Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Bayeu (Francisco)

Peintre espagnol (Saragosse 1734  –Madrid 1795).

Abondante et diversifiée, son œuvre fait de lui l'une des figures dominantes du XVIIIe s. espagnol après son beau-frère Goya. Issu d'une famille noble d'Aragon, formé auprès du peintre bohémien Merclein, dont il devait épouser la fille Sebastiana, il fréquenta l'atelier de José Martínez Luzán, disciple de Giaquinto. Fortement influencé en 1753 par la fresque d'Antonio González Velázquez, disciple de Giaquinto, pour la basilique du Pilar, il obtint en 1758 avec la Tyrannie de Gérion (Madrid, Acad. royale de San Fernando) une pension de l'Académie pour étudier à Madrid sous la direction du peintre. Rentré à Saragosse en 1760, il travaille pour de nombreux édifices religieux (San Felipe y Santiago, chartreuse d'Aula Dei). Il y rencontre en 1763 Mengs, qui l'engage pour le seconder dans la réalisation des fresques du Palais royal de Madrid. De 1763 à sa mort, Bayeu ne cessa de participer aux décors des palais. Allégoriques ou mythologiques, ses fresques montrent une adhésion de plus en plus nette à l'académisme de Mengs (Chute des géants, 1764 ; Apollon protégeant les sciences, 1786, Palais royal, Madrid), plus lente à s'exprimer dans le domaine religieux (coupole de la chapelle de la Granja, v. 1772, détruite, esquisse au Prado, à Saragosse, à l'Hispanic Society de New York ; chapelle [1779] et surtout oratoire de la reine [1790] du palais d'Aranjuez, in situ). Le sommet de son art est représenté par deux ensembles religieux : à Saragosse, il participe au grand chantier du Pilar, d'abord avec les deux voûtes Regina Santorum et Regina Angelorum (v. 1776) puis, après avoir pris la direction du chantier et avoir évincé Goya (1780), avec les deux superbes coupoles de Regina Apostolorum et Regina Prophetarum, marquant un bel équilibre entre l'influence de Mengs et la persistance des tendances baroques, particulièrement perceptibles dans les esquisses colorées ou en grisaille. À Tolède, il fut chargé, avec Maella, de décorer le grand cloître de la cathédrale (de 1776 à 1784) : la perfection du dessin et du coloris, le juste équilibre entre baroque et classicisme de scènes comme la Mort de sainte Casilde font oublier son échec dans sa participation à la décoration de San Francisco el Grande (Madrid). Peintre de la chambre du roi en 1765, chargé de la conservation de la collection royale, il est nommé directeur de peinture de l'Académie San Fernando en 1788 puis directeur général en 1795, peu avant sa mort. Quoiqu'il ait peu développé ce genre, quelques portraits (Sebastiana Merclein, Feliciana Bayeu, musées de Saragosse et du Prado) témoignent de sa sensibilité, masquée souvent par un caractère autoritaire qui détériora ses relations avec Goya.

Bayeu (Manuel)

Peintre espagnol (Saragosse 1740  –chartreuse de Las Fuentes, près de Sariñena, 1809).

Comme ses frères, il étudia auprès de Merclein et de José Luzán qui fut le premier maître de Goya mais, dès 1757, entra à la chartreuse d'Aula Dei (Saragosse), où peignit Francisco. La majeure partie de sa vie se passa à la chartreuse de Las Fuentes.

   Fidèle, à la différence de ses frères, au baroque de sa formation, il peignit abondamment pour les églises et les édifices religieux d'Aragon : toiles pour l'église San Gil de Saragosse, v. 1780, décor à fresque pour le sanctuaire de la cathédrale de Huesca, v. 1791-92, et surtout les 17 toiles de la Vie de saint Bruno pour son monastère, où il retrouvait la vigueur des peintres espagnols du XVIIe s. (en mauvais état au musée de Huesca), et les décors à fresque des monastères de Sijena (avec des portraits, détruits en 1936) et de la chartreuse de Valldemosa à Majorque (v. 1806) avec les toiles du Via Crucis de l'ermitage attenant (in situ). De cette époque date une intéressante correspondance échangée par l'artiste avec le philosophe Jovellanos, alors enfermé à Bellver.

Bayeu (Ramón)

Peintre espagnol (Saragosse 1746  –Aranjuez 1793).

Comme son frère aîné, il étudia à Saragosse dans les ateliers de Merclein et de Luzán. Lorsque Francisco commença à travailler à Madrid avec Mengs (1763), il fit venir Ramón, qui entra à l'Académie de San Fernando, dont il devait obtenir le premier prix en 1766, devant Goya. Sa carrière, prometteuse au départ mais finalement assez terne — il ne fut nommé peintre du Palais qu'en 1791 — suivit, dans l'ombre de son frère, deux directions. D'une part, il l'assista fréquemment, dès 1766, au Palais royal de Madrid puis, en 1781, sur le chantier du Pilar à Saragosse, où il remplaça Goya et décora deux coupoles, Regina Virginum et Virgina Confessorum, Regina Patriarcharum, travaillant aussi avec Goya en 1787, avec trois toiles pour Santa Ana de Valladolid (in situ) puis à Valdemoro (1790). D'autre part, et c'est l'aspect le plus caractéristique de son talent, il se spécialisa dans la réalisation de cartons de tapisserie pour la manufacture Santa Barbara, où il travaillait dès 1765. Avec Goya, Castillo et d'autres, il produisit plus de cent cartons dans les années 1776-1780 et, comme son beau-frère, fut nommé peintre officiel de la manufacture en 1786. À partir d'esquisses conçues par lui (Treize Esquisses montées ensemble, Prado) ou par son frère (El Paseo de Las Delicias, carton au Musée municipal, Madrid), il réalisa des œuvres vives, lumineuses où l'atmosphère joue un grand rôle (la Cuisine, Real Fabrica de Tapices, Majos dansant, Instituto Valencia de Don Juan, Madrid). Il fit aussi un certain nombre de peintures religieuses dont 6 toiles commandées par Charles III pour l'église de Tres Casas (1786, près Ségovie) et pratiqua la gravure chalcographique.

Bazaine (Jean)

Peintre français (Paris 1904-Clamart 2001).

Licencié ès lettres, il entre à l'École des beaux-arts dans l'atelier de Landowski pour étudier la sculpture, qu'il pratiquait depuis son enfance, mais il commence aussi à peindre et se consacre entièrement à la peinture dès 1924. Il participe au Salon d'automne à partir de 1931 et fait sa première exposition particulière en 1932. Bonnard la visite et l'encourage. Il s'écarte bientôt de la transcription naturaliste, mais maintient le contact avec la réalité pour atteindre à une intériorisation de ses sensations. Pendant la guerre, afin de regrouper les peintres de sa génération, il participe à l'organisation de la première exposition " d'avant-garde " sous l'Occupation. Cette exposition-manifeste devait se tenir à la gal. Braun en mai 1941, sous le titre volontairement frondeur de " Vingt Jeunes Peintres de tradition française ". La même année, il expose à la gal. Jeanne Bucher et ensuite, de 1942 à 1948, à la gal. Louis Carré, en compagnie principalement de Lapicque (1898), d'Estève et de Jacques Villon. Entre-temps, Bazaine avait affirmé sa démarche picturale et développé les caractères d'une non-figuration mettant en évidence les grands signes essentiels de la nature et ses structures intérieures dans de vastes compositions rythmiques (Vent de mer, 1949, Paris, M. N. A. M. ; Orage au jardin, 1952, Eindhoven, Van Abbemuseum ; la Terre et le Ciel, 1950, Saint-Paul-de-Vence, fondation Maeght ; Dans l'arbre ténébreux, 1962, Oslo, Sonja Henie-Niels Onstad Foundations). Cette tendance non figurative est fondamentalement différente du principe de l'Art abstrait, dont Bazaine a fait le procès dans ses Notes sur la peinture d'aujourd'hui, publiées à Paris en 1948. Soucieux de perfection, Bazaine élabore lentement chacune de ses peintures, que précèdent souvent de nombreux dessins et des notations de valeurs colorées. Il a réalisé d'importantes compositions monumentales, qui, à l'exception de la grande mosaïque du bâtiment de l'Unesco à Paris, terminée en 1960, et de celles du paquebot France (1961) et de la Maison de la radio (1963), ont enrichi le domaine de l'art sacré : vitraux pour l'église d'Assy (1943-1947), mosaïque de la façade (1951) et vitraux (1954) de l'église d'Audincourt, pour l'église de Villeparisis, pour un centre d'accueil à Noisy-le-Grand (1958) et pour l'église Saint-Séverin à Paris (1965-1969). En 1965, le M. N. A. M. lui a consacré une rétrospective. Son travail à Saint-Guénolé (Finistère) a donné à Bazaine les moyens d'une organisation plus libre entre les formes et la lumière. Bazaine a aussi conçu pour la tapisserie, en 1975, ses Blasons des douze mois. Le centre Pompidou lui a consacré une exposition en 1990 et le musée de Fribourg (Suisse) en 1996.

   Bazaine a réalisé des cartons pour les vitraux du chœur de la cathédrale de Saint-Dié ; ce travail à peine achevé a été suivi par un décor en lave émaillée au palais du Luxembourg et à la station du métro Cluny-La Sorbonne (1983-1988). Ses écrits depuis 1938, le Temps de la peinture, ont été publiés en 1990. Bazaine a entrepris de nouveaux travaux avec des papiers découpés (Plongeurs au couchant, 1993).