Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

vérisme

École littéraire et artistique italienne axée sur la représentation de la réalité quotidienne et des problèmes sociaux. Le Vérisme, en littérature, issu du naturalisme français, anticipa, dans les trente dernières années du XIXe s., nombre de postulats du Néo-Réalisme. Son originalité la plus évidente est d'avoir élargi au-delà du milieu de prédilection du roman naturaliste —la grande ville industrielle— la représentation de l'aliénation populaire. Si le Vérisme a été un mouvement " sudiste ", par l'origine de ses artistes et le décor de ses œuvres, c'est à Milan et, secondairement, à Turin que ces œuvres ont été conçues et lancées. Il s'est exprimé essentiellement dans les romans et nouvelles de G. Verga, L. Capuana et F. De Roberto, dont les transpositions lyriques et théâtrales assurèrent la popularité. Le nom s'étendit notamment, par analogie, à l'école musicale qui se développa en Italie à la même époque, en donnant des opéras à tendance réaliste (Leoncavallo avec Paillasse, Mascagni avec Cavalleria rusticana).

   En peinture, vers la moitié du siècle, avec le déclin du paysagisme lyrique, s'impose un Vérisme en partie inspiré par l'école de Barbizon et qu'illustrent les frères F. et G. Palizzi. Il faut citer la tentative isolée d'une vision naturelle, plus nette et lumineuse chez les artistes (M. De Gregorio, F. De Nittis) de l'école de Resina. En même temps, d'autres artistes, sur l'exemple du peintre espagnol Fortuny, se consacrent avec succès à vêtir de faciles effets picturaux et d'un Vérisme spectaculaire les vieux thèmes romantiques (D. Morelli). Vers les dernières décennies du siècle, le Vérisme méridional se colore de références à l'anecdote contemporaine et d'une veine intimiste, et continue à payer son tribut au prestige de Morelli (Cammarano, Toma, Michetti, Mancini). Aussi bien le Réalisme qu'un certain glissement vers des effets brillants et superficiels se répercutent à Venise, en marquant l'évolution de G. Favretto.

Verjux (Michel)

Artiste français (Chalon-sur-Saône 1956).

Étudiant à l'École des beaux-arts de Dijon, il s'intéresse tout d'abord à la performance (1980-1983) et utilise alors pour la première fois un projecteur de diapositives. Dès 1983, il remplace la projection par l'éclairage projeté sur un mur écran et intercepté par des objets (Huit Tables/carrelages, 1983). En 1984, les objets deviennent des supports de lumière réunissant l'éclairage, sa source, sa projection, pour désigner l'espace où il se trouve (Portes, 1984-85 ; Vitrine, 1985). Puis, pour éliminer les effets anecdotiques et distrayants, il supprime, en 1986, les intermédiaires. Restent le mur écran surexposé et l'éclairage lié à l'espace réel. Il précise alors ses formes au moyen de cadrages découpés de lumière (Passage, 1987) puis de cercles de lumière blanche qui révèlent le dispositif de l'espace (Poursuite au mur fragmentée sur deux plans, 1989 ; Deux Poursuites fragmentées, 1990). Ainsi, la lumière superposée au mur montre l'acte d'exposer et devient elle-même œuvre d'art. Le travail de l'artiste comme démarche abstraite, intervention concrète et expression esthétique est proche de Toroni et d'Anselmo. Il expose à la Maison de la culture de Chalon-sur-Saône (1983), au M. N. A. M. de Paris (1987), au Consortium de Dijon (1989), à la gal. Durand-Dessert à Paris (1990) ainsi qu'à la villa Arson de Nice en 1991.

Verkade (Jan)

Peintre néerlandais (Zaandam 1868  – Beuron 1946).

À Paris en 1891, il fréquenta le groupe des Nabis. Surnommé le " Nabi obéliscal ", il se lia avec Sérusier, dont il partagea les curiosités mystiques et les théories synthétistes (Cour de ferme au Pouldu, 1890-1894). Converti au catholicisme en 1892, il s'attacha à la mystique et à l'esthétique archaïsante du père Didier Lenz, entra au monastère bénédictin de Beuron (1894) et se consacra désormais à des décorations anonymes pour les monastères du mont Cassin, de Vienne et de Jérusalem. Il écrivit en 1920 le Tourment de Dieu, qui est un témoignage capital sur cette époque.

Verkolje (Jan) , dit le Vieux
ou Jan Verkolye, dit le Vieux

Peintre et graveur néerlandais (Amsterdam 1650 – Delft 1693).

Fils d'un serrurier, élève de Jan Lievens, il s'établit en 1672 à Delft, où il fut inscrit à la gilde de Saint-Luc en 1673. Il peignit surtout des portraits dans le style de Netscher et sa grande habileté technique assura son succès dans le genre (Guillaume III, Marie Stuart, femme de Guillaume III, Haarlem, musée Frans Hals ; Portrait d'homme, la Famille Vredenburch, 1683, musée d'Utrecht ; le Chasseur, Rotterdam, B. V. B.) et quelques scènes de genre et sujets mythologiques dans un style froid et sans accent qui rappelle celui de Ter Borch (Scène d'intérieur, 1675, Louvre). Il eut de nombreux élèves dont Willem Verschuring.

 
Il fut le père de Jan, dit le Jeune (mort av. 1763) , qui peignit et grava à la manière noire, et de Nicolaes (Delft 1673 – Amsterdam 1746) , peintre et graveur, établi à Amsterdam en 1700, qui continua la manière fine de son père (Johanna Magteld Van Bredehoff, 1722, musée d'Utrecht) et exécuta aussi des scènes d'histoire, proches de Van der Werff (Proserpine et ses compagnes cueillant des fleurs dans la prairie d'Enna, Louvre). La Toilette de l'amour (musée de Carcassonne) donne une bonne idée de la manière dont il traite l'histoire, rapprochant celle-ci de la scène de genre, mais dans un style étonnant pour l'époque, par la sobriété qui annonce même le Néo-Classicisme de la fin du siècle.

Vermeer (Johannes) , dit Vermeer de Delft
ou Jan Vermeer, dit Vermeer de Delft

Peintre néerlandais (Delft 1632  – id. 1675).

La découverte de Vermeer

Si étonnant que cela puisse paraître, ce n'est qu'au XIXe s. que Vermeer de Delft fut reconnu comme un grand maître de la peinture hollandaise. En effet, tandis qu'un Ter Borch, un Jan Steen, un Jacob Ruisdael jouissaient déjà d'une haute estime (durant les siècles précédents), l'astre Vermeer brille au firmament de la culture picturale européenne seulement depuis peu de temps. Bien que les biographes d'artistes aux Pays-Bas l'aient négligé complètement, il convient cependant de noter que maintes voix élogieuses à son égard se firent entendre déjà au cours du XVIIIe s., notamment celle de l'expert qu'était J.-B. Lebrun et surtout celle de Sir Joshua Reynolds un des artistes les plus importants de l'école anglaise. Néanmoins, " découvert " dans toute l'acception du mot, le " Sphinx delftois " ne le fut qu'au siècle dernier : l'attention d'écrivains et de critiques d'art — dont Théophile Gautier ainsi que les frères Goncourt — se porta sur lui ; puis, finalement, Thoré-Bürger, ce connaisseur au goût particulièrement fin pour son époque, publia en 1866 ses études sur Vermeer. Gardons-nous toutefois de surestimer la portée réelle de ces essais, qui, en particulier, n'influencèrent en rien Eugène Fromentin.

   En revanche, quelques peintres, parmi lesquels François Bonvin et Pissarro, furent profondément impressionnés par Vermeer. Il faudra pourtant attendre le début de notre siècle pour que soient accueillis avec enthousiasme, aux Pays-Bas comme en Allemagne, le langage des formes du peintre, la quiétude poétique de son microcosme, le caractère unique de sa palette et de son " pointillisme ".

   Dans les années suivantes, il revint à des poètes et écrivains français de propager la gloire de l'artiste et sans doute, en premier lieu, à Marcel Proust. Vermeer n'est-il pas le sujet des études de Swann, et Bergotte, dans la Prisonnière, n'est-il pas fasciné par " le petit pan du mur jaune " de la Vue de Delft au point d'être frappé d'une crise cardiaque et d'en mourir ?

La vie et les origines artistiques de Vermeer

On connaît peu de chose de la vie de Vermeer, dont le père était aubergiste et pratiquait le commerce de tableaux. On sait pourtant que Vermeer se maria et eut dix enfants, mais il ne semble pas qu'il ait retenu les traits de ceux-ci sur ses tableaux. Nous sommes surtout informés de ses embarras pécuniaires, qui allaient s'aggraver à la fin de sa vie à tel point qu'il lui fallut renoncer à ses activités de marchand de tableaux. Sa veuve ne put s'acquitter des dettes contractées chez le boulanger qu'en lui cédant deux peintures, tandis qu'une autre, l'Atelier du peintre, entra en possession de la belle-mère de l'artiste.

   On est surpris d'apprendre qu'un voyageur distingué, le Français Balthazar de Monconys, rendant visite à Vermeer en 1663 et ne trouvant aucune toile de lui dans son atelier, dut aller en chercher une chez le boulanger. Détail paradoxal : une vingtaine d'années après la mort de Vermeer (1696), la majeure partie de son œuvre — 21 tableaux — fut mise en vente aux enchères publiques. Peut-être s'agissait-il là en grande partie de la collection de toiles que, du vivant de l'artiste, un certain imprimeur de Delft, Dissius, avait réunie.

   Admis, très jeune encore (en 1653), comme " maître " au sein de la gilde de Saint-Luc de Delft, il fut ultérieurement élu membre du directoire de celle-ci, dont par deux fois, il fut président. Nous possédons des indications précieuses concernant sa formation artistique grâce à un quatrain composé en 1654 par l'imprimeur Arnold Bon à l'occasion de la mort de Carel Fabritius, victime de l'explosion de la poudrière de Delft, où il désigne en quelque sorte Vermeer comme l'héritier de C. Fabritius, disciple le plus génial de Rembrandt et prématurément disparu. L'art lyrique de Fabritius, et sa palette, plus claire que celle de Rembrandt, autant que nous puissions en juger, dénotent une affinité élective avec ceux de Vermeer, affinité confirmée par le fait que celui-ci possédait divers tableaux de Fabritius. Hormis lui, Delft comptait vers le milieu du XVIIe s. plusieurs peintres d'intérieurs d'églises préoccupés par les mêmes problèmes de lumière et d'espace. Le climat général de la peinture delftoise de cette époque était donc particulièrement propice à la genèse et à l'épanouissement de la vision de Vermeer.