Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

croix peintes

Les croix peintes apparurent en Italie dans la première moitié du XIIe s. et se répandirent jusqu'à la fin du XVe s., principalement dans les régions centrales.

   Les croix portatives de petit format, avec ou sans reliques, étaient destinées, pour la plupart, à des chapelles ou à des cellules monastiques. Les grands crucifix d'iconostases, d'autels ou suspendus à la voûte sont liés, au contraire, au nouvel espace architectonique adopté dans l'église romane ; les nefs gothiques des premières églises franciscaines, dominicaines ou augustines offrirent un espace encore plus vaste. Les crucifix sculptés, de bronze ou de bois, les tableaux d'autel historiés représentant la Crucifixion, également en métal ou en bois peint, semblent antérieurs aux croix peintes. Ainsi, le Crucifix en métal du tombeau de l'archevêque Ariberto (Milan, Dôme), exécuté entre 1018 et 1045, peut être considéré (aussi bien en tant qu'objet que du point de vue iconographique) comme l'une des œuvres qui devaient, transposées en peinture, servir de modèle aux futurs Crucifix peints des autels et des iconostases. La fonction des Crucifix peints est claire. Si les cycles de fresques couvrant entièrement les parois de la nef assumaient un double rôle, décoratif et narratif, si les paliotti et devants d'autel réclamaient d'être vus de près, les grandes représentations du Christ en croix, dressées dans les chœurs et face aux entrées, devaient évidemment susciter plus directement l'émotion des fidèles en dressant devant eux l'apparition d'un memento Christi particulièrement saisissant. C'est ce qui explique les grandes dimensions de ces croix. Elles ont souvent plus de 3 m de haut au XIIe s. et deviendront de plus en plus gigantesques pour atteindre jusqu'à 5,75 m (Croix de S. Francesco à Arezzo) et 5,78 m (Croix de Giotto, S. Maria Novella de Florence).

   E. B. Garrison distingue cinq sortes de croix peintes, différenciées par leurs formes et leur iconographie et dans lesquelles on peut parfois retrouver l'influence d'un artiste ou d'un courant artistique : les croix de forme simple, sans " tabellone ", inspirées des plus anciennes croix pectorales et processionnelles ; les croix avec le " tabellone " portant les personnages principaux de la Crucifixion (l'Ascension est également représentée dans la partie supérieure ; ce genre de croix est très répandu en Ombrie, où l'on trouve le plus ancien exemple daté [Croix d'Alberto, 1187, Spolète, Dôme]) ; les croix avec le " tabellone ", dont la partie inférieure se termine souvent en forme de calice, portant les personnages de la Crucifixion et des scènes (c'est le type lucquois ; la croix datée la plus ancienne de ce type est celle de Guglielmo [1138, Sarzana, Dôme]) ; les croix avec le " tabellone " portant des scènes, sans les figures en pied de la Crucifixion (ce type est répandu en Toscane et principalement à Pise [exemples au musée de Pise]) ; les croix avec le " tabellone " décoré, mais sans figures ni scènes, les extrémités des bras de la croix portant les images de Marie et de saint Jean (l'exemple le plus ancien en est la Croix de S. Maria degli Angeli, à Assise, signée par Giunta Pisano, considéré comme le créateur de ce genre de croix, qui se répandit ensuite en Ombrie et surtout en Toscane [Coppo di Marcovaldo, Cimabue, Giotto]).

   L'évolution chronologique de ces croix est difficile à établir, car il est probable que plusieurs genres aient pu coexister. L'évolution iconographique, plus évidente, laisse supposer un processus de simplification. La croix de Sarzana, l'une des plus anciennes croix peintes (1138), présente une remarquable richesse décorative dans son ensemble, tandis que la croix de Giunta Pisano (Bologne, S. Domenico), qui eut un grand succès au XIVe s., limite le nombre des personnages. D'autre part, on doit tenir compte des modifications possibles survenues dans la réalisation et dans la destination des différents types locaux. Destinées à être vues de près, les croix d'autel narraient de nombreux épisodes dans leur " tabellone ". Au contraire, les croix placées plus haut et plus loin ne représentaient presque exclusivement que des grandes figures du Christ, que tous les fidèles pouvaient voir. L'antériorité d'un genre de croix sur un autre ne peut donc être déterminée. Et, si la représentation du Christ vivant, très répandue dans l'art roman, est plus ancienne que celle du Christ mort, dérivée de la tradition byzantine, on retrouve cependant trace de cette dernière dans la croix du tombeau de l'archevêque Aribert (1re moitié du XIe s.).

Crome (John)

Peintre britannique (Norwich, comté de Norfolk, 1768  – id. 1821).

Il joua un rôle capital dans le développement de l'école de Norwich, dont il demeura le membre le plus important. Apprenti chez un peintre d'enseignes, il semble s'être formé seul en faisant des copies de paysages hollandais ou anglais appartenant aux collections locales, notamment celle de Thomas Harvey, son protecteur. En 1792, il devient professeur de dessin dans une famille de la région et l'accompagne lors de plusieurs voyages dans le Lake District et le Derbyshire. En 1803, il est membre fondateur de la " Norwich Society of Artists ", dont il devient président en 1808. Crome se rendit à Paris en 1814 pour voir le musée Napoléon. Il voyagea par ailleurs fort peu, pour l'essentiel en Angleterre et dans le pays de Galles.

   Bien que difficile à suivre dans le détail, son développement artistique se fait lentement et reste sous la dépendance étroite de ses prédécesseurs. L'influence des maîtres anglais, comme Wilson et Gainsborough, semble dominer ses premières œuvres (Carrières d'ardoise, v. 1802-1805, Londres, Tate Gal.), mais d'autres, comme le Four à chaux (v. 1805, coll. part.), marquent son intérêt pour les modèles néerlandais. Dans ses paysages du Norfolk natal, il essaie souvent de retrouver la lumière qui règne dans les tableaux d'Hobbema et de Ruisdael : Bois de Marlingford (1815, Port Sunlight, Lady Lever Art Gal.), Port de Yarmouth (av. 1812, Londres, Tate Gal.) ; cependant, à la fin de sa vie, il parvient à une maîtrise et à une conception de l'atmosphère qui lui sont propres, comme dans le Chêne de Pozingland (v. 1818-1820, id.). Ce fut un artiste inégal, mais dont les meilleures œuvres sont de très haute qualité. Son travail comme graveur est par ailleurs loin d'être négligeable ; comme aquafortiste il anticipe en effet nettement le renouveau de l'eau-forte de la seconde moitié du siècle. Il est bien représenté à Londres (N. G. ; Tate Gal. ; V. A. M. et au musée de Norwich (Boulevard des Italiens à Paris, 1814).