle

Le décor en mosaïques était réservé aux parties hautes de l'édifice, au-dessus des parements de marbre, mais, à partir du XIIe s., lorsque la fresque se substitua de plus en plus à la mosaïque, le décor s'étendit sur toute la surface des murs et des voûtes. Cela entraîna nécessairement un développement du programme, mais déjà certains écrits indiquaient la voie qui fut suivie par les peintres. Un auteur de la fin du XIe s., Théodore d'Andida, écrivait : " Ceux qui exercent le sacerdoce savent et reconnaissent que ce qui se fait dans la liturgie est la figure de la passion, de l'ensevelissement et de la résurrection du Christ. Mais ils ignorent, je crois, que la liturgie rappelle aussi les épisodes accessoires de la venue du Seigneur et de l'économie du salut, d'abord sa conception et sa naissance, les trente premières années de sa vie, puis le ministère de son prédécesseur et sa manifestation dans le baptême, l'élection des apôtres, les trois années des miracles qui ont préparé la croix. " Pour d'autres écrivains ecclésiastiques aussi, la liturgie évoque, aux yeux de l'initié, tous les épisodes de l'histoire évangélique, et les peintres s'inspirèrent de ces mêmes idées en développant les cycles. À côté des événements principaux, ils figurent les épisodes secondaires, ils ajoutent les miracles et les paraboles et ils font une large place à la vie apocryphe de la Vierge. La vie du saint patron de l'église et celles d'autres saints sont également représentées, et le calendrier liturgique, le ménologe, est figuré sur les murs du narthex, avec une image spéciale pour chaque jour de l'année. L'influence de la liturgie apparaît d'une manière encore plus directe dans d'autres innovations. Alors qu'auparavant les saints évêques, auteurs de la liturgie, étaient figurés debout de face sur le mur de l'hémicycle de l'abside, ils sont désormais représentés officiant, tournés vers l'autel, sur lequel on voit l'Enfant Jésus étendu sur la patène. À la Communion des apôtres, on ajoute la représentation de la Grande Entrée, la procession solennelle lorsque les offrandes sont apportées à l'autel, mais cette représentation est conçue sous le signe de l'Éternité, de la Divine Liturgie célébrée par le Christ, assisté par les anges, qui prennent la place des prêtres et des diacres. L'influence de la liturgie, associée au culte grandissant de la Vierge, amène les artistes à illustrer les hymnes qui lui sont dédiées. Chacune des 24 strophes de l'Hymne acathiste, qui glorifie Marie, est ainsi illustrée. Les compositions inspirées par le " stichère " de Noël montrent la création entière apportant ses offrandes à la Vierge et l'Enfant. On figure aussi les fidèles, groupés autour de l'icône de la Vierge, chantant des hymnes en son honneur. Les sujets bibliques qui sont introduits le sont presque tous en fonction de la Vierge, car des scènes comme l'échelle de Jacob, Moïse devant le buisson ardent et d'autres encore sont considérées comme des " figures " ou antétypes de Marie, Mère de Dieu, et par là même de l'Incarnation. Le rapport entre le décor de l'église et l'histoire de l'Église s'exprime par la représentation des conciles œcuméniques. Enfin, le Jugement dernier est largement déployé sur les murs du narthex. Tout un programme encyclopédique s'est ainsi développé au cours des XIIIe et XIVe s., un programme intimement lié au dogme et à la liturgie.

L'évolution stylistique

Première période (IVe-VIIIe siècle) : peintures murales et mosaïques

Considérée dans son ensemble, cette première période se présente comme une période de transition entre l'art de la basse Antiquité et ce qui sera plus spécifiquement l'art byzantin. À Saint-Georges de Thessalonique, les portraits des martyrs restent fidèles à l'idéal classique de beauté, et les architectures qui garnissent les fonds s'inspirent de modèles lointains du décor des scenae frons des théâtres antiques. À l'abside de l'église du Christ Latome, dans cette même ville, l'influence de l'art gréco-romain est un peu moins sensible, surtout dans la figure du Christ et celle du prophète assis à droite ; et à Saint-Démétrius de Thessalonique, les figures à deux dimensions, les plis schématisés des draperies, les attitudes rigides nous mettent en présence d'un style qui s'écarte tout à fait du langage artistique hérité de l'Antiquité. Mais cette transformation graduelle n'est pas la règle générale. D'autres œuvres témoignent de fluctuations, de retours en arrière ou de la présence simultanée des deux tendances. Plusieurs plats d'argent, avec figures en repoussé, sont datés du règne de l'empereur Héraclius (610-641) par les poinçons. Les uns sont décorés de sujets mythologiques, d'autres de scènes de la vie de David, mais tous portent la marque du style antique dans le modelé et les attitudes des personnages. Par contre, sur une patène en argent datée du règne de Justin II (565-578, musée de Constantinople) et par conséquent antérieure d'un demi-siècle aux plats d'argent, la Communion des apôtres est exécutée dans un style linéaire où ne subsiste aucune trace de la tradition antique. La différence stylistique n'est pas due au sujet qui a été traité, car, sur une autre patène (Washington, musée de Dumbarton Oaks) datée également du règne de Justin II, la Communion des apôtres est figurée dans un style plastique proche de l'art antiquisant des plats à sujets mythologiques ou bibliques. D'autres œuvres, telles les grandes icônes à l'encaustique du mont Sinaï (Portrait de saint Pierre, Vierge à l'Enfant trônant entre les anges et deux saints), permettent de constater la coexistence des deux tendances dans les ateliers constantinopolitains : d'une part la survivance des procédés artistiques de l'époque gréco-romaine et le respect de la forme plastique du corps humain, d'autre part le recours à un style linéaire et la recherche de la " spiritualité. ".

Période iconoclaste (726-843)

L'essor de l'art religieux fut interrompu pendant un siècle par une crise qui bouleversa l'Empire. Pour des raisons religieuses, et en partie pour des motifs politiques, les empereurs byzantins tentèrent de mettre fin au culte grandissant des images. En 726, Léon III faisait abattre la célèbre image du Christ placée sur la Porte de bronze de Constantinople et, en 730, il promulguait un édit interdisant la représentation des personnages sacrés, des scènes de la vie du Christ, de la Vierge et des saints et qui, en outre, ordonnait la destruction de toutes ces images. Les mosaïques et les fresques des églises furent ainsi détruites ou parfois recouvertes de chaux, on brisa les icônes et on arracha même les miniatures des manuscrits.

   Avec une brève interruption (787-815), la crise iconoclaste se poursuivit jusqu'en 843. À cette date, la restauration des images, décidée par un concile, fut proclamée dans une cérémonie solennelle, et, présentée comme le triomphe de l'orthodoxie, elle est encore commémorée de nos jours par l'Église grecque.

   Les empereurs " iconoclastes " (destructeurs des images) n'étaient pourtant pas des adversaires de l'art, et les sujets profanes n'étaient pas bannis. Au dire des historiens, les scènes religieuses furent remplacées dans les églises par " des arbres, des oiseaux de toute sorte et des animaux, encadrés dans des rinceaux de lierre où se mêlaient des grues, des corbeaux et des paons ". Constantin V (741-775) avait substitué aux représentations des 6 conciles œcuméniques l'image de son cocher favori. Rivalisant avec le faste des résidences des califes de Baghdad, Théophile (829-842) avait décoré les murs des pavillons édifiés autour de son palais de divers ornements, d'animaux et d'arbres, de trophées et de boucliers, et de représentations de statues. Les empereurs, accompagnés des membres de leur famille, continuaient à être figurés en effigies.

La Renaissance macédonienne (IXe-XIe siècle)

L'Empire byzantin connut son apogée de l'avènement de Basile Ier (867) jusqu'à la mort de Basile II (1025). Les armées impériales avaient repoussé les Arabes en Asie Mineure, reconquis la Cilicie, la Syrie et la Palestine. En Europe, elles avaient détruit la puissance des tsars bulgares, réoccupé la Macédoine et l'Italie du Sud. La conversion des populations slaves des Balkans, par l'intermédiaire des missionnaires byzantins, et la conversion de la Russie étendaient l'aire d'influence de la civilisation byzantine. À Constantinople, la reconstitution de l'Université, l'enseignement d'hommes nourris des œuvres de l'Antiquité grecque donnaient naissance à ce que les contemporains considéraient comme un " second hellénisme ". Parallèlement à cette renaissance intellectuelle, il y eut une renaissance artistique, et il faut entendre par ce terme un essor puissant de l'activité en même temps qu'un renouvellement de la tradition antique. Nous ne connaissons plus que par des descriptions les premières œuvres exécutées à Constantinople après le triomphe de l'orthodoxie (l'image du Christ replacée sur la Porte de bronze avant 847 ; le décor d'une église dans l'enceinte du palais v. 864 ; celui d'une salle d'apparat du palais, le Chrysotriclinos, entre 856 et 866), mais, à partir de 867, date à laquelle on inaugura l'image majestueuse de la Vierge qui resplendit dans l'abside de la basilique Sainte-Sophie, nous possédons un nombre assez important de mosaïques et de peintures à Constantinople, à Thessalonique, à Nicée et à Ohrid, ainsi que dans les églises de Saint-Luc-en-Phocide et de Daphni. En outre, les nombreuses églises rupestres de la Cappadoce nous offrent des exemples de l'art provincial et de la pénétration de l'influence de la capitale dans ces provinces.

   Le goût et le sens de la couleur se manifestent dans toute leur ampleur dans les mosaïques étincelantes, qui semblent capter la lumière. L'artiste byzantin cherche moins à reproduire la tonalité exacte des objets ou des éléments du paysage qu'à créer des harmonies de couleur. Il adapte, avec adresse, les compositions et les figures isolées au cadre architectural : personnages debout sur le tambour de la coupole et sur les arcs ; à mi-corps dans les lunettes ; en buste et inscrits dans des médaillons pour garnir les compartiments des voûtes d'arêtes ou le sommet des arcs. Sous l'apparente simplicité des compositions, on perçoit une science très sûre de la disposition des figures, de l'équilibre des masses, des rapports des pleins et des vides.

   Le sens de la beauté classique prédomine dans les œuvres qui se rattachent plus directement à Constantinople, mais la recherche de la beauté idéale va de pair avec la spiritualisation des expressions. Un sentiment profond de la réserve confère une grande dignité à toutes ces représentations ; les émotions sont discrètement suggérées par un léger froncement des sourcils ou par un geste à peine ébauché. Les détails anecdotiques sont bannis. Placées dans le monde irréel des fonds d'or, les figures aux attitudes calmes, les compositions harmonieuses paraissent être en dehors du temps et de l'espace, comme le sont les vérités intelligibles dont elles nous offrent une image sensible.