Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

couche picturale

Elle est formée par l'ensemble des couches de peinture superposées qui se situent entre la préparation et le vernis protecteur. On distingue généralement, en partant de la préparation, les couches suivantes : la couche de l'esquisse, ou premier tracé, la couche du premier modelé (monochrome et à base de colle), une ou deux couches intermédiaires, localement colorées (à l'œuf, à la colle, en détrempe), la couche du modelé final (à l'huile). Cet ordre n'est pas toujours respecté : dans certaines techniques, l'application des couches et leur composition sont très différentes (peinture à l'encaustique, aquarelle, gouache). La peinture moderne " alla prima " s'exécute directement en une seule couche.

   D'épaisseur variable, la couche picturale a un aspect qui dépend à la fois des liants employés (colles, émulsions, huiles, cire), de la grosseur des pigments et des moyens d'exécution choisis (au pinceau, au doigt, au couteau, à la palette) : Titien, par exemple, reliait l'ombre à la lumière par un dégradé très fin obtenu par frottis en se servant du pouce. On a classé les couches picturales, suivant leur épaisseur, en pâte, demi-pâte, frottis, glacis et vernis teinté.

   La couche de finition est formée par une couche de vernis, peinture ou produit assimilé, destinée à rester en contact avec le milieu extérieur.

Couder (Auguste)

Peintre français (Londres 1789  –Paris 1873).

Il fut élève de Vincent, de Regnault et de David et poursuivit une carrière de peintre officiel alimentée par de nombreuses commandes de l'État (voussure du vestibule de la galerie d'Apollon au Louvre, 1819 ; peintures d'histoire pour Versailles ; peinture à Notre-Dame-de-Lorette, à la Madeleine et à Saint-Germain-l'Auxerrois ; restauration des peintures murales du château de Fontainebleau). Peintre de genre, il s'inspire de la littérature préromantique (Scènes d'Ossian, musée de Quimper, et Dijon, musée Magnin) et romantique (épisodes de Notre-Dame de Paris, 1833, Paris, musée Victor-Hugo).

couleur

Il est devenu commun de dire que " la couleur du peintre n'est pas celle du physicien ". En effet, bien que, pour l'un comme pour l'autre, la lumière constitue un phénomène déterminant, l'artiste, lui, doit manipuler des matériaux dont la texture et le comportement conditionnent des effets optiques qu'il recherche en fonction des exigences de sa propre création, création pour laquelle il opère déjà une sélection subjective constante. Même les artistes " scientifiques ", comme les cinéticiens, demeurent en partie tributaires de cette subjectivité ; leurs lumières et couleurs " objectives " dépendent aussi de leur imagination. Dans les deux cas, ce sont évidemment les formes de la recherche artistique en fonction des matériaux choisis qui engagent le jeu de la couleur.

Matière picturale et " espace " chromatique

Historiquement, deux faits définissent tout d'abord l'usage des couleurs chez le peintre : ce sont les types de pigments utilisés ainsi que leurs modes d'emploi en fonction du choix du liant et du support (pierre, mortier, papier, verre, bois, toile), mais aussi en raison du rôle conféré aux formes colorées envisagées. Les pigments, base de la matière picturale, doivent être très colorants, très résistants à la lumière, à la chaleur et à toutes les pollutions de l'air et oxydations de toutes sortes. Leur pouvoir opacifiant, leur densité influent sur l'aspect de la sédimentation produite dans le liquide ou le liant, qui, tout comme la texture du support, auront une influence déterminante sur l'effet final, selon la capacité des pigments d'être plus ou moins couvrants (une terre est en ce sens plus couvrante et envahissante qu'une laque). Ces phénomènes influencent la vision même du peintre quand il envisage l'association des couleurs dans leur jeu réciproque, qu'il s'agisse de contraste ou de nuances proches. Ces pigments concourent à provoquer ce sentiment de " tactilité " de la matière picturale, essentiel à la personnalisation de l'œuvre. Il suffit, pour bien s'en convaincre, de comparer la reproduction d'une peinture " en couleur " — aussi parfaite soit-elle — avec l'œuvre elle-même. La sensation n'est pas du tout la même, la couleur n'a pas la même apparence. Le phénomène est encore plus sensible si l'on met côte à côte deux aspects d'une même couleur, l'une peinte à l'aquarelle, et l'autre à l'huile. Que l'on compare également une même teinte de rouge peinte en aplat et en empâtement ! En ce sens, on opposera volontiers un Siennois du XIVe s., un Ingres, un Titien, un Rubens et un Van Gogh, par exemple. Selon l'éclairement, surtout dans les trois derniers cas, la moindre aspérité de la matière provoque des irradiations particulières, des ombres subtiles qui animent la couleur, comme peut le faire également l'apparition, quoique à peine perceptible, de la coloration de l'" impression " faite sur le support. D'où la constitution d'un " espace " chromatique (poursuivi auj. au-delà de la surface !) qui définit donc cette subjectivité du peintre proposée à celle du spectateur, si difficile à déterminer. Aussi devons-nous tenir le plus grand compte de cette matérialité picturale qui, selon les époques et les individus (ou les équipes), s'affirme parfois indépendamment du programme général d'un sujet proposé ou même interprété ; à tel point que l'accent doit être mis délibérément sur cette réalité picturale qui, finalement, à travers les âges, constitue la véritable histoire " picturale " — en quelque sorte — de la peinture.

   Cette histoire a commencé avec les moyens dont disposait l'artiste du Paléolithique pour préparer les opérations magiques, dont la plus grande efficacité semble bien avoir été alors liée à la meilleure suggestion de la forme animale " représentée ". Il convient tout au moins de souligner quelques-uns des aspects essentiels de cette histoire. Ainsi, la couleur des peintres à travers les siècles apparaît-elle comme le résultat d'une série de rapports des plus complexes, mais que l'on peut ramener néanmoins à celui, essentiel, qui s'est établi entre les moyens mis à sa disposition et divers impératifs fonctionnels ou personnels imposés à l'image figurée (compliqués souvent d'ambitions matérielles et visuelles nouvelles). Encore faut-il aussi tenir compte du hasard intervenu jusque dans la vision originelle du peintre, modifiée en cours d'exécution par l'effet imprévu de la rencontre d'une couleur, d'une tache même ; car la " couleur " d'ensemble de l'œuvre naît soit d'une élévation de " tension " générale des teintes (comme on a pu le voir pour le vermillon au Moyen Âge), soit d'une association subtile de tons très proches — par exemple une progression d'ocres jaunes jusqu'à un rouge ultime — ou de rapports entre les tons des dessous et ceux des dessus, comme on peut le voir en particulier dans la peinture de Venise au XVIe s.

   Ce que nous pourrions appeler les révolutions visuelles de la couleur en peinture, de l'Égypte à Rome, de l'art roman à celui de la Flandre au XVe s., du Naturalisme du XIXe s. à l'Impressionnisme, du Tachisme au " Minimal ", représente en effet des périodes qui ont été profondément marquées par la contrainte ou la proposition d'un matériau nouveau et qui ne joue pas nécessairement toujours dans le même sens. Ainsi, le simple rapport matériau-conception de l'image peinte (entendons par là l'ensemble de la surface colorée), dans le contexte des divers impératifs signalés, a-t-il entraîné une série d'interprétations différentes de la couleur selon le sens conféré à l'image (identification, signification magique ou sociale proprement dite, décoration), tout cela demeurant lié naturellement au rôle particulier de l'artiste, à son goût pour le faire, dans la mesure où ce dernier associe des visions nées de techniques différentes (effet coloré du vitrail par exemple, rapports de l'aquarelle et du lavis avec les techniques de l'huile).

   Le fait est apparu dès le Paléolithique avec les couleurs choisies pour identifier l'animal, mais aussi selon ce dont on disposait — ou selon ce qui nous en reste. Il faut également ajouter que certaines couleurs ont dû voir leur emploi consacré rituellement, comme dans la peinture égyptienne elle-même, où l'existence privilégiée de certains colorants — terres, pierres, sucs végétaux, os, corps carbonisés — a pu engendrer un type d'habitude visuelle dont la peinture d'image n'était qu'un aspect, à côté de celle utilisée par la sculpture, le mobilier ou l'écriture elle-même.

   L'histoire de la couleur, en effet, est non seulement celle du " tableau-image ", mais aussi celle d'un " environnement " coloré que l'histoire a bien du mal à reconsidérer. Il existe un va-et-vient entre l'objet peint — couleur dans l'espace —, le décor mural et l'image à signification narrative et magique, ce qui n'a pas été toujours bien établi. C'est d'ailleurs au cours de ces fortes périodes d'intégration des arts que la couleur a joué un rôle associatif des plus remarquables, comme il semble que cela risque de se produire de nouveau.

   Ce jeu matière-couleur, souligné dès l'époque gréco-romaine, va demeurer l'une des pratiques de l'évolution de la peinture occidentale et byzantine elle-même, comme on peut le voir dans certaines peintures murales du XIVe s. en Macédoine ou, en Yougoslavie, à l'église Saint-Pantéleimon de Nerezi (XIIe s.). Le phénomène s'affirme fréquemment, que l'on s'oriente vers un effet plus complexe de coloration ou vers une " animation " générale prédisposant aux jeux de la lumière et du relief. Sans doute convient-il de ne pas exagérer la portée de ces faits, mais ils existent au niveau de la sensibilité du peintre, qui les provoque d'ailleurs (dans la peinture de Cézanne, les parties raclées, reprises en légers dessus transparents, surtout après les années 1880). Aussi l'option entre l'aplat et l'empâtement constitue-t-elle un fait très important dans l'histoire de la peinture. D'autant que, selon les époques, les deux expressions techniques ont pu intervenir, successivement, comme marque d'un " style " ou, simultanément, comme preuve de l'individualisme acquis, entre autres aspects. La présence de la touche et de la tache même — cette matérialisation de la couleur — constitue donc un phénomène aussi important que la variété d'aspect d'un même rouge selon qu'il est apposé à la fresque, à l'aquarelle ou à l'huile. À plus forte raison, le pointillisme d'un Seurat, jouant à partir de mélanges par addition optique, est-il fort différent des petits taches d'un Bonnard ou de celles, mêlées aux coulées de peinture, d'un Pollock dans son " dripping ". Il suffit enfin de comparer une peinture à base de médium acrylique, qui conserve à celle-ci toute sa qualité, à une peinture à l'huile, même récente, pour découvrir que la matérialité de la peinture utilisée intervient d'une manière toute nouvelle dans l'effet de saturation des couleurs. Ainsi, éclairement, pigmentation et structure de la matière occupent-ils une place déterminante dans l'effet d'une couleur. Historiquement, cette recherche de la pureté et de l'intensité d'une teinte, comme celle de la variété infinie des rapports entre tons, constitue la base même du métier pictural, qui s'est encore souvent compliqué du fait de l'introduction du rapport " quantitatif " du clair et du sombre.