Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Schiele (Egon)

Peintre autrichien (Tulln 1890  –Vienne 1918).

Il étudie à l'Académie des beaux-arts de Vienne (1906-1909), rencontre en 1907 Gustav Klimt, qui l'influence à ses débuts, et les deux artistes se vouent d'ailleurs une admiration réciproque. Schiele expose en 1908 à Klosterneuburg, puis en 1909 à Vienne (Internationale Kunstchau). Il travaille en 1911 à Krumau, en Bavière, ensuite à Neulengbach au cours d'un voyage à Munich, il devient membre du cercle Sema, une association d'artistes à laquelle appartiennent Klee et Kubin. Il s'installe à Vienne en 1912. Dessinateur extrêmement doué, il exécute la majeure partie de son œuvre au crayon, à l'aquarelle et à la gouache. D'abord auteur de paysages et de portraits marqués par le Jugendstil, son originalité s'affirme dès 1909. Schiele est obsédé par son visage (double et triple autoportrait) et surtout par son propre corps comme par celui de ses modèles, souvent très jeunes, qu'impose un trait aigu, nerveux, cassé, limitant des surfaces étriquées et relevé de couleurs stridentes (Homme nu assis, plume et gouache, 1910 ; Nu aux jambes écartées, 1914, crayon et gouache, Albertina). L'accent est mis sur les parties sexuelles, les visages au masque cadavérique, les doigts étirés et écartés, les postures des amants soudés l'un à l'autre dans un spasme ultime (Autoportrait aux doigts écartés, 1911, Vienne, Historisches Museum ; Étreinte, 1917, Vienne, Österreichische Galerie). Comme dans l'œuvre de Munch, l'amour et la mort sont liés dans l'univers de Schiele. Certaines postures compliquées sont empruntées aux sculpteurs (Minne, Rodin), certains thèmes à Munch (la Mère morte I, 1910) et à Van Gogh (les Tournesols ; la Chambre de l'artiste à Neulengbach, 1911, Vienne, Historisches Museum), mais la mise en page à deux dimensions et le trait à la fois grêle et tendu ont une efficacité très personnelle. Certains paysages présentent la même tension aride que les nus (Arbre d'automne, 1909, Darmstadt, Hessisches Landesmuseum ; œuvre de l'automne de 1912) ; quelques-uns, d'un réalisme plus apaisé, évoquent ceux de Hodler (les Quatre Arbres, 1917, Vienne, Österr. Gal.) ; un assez grand nombre, inspirés par la vieille ville de Krumau, ont une structure géométrique et colorée qui annonce la poétique de Klee (Fenêtres, 1914, Vienne, Österr. Gal. ; Paysage de Krumau, 1916, Linz, Neue Gal. der Stadt).

   Schiele se maria en 1915, et ce changement de situation affective se ressent dans son travail, dont l'érotisme s'adoucit (Femme étendue II, 1917). Ses dernières œuvres sont proches de celles de Klimt par leur sens d'un volume plus ample et leur souci d'une réalité moins malmenée (Portrait Paris von de Gütersloh, 1918, Minneapolis, Institute of Arts, la Famille, 1918, Vienne, Österr. Gal.). Il mourut victime, ainsi que sa femme, de l'épidémie de grippe espagnole qui frappa l'Europe en 1918. Figure majeure de l'Expressionnisme autrichien, entre Klimt et Kokoschka, son œuvre constitue la première transition entre les harmonies d'un art monumental et les dissonances d'une ligne plus expressive. Les formes qu'il crée rejoignent celles de Modigliani, Soutine et Kokoschka. Il est bien représenté à Vienne (surtout Österr. Gal. et Albertina). Le catalogue complet de son œuvre est paru en France en 1990 et une exposition lui a été consacrée (Düsseldorf, Kunstsammlung Nordrhein-Westalen ; Hambourg ; Paris, M. A. M. de la Ville) en 1996.

Schifano (Mario)

Peintre italien (Homs, Syrie, 1934-Rome 1998).

À la suite d'expériences monochromes, Schifano devient l'un des principaux représentants de la jeune génération pop romaine (Propagande Coca-Cola, 1962). En 1962, il commença une série d'œuvres expérimentales liées à la photographie ; dans ces peintures, la fixité anonyme de la photo est reprise au moyen de l'insertion de faux reportages photographiques figés sur de larges carrés monochromes (Chiamato Sign of Energy, 1961, Paris, gal. Sonnabend). Les œuvres plus récentes indiquent une tentative d'intégrer l'expérience pop à un contexte culturel plus étendu. La " nouvelle objectivité " de ses tableaux reportages joint la technique froide et impersonnelle du compte rendu exact d'un détail de la réalité à des motifs se référant aux " avant-gardes historiques " (Futurisme et Suprématisme en particulier, comme dans le tableau Futurismo rivisitato, qui renvoie de façon explicite à Malevitch). De ces mêmes motifs sont issus ses très récents " paysages " (série " Omaggio alla Natura "), dans lesquels l'élément naturel devient objet, soumis à une interprétation ironique et démystificatrice (Grande Particolare di paesaggio italiano a colori, 1963 ; Vero Amore, 1965 ; Oasi, 1967). À partir de 1978, ses tableaux délivrent des images plus simples (palmiers, chevaux, danseuses), lui permettant de réenvisager un rapport à la figure. Schifano a également réalisé plusieurs films. Il fit sa première exposition personnelle à Rome en 1963 puis se manifesta fréquemment à Rome, à Milan et à Paris. Il a également participé à la Biennale de Venise en 1964.

Schindler (Emil Jakob)

Peintre autrichien (Vienne 1842  – Westerland, Sylt, 1892).

À l'Académie de Vienne, où il fait des études dans l'atelier d'Albert Zimmermann (de 1860 à 1869), Schindler se distingue, par des dons brillants, de ses camarades E. Jettel, R. Ribarz et R. Russ. Il continue de se former en autodidacte en étudiant les maîtres néerlandais et l'école de Barbizon, mais il ne découvrira son coloris personnel qu'après avoir connu les côtes méditerranéennes et ses paysages insulaires. Sa palette devient alors claire, lumineuse, sa technique fluide jusqu'au glacis excelle dans les effets d'eau et de ciel (Moulin à Gdïsern, 1883, Vienne, Österr. Gal.), et le dessin s'efface au profit de la couleur. Il vagabonde de son atelier du Prater dans les prairies du Danube, puis le Wienerwald devient son thème de prédilection après son installation à Plankenberg, en 1885. Les peintures de Schindler sont toujours déterminées par un " motif ", qui se révèle dans le choix du format ou qui s'explique par une légende. Dans son tableau Station du bateau à vapeur à Kaisermühlen sur le Danube (v. 1872, Vienne, Österr. Gal.), le paysage est magnifié par la lumière d'une fin d'après-midi d'été. Une forêt de hêtres à Plankenberg (1891, Vienne, Niederösterreichisches Landesmuseum) traduit sobrement le charme d'un sous-bois où se glisse le soleil. La poétique très particulière de ce peintre a été comprise par son élève préféré, Carl Moll. C'est à Vienne (Österr. Gal.) que se trouvent conservées le plus grand nombre de peintures de Schindler.