Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Giulio Romano (Giulio Pippi, dit)

Peintre italien (Rome, dernière décennie du XVe s.  – Mantoue 1546).

Collaborateur de Raphaël dans les travaux du Vatican, il se dégage bientôt du groupe des " héritiers " du maître et marque, dès 1527, par la véhémence de son inspiration, le caractère du nouveau style romain, désormais libéré de toute influence classique.

   Sa carrière peut être divisée en deux phases : participation aux travaux du Vatican jusqu'à la mort de Raphaël (1520), puis, à partir de 1524, nouvelle activité à Mantoue, où il est introduit dès 1524 par Balthazar Castiglione (auteur du Courtisan, 1528) auprès de Frédéric Gonzague, qui lui confie l'entreprise d'un vaste ensemble monumental : le palais du Té.

   Dès 1515, Giulio fournit certains des dessins préparatoires aux Actes des Apôtres, suite de projets de Raphaël destinés à la tapisserie, et traduit les cartons du maître dans les fresques de l'Incendie du bourg et de la Bataille d'Ostie (1515-16, Vatican, Chambre de l'Incendie). En même temps, il participe au décor des " Loges ", succession de 52 scènes de l'Ancien Testament aux proportions réduites, aux effets contrastés, rythmés par un jeu de motifs stylisés dits " grotesques ". Giulio est en outre responsable d'une grande partie des fresques de l'Histoire de Psyché, à la Loggia de la Farnesina, exécutées sur des projets de Raphaël (1518). Sa participation à plusieurs des œuvres religieuses tardives du maître, comme la Montée au calvaire (Prado), la Sainte Famille de François Ier (Louvre), la Lapidation de saint Étienne (Gênes, S. Stefano), la Sainte Famille, dite la Perle (Prado), et à certains portraits (Jeanne d'Aragon, Louvre ; la Fornarina, Rome, Gal. Borghèse) reste encore problématique.

   En 1520, le cardinal Giulio de' Medici lui confie ainsi qu'à Giovanni da Udine le décor de la Loggia de la Villa Madama (achevé en 1521). Devenu pape sous le nom de Clément VII, et soucieux de terminer les travaux des Stanze, il le charge des fresques de la salle de Constantin (1523-1525), vastes et tumultueuses compositions aux perspectives parfois insolites, que l'on retrouve dans certains tableaux contemporains : Madone au chat (Naples, Capodimonte) ; Sainte Famille avec des saints (Rome, S. Maria dell'Anima).

   À Mantoue, au service de Frédéric Gonzague, fils d'Isabelle d'Este, Giulio et ses élèves réalisent au palais du Té un décor complet, envahissant et coloré, recouvrant de stucs et de peintures la totalité des murs et des voûtes. Deux ensembles principaux s'opposent par la diversité de leur parti : la Salle de Psyché (1527-1531), au nord, articulée par un jeu subtil de médaillons et de lunettes aux effets plafonnants ; la Salle des Géants (1532-1534), au sud, enveloppant la pièce d'un vaste tourbillonnement de figures monstrueuses. D'autres salles développent des thèmes cosmiques (Salle des Vents). Le palais du Té, combinant en décor continu les ressources les plus variées de l'illusionnisme théâtral, eut une grande influence sur les ensembles maniéristes plus tardifs, en particulier sur les réalisations de Primatice, présent à Mantoue de 1525-26 à 1532 et au service de François Ier après cette date.

   Les dernières années de l'activité de Giulio Romano sont plutôt consacrées à des travaux d'architecture ; citons cependant la décoration prévue pour le chœur et l'abside de la cathédrale de Vérone (v. 1534, Scènes de la vie de la Vierge, exécutées par F. Torbido), la Nativité (1531, Louvre) peinte pour la chapelle Boschetti à S. Andrea de Mantoue, une série de tableaux mythologiques (la Famille de Jupiter, Naissance de Jupiter, Londres, N. G. ; Naissance d'Apollon et de Diane, Hampton Court ; l'Allégorie de l'Immortalité, Detroit, Inst. of Arts) peints pour le duc de Mantoue et une suite importante de cartons de tapisseries réalisés à la demande de François Ier (Histoire de Scipion, 1532-34, Louvre, Ermitage).

   Giulio a su utiliser ce qu'il avait appris à Rome auprès de Raphaël pour servir aux ambitions de la cour de Mantoue en élaborant une vision unifiée des arts.

   Une importante rétrospective a été présentée à Mantoue, palais du Té, dont les fresques ont été restaurées), en 1989.

Giunta Pisano

Peintre italien (originaire de Pise, connu de 1229 à 1254).

Son œuvre subsistante est constituée par trois Crucifix, signés (Assise, S. Maria degli Angeli ; Pise, M. N., provenant de S. Raniero ; Bologne, S. Domenico), dont on a rapproché d'autres peintures en raison de leur similitude de style. Des documents, datés de 1229 à 1254, donnent quelques renseignements sur l'artiste ; le plus intéressant mentionne l'inscription qui apparaissait sur un Crucifix (auj. perdu) peint par Giunta en 1236 pour la basilique inférieure de S. Francesco à Assise sur la commande de frère Elia, général de l'ordre. Des trois Crucifix conservés et non datés, celui de S. Maria degli Angeli est considéré comme le plus ancien, sans doute de la même époque que le Crucifix d'Assise, auj. perdu ; il est suivi par le Crucifix de Pise et, v. 1250, par celui de Bologne. Des rapprochements stylistiques permettent de lui attribuer d'autres Crucifix : celui du musée de San Mateo de Pise (Crucifix portatif peint sur les deux faces) et un petit Crucifix à Venise (coll. Cini). D'autres ajouts sont plus discutés : Histoire de saint François (Pise, église San Francesco, Assise et Rome, Pinacothèque vaticane). Le peintre, dans sa première phase, qui rappelle le style des miniatures des évangéliaires arméniens, révèle sa maîtrise des formules byzantines du type le plus composite et néo-classique ; dans le Crucifix bolonais, plus tardif, au contraire, il imprime une profonde flexion à la figure du Christ et la complique de lignes contournées. Conscient de l'aridité expressive du style byzantin tardif, Giunta en force le vocabulaire, désormais épuisé, pour obtenir des effets plus dramatiques. À Pise, il eut pour disciple Ugolino di Tedice. Mais c'est en Émilie et en Ombrie, et sur le Maître de San Francesco en particulier, qu'il exerça sa plus grande influence. Même Cimabue, dans le Crucifix d'Arezzo, prouve qu'il subit l'ascendant du maître pisan.