Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Schinkel (Karl Friedrich)

Architecte et peintre allemand (Neuruppin 1781  – Berlin 1841).

Schinkel, l'architecte le plus éminent en Allemagne au XIXe s., créera aussi comme peintre des œuvres d'une qualité exceptionnelle, bien que sa formation ait été exclusivement autodidacte. Il ramène à Berlin de nombreux dessins de paysage réalisés au cours d'un voyage en Italie de 1803 à 1805 (Berlin, Schinkel-Pavillon). La défaite que Napoléon inflige à la Prusse en 1806 limite son activité d'architecte et lui permet de se consacrer à la peinture. De 1803 à 1813, l'artiste crée chaque année un grand paysage panoramique ou dioramique. En 1810, il rencontre Friedrich à Berlin. En 1813, il décore l'appartement du commerçant Humbert de 6 grands paysages (autref. à Berlin, N. G., détruits en 1945). Schinkel fit aussi, à partir de 1816, des projets de décors pour 42 spectacles de théâtre. Les projets pour la Flûte enchantée de Mozart sont particulièrement célèbres (le Palais de la reine de la nuit, gouache, musées de Berlin). La Vue sur l'épanouissement de la Grèce (1825, autref. à Berlin, N. G., détruite en 1945) est considérée comme l'œuvre la plus importante de l'époque tardive. À partir de 1828, l'artiste se consacre à des projets de décorations murales pour l'Altes Museum de Berlin. Les paysages de Schinkel révèlent un sentiment très vif des effets de lumière influencé par Friedrich (la Porte de rocher, 1818, musées de Berlin). L'architecture du Moyen Âge joue un rôle important dans la plupart de ses tableaux et contribue à leur donner un caractère mystique et visionnaire (Cathédrale gothique au bord de l'eau, 1813, copie à Munich, Neue Pin. ; Monument funéraire de la reine Louise, 1810, musées de Berlin).

Schirmer (Johann Wilhelm)

Peintre allemand (Jülich 1807  – Karlsruhe 1863).

En 1825, il est élève de l'Académie de Düsseldorf, où il enseignera de 1830 à 1853. Ses paysages, souvent animés de petites figures bibliques, évolueront sous l'influence de C. F. Lessing vers une tendance idéalisante. À partir de 1853, il est directeur de l'École des beaux-arts de Karlsruhe. Il fit des voyages en Normandie, en Italie (1839-40) et dans le midi de la France. C'est à Karlsruhe et à Düsseldorf que l'on trouve les collections les plus importantes de ses œuvres.

Schlemmer (Oskar)

Peintre, sculpteur et metteur en scène allemand (Stuttgart 1888  – Baden-Baden 1943).

Après un court apprentissage dans un atelier de marqueterie (1903-1905), il entre à l'école des arts et métiers de Stuttgart, où il se lie avec Otto Meyer-Amden et Willi Baumeister avant de suivre les cours de Christian Landenberger et de Hoelzel à l'Académie. La découverte de Cézanne et surtout de Seurat à Berlin en 1911 oriente alors son développement de façon décisive. Appelé en 1921 au Bauhaus par Walter Gropius, il y dirige l'atelier de sculpture sur pierre, celui de peinture murale, puis l'atelier de théâtre de 1923 à 1929. Professeur à l'Académie de Breslau en 1929, puis à l'École des beaux-arts de Berlin en 1932, il est révoqué comme artiste " dégénéré " l'année suivante par les nazis. Travaillant alors en solitaire, puis dans une fabrique de laque, il se retire jusqu'à sa mort en Allemagne méridionale.

   Rattaché aux courants postimpressionnistes au début de sa carrière, Schlemmer, par l'intérêt qu'il porte aux problèmes scéniques, évolue rapidement à travers une phase cubiste (Maisons, crayon et aquarelle, 1912) vers un style proche de l'Abstraction qui réduit les formes à des figures géométriques simples et qui tend à la peinture murale (Danseuse, 1922-23 ; Convives, 1923). L'objet essentiel de son art est le problème de la figuration des anatomies dans l'espace ou, selon son expression, celui des " propriétés plastiques de l'homme " dans ses poses élémentaires, " hiéroglyphiques " : les stations verticale, horizontale, assise, la marche (Römisches, 1925, musée de Bâle ; l'Entrée du stade, 1930, Stuttgart, Staatsgal.). Ses figures se réduisent à des silhouettes schématisées, et la composition s'ordonne selon un jeu de contrastes purement géométrique, fondé sur les caractères sculpturaux des sujets et leurs rapports dans l'espace (l'Escalier du Bauhaus, 1932, New York, M. O. M. A. ; Scène héroïque, 1936, Stuttgart, coll. Tut Schlemmer). Son style évoluera ensuite vers des compositions faites de notations moins nettes, mais plus atmosphériques et psychologiques (le Dessinateur, 1942 ; série des Fenêtres, 1942). Il a réalisé d'importantes compositions murales (pour le Bauhaus de Weimar, le Folkwang Museum d'Essen, 1928-1930, et la maison du Dr Rabe à Zwenkau, construite par Adolf Rading en 1930-1931), Schlemmer a réalisé de très nombreux décors et costumes de théâtre et d'opéra. Il est aussi l'un des plus grands créateurs du ballet contemporain où la conception de l'espace, du mouvement, du décor et des costumes, issue de ses réflexions sur la peinture et qu'il a expérimentée au Bauhaus a révolutionné cet art de la scène (le Ballet triadique, 1922 ; la Danse des bâtons, 1927). Oskar Schlemmer a d'autre part publié de nombreux écrits qui sont le fruit et le résultat de son enseignement et de ses théories sur l'art du ballet (Die Bühne in Bauhaus, Munich, 1925). L'artiste est représenté dans les musées de Bâle, de Breslau, de Dessau, d'Essen, de Hanovre, de Duisburg, de Cologne, de Francfort, de Munich, de Sarrebruck, de Stuttgart et de New York (M. O. M. A.). Une exposition lui a été consacrée (Madrid, Centro de Arte Reina Sofia) en 1996-1997.

Schlichter (Rudolf)

Peintre allemand (Calw 1890  – Munich 1955).

Après avoir suivi les cours de l'école des Arts et Métiers à Stuttgart de 1907 à 1910, Schlichter étudie à l'Académie des beaux-arts de Karlsruhe auprès de Thomas et Trübner jusqu'en 1916. Au retour de la guerre, il regagne Karlsruhe et participe à la fondation du Rih Gruppe. En 1919, son installation à Berlin lui donne l'occasion d'exposer à plusieurs reprises avec le Novembergruppe. Le mouvement Dada le compte parmi ses artistes. Les " mannequinades " (Atelier sur le toit, v. 1920, aquarelle ; Hausvogteiplatz, aquarelle) réalisées à cette époque révèlent l'influence de la peinture métaphysique de De Chirico et de Carra. En 1924, Schlichter crée le Roten Gruppe avec Heartfield et Grosz et collabore à plusieurs journaux satiriques (Der Gegner, Der Knüppel, Die rote Fahne), où il donne de l'ancienne capitale prussienne une vision ironique et satirique. Mais ce sont surtout ses qualités de portraitiste qui lui permettent de s'imposer sur la scène artistique : il est alors très lié à Bertolt Brecht, Alfred Döblin, Oskar Maria Graf, Erich Kästner et Egon Erwin Kisch (Portrait de Margot, 1924, Berlin, Märkisches Museum ; Portrait de B. Brecht, Munich, Städische Galerie im Lenbachhaus ; Portrait d'E. Erwin Kisch, v. 1928, Mannheim, Städtische Kunsthalle). En 1925, l'exposition de la Nouvelle Objectivité organisée par la Kunsthalle de Mannheim évoque ses recherches. En 1928, Schlichter fait partie de l'A. S. S. O., association des artistes révolutionnaires. Quittant Berlin en 1932 pour Rottenburg, il se rend ensuite à Stuttgart (1935) puis à Munich (1939), se rapprochant des milieux catholiques conservateurs proches d'Ernst Jünger. En 1937, dix-sept de ses œuvres sont confisquées par les nazis (notamment Puissance aveugle, 1937, Berlin, Berlinische Galerie), d'autres sont présentées dans l'exposition consacrée à l'Art dégénéré. " Ce génie vériste a cherché avec Dix, Grosz et Scholz à mettre au jour le chaos, le vrai visage de son époque " (C. Einstein, 1920).