Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Santomaso (Giuseppe)

Peintre italien (Venise 1907  – id. 1990).

Il étudia à l'Académie de Venise. Après un séjour à Paris, il participa au mouvement Corrente, ensuite au Fronte Nuovo delle Arti et au Gruppo degli Otto : c'est au cours de cette période que ses premières recherches vers l'abstraction, inaugurées sous l'influence de Braque, prirent un tour lyrique et instinctif, qui allait caractériser toute sa production. Entre 1948 et 1950, ses œuvres révèlent en effet une nette mise en valeur de la couleur, qui l'emporte sur la construction formelle précédente : la couleur demeure un élément essentiel dans la traduction d'une expression instinctive, fondée sur l'automatisme du " geste " et sur l'exploitation d'une pâte raffinée dans ses transparences et ses vibrations : l'Ora delle cicale (1953, musée de Rio de Janeiro), Ritmi rurali (1954, Rome, G. A. M.). À partir de 1950, l'influence de l'informel est sensible dans l'enrichissement de la matière, où le signe s'inscrit comme une structure, à l'exemple sans doute de Hartung : Vie secrète (1958, Venise, coll. Guggenheim), Suite frioulane (1963, Florence, G. A. M.), Fermento (1962, musée de Sarrebruck). Dans une série contemporaine de " Paysages ", les couleurs se limitent à de séduisantes tonalités " naturelles " : Incendio a Santa Maria de Mar (1959, Amsterdam, Stedelijk Museum), Angoscia a Gravina (1960). Dans ses œuvres plus récentes, le tissu chromatique, étalé sur des surfaces larges et régulières, acquiert une nouvelle fonction constructive : Immagine n° 12 (1965, musée de La Chaux-de-Fonds). De 1971 à 1974, il enseigne aux Beaux-Arts de Venise. Santomaso participe à la Documenta de Kassel (1955, 1959 et 1964) et à la Biennale de Venise (1972). Il eut plusieurs rétrospectives, à Amsterdam et Bruxelles en 1960, à Venise en 1982, et juste après sa mort une nouvelle rétrospective lui a été consacrée à Locarno (Suisse).

Santvoort (les)

Famille de peintres néerlandais.

Les 3 frères sont fils de Dirck Pietersz Bontepaert, petits-fils de Pieter Aertsen et arrière-petits-fils de Pieter Pietersz.

 
Abraham Dircksz Van Santvoort, graveur et éditeur (v. 1624 – Chaam 1669) , cité en 1639 à Bruxelles et en 1644 à Amsterdam. Il grava surtout des sujets historiques ; il travailla à Breda de 1648 à 1653.

 
Dirck Dircksz Santvoort, dit Bontepaert, peintre (Amsterdam 1610/11 – id. 1680). Élève de son père, puis peut-être de Rembrandt, il fut maître à la gilde de Saint-Luc d'Amsterdam en 1636, puis inspecteur en 1658, et peignit quelques scènes religieuses : les Pèlerins d'Emmaüs (1633, Louvre), directement dérivés de l'art de son maître. Mais il peignit surtout des portraits, remarquables par leur sobriété et leur simplicité d'un charme quelque peu archaïque. Tout à fait à l'opposé de la leçon de Hals et de Rembrandt, citons Jeune Berger jouant de la flûte (1632, Rotterdam, B. V. B.), Portrait de petite fille (Londres, N. G.), portraits de Frederik Dircksz Alewijn et d'Agatha Geelvinck (1640), de Martinus (1644) et de Clara Alewijn, de Deux Régentes et deux directrices du Spinhuis d'Amsterdam (1638, Rijksmuseum) et enfin Portrait d'homme et Portrait de femme (1640, Mauristhuis). Très précoce, sa première œuvre connue, un Portrait d'enfant, est datée de 1519.

 
Pieter Dircksz Van Santvoort, dit Bontepaert, peintre (Amsterdam v. 1603 – id. 1635). Uniquement paysagiste, il s'approcha du style d'un Van de Velde, tout en anticipant sur celui d'un Molyn : Paysage avec ferme (1625, musées de Berlin), Paysage d'hiver (Haarlem, musée Frans Hals).

Saraceni (Carlo)

Peintre italien (Venise v. 1585  – id. v. 1620).

Il quitte Venise pour se rendre à Rome vers 1598, où, après un court apprentissage chez le sculpteur Camillo Mariani, de Vicence, disciple attardé de l'académisme vénitien, il pénètre dans le cercle " dévergondé " et tapageur dont Caravage est l'idole et le maître. Le Repos en Égypte (1606, Frascati, Ermitage des Camaldules) montre que ses expériences caravagesques, pourtant fondamentales, sont mitigées par la fonction absolument " vénitienne " qu'il accorde à la lumière et que, dans ses premières œuvres, il oppose déjà au tempérament dramatique de Caravage une vision plus intimiste et plus pathétique. Saraceni appartient au cercle des caravagistes de stricte observance au point que ses œuvres ont été souvent confondues avec celles de Gentileschi, et davantage encore avec celles d'Elsheimer, qui avait conservé de son origine nordique un goût romantique du paysage, souvent nocturne et idyllique, correspondant à la sensibilité de notre peintre. C'est ainsi que six petites peintures sur cuivre représentant des Scènes mythologiques (Naples, Capodimonte) ont d'abord été attribuées à Elsheimer, puis restituées à Saraceni (Voss, 1924) : le décor, dans la manière typique d'Elsheimer, se compose de miroirs d'eau tranquilles et éblouissants, de masses compactes de végétation dans des tons allant des verts sombres aux gris pâles. On retrouve les mêmes traits dans Moïse et les filles de Jethro de la N. G. de Londres. La Vierge à l'Enfant et sainte Anne (v. 1610, Rome, G. N., Gal. Corsini) marque le passage vers des œuvres plus sereines, où le Caravagisme, interprété dans un sentiment néo-giorgionesque, trouve les harmonies tendres et le lyrisme subtil qui sont l'apanage le plus authentique de Saraceni. L'enchantement de l'éclairage lunaire et le recueillement silencieux du Saint Roch soigné par l'ange (Rome, Gal. Doria Pamphili), le mystérieux pouvoir suggestif qui émane de la Judith présentant la tête d'Holopherne (Vienne, K. M.) confirment encore la manière " vénitienne " et la tradition giorgionesque de Saraceni, qui, dans les effets nocturnes du tableau de Vienne, devance les clairs-obscurs de Gerrit Van Honthorst. L'adhésion de l'artiste aux modes de Caravage est plus ouverte dans le Martyre de saint Érasme (dôme de Gaète) et dans le Martyre de saint Agapit (dôme de Palestrina). En 1616-17, il travaille aux fresques du Quirinal, aux côtés de Tassi et de Lanfranco. À la période finale de son activité à Rome appartiennent le Martyre de saint Lambert et le Miracle de saint Benon (1617-18 ; Rome, église S. Maria dell'Anima), où l'on voit un retour très net au style de Caravage jeune. Toutefois, ce caravagiste ardent s'exprime d'autant mieux qu'il se libère plus décidément du modèle qu'il a choisi avec enthousiasme : enclin à l'intimisme et à l'abandon, il est un interprète élégiaque de ce qui pour le maître est drame et violence. La douleur désespérée de la Mort de la Vierge de Caravage (Louvre) devient un simple soupir dans le Saint Charles donnant la communion à un pestiféré (Cesena, église dei Servi), qui, pourtant, trouve dans l'œuvre de Caravage un précédent sublime ; mais la lumière, qui, contrastée et brusque dans le tableau du Louvre, souligne les volumes, se répand ici comme une vapeur et estompe les contours au lieu de les marquer.

   En 1619, Saraceni revient à Venise avec un élève exceptionnel, Jean Le Clerc, de Nancy. Bien que Venise, enfermée dans la tradition maniériste, fût peu apte à accueillir les nouveautés révolutionnaires dont il s'était fait le champion, elle sut l'estimer et l'admirer. La dernière œuvre de la main de l'artiste, Saint François en extase (Venise, église del Redentore), traitée dans une gamme homogène et sourde, est une vision sobre de son monde humain et tendre. Dans l'Alliance du doge Enrico Dandolo avec les croisés (Venise, Palais ducal), la mise en page revient à Saraceni, tandis que les figures, plus descriptives, sont de Le Clerc, qui acheva et signa la grande toile après la mort soudaine de son maître en 1620. Il termina aussi, sans doute, le brillant retable de l'Annonciation pour l'église S. Giustina à Belluno. On doit également à Saraceni la Mort de la Vierge de l'église S. Maria Scala à Rome, peinte pour remplacer la toile de même sujet de Caravage refusée et aujourd'hui au Louvre (une version antérieure de la toile de Saraceni, est aujourd'hui à Chicago, Art. Inst. ; réduction sur cuivre à l'Alte Pin. de Munich). On lui doit aussi le décor d'une chapelle de l'église S. Maria in Aquiro à Rome, inaugurée en 1617 : Naissance de la Vierge (variante autographe sur cuivre au Louvre), Assomption, Présentation de la Vierge au Temple et Mort de la Vierge.

   L'influence de Saraceni fut transmise en France, en particulier en Lorraine, par Le Clerc. En Espagne, Saraceni fut l'un des initiateurs du " ténébrisme " : les toiles qu'il exécuta pour la cathédrale de Tolède (Martyre de saint Eugène, Imposition de la chasuble à saint Ildefonse, Sainte Léocadie en prison) furent mises en place dès 1614 et durent marquer profondément les jeunes peintres espagnols.