Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Key (Willem)

Peintre flamand (Breda v. 1520  –Anvers  1568).

Auteur de tableaux religieux et mythologiques, il est aussi l'un des rénovateurs du portrait en Flandre, ouvrant la voie à son neveu Adriaen Thomasz.

   Lorsque son père, peintre à Breda, vint s'établir à Anvers, il l'y suivit, et on le trouve inscrit en 1529 comme apprenti de Pieter Coecke sous le nom de " Willem Van Breda ". Il aurait été le condisciple de Frans Floris chez Lambert Lombard à Liège v. 1540, et la présence de sculpture antique dans des œuvres comme Suzanne et les vieillards (1546, Pommersfelden, coll. du comte Schönborn), marqué d'une influence romaniste, peut le laisser supposer. Il est franc maître à Anvers en 1542 et acquiert une grande réputation comme portraitiste (Portrait d'homme, 1543, musée d'Anvers ; Portrait de femme, id. et musées de Berlin). Frappé par le portrait qu'il peignit du cardinal de Granvelle, le duc d'Albe lui commande son propre portrait en 1568 (Madrid, coll. duc d'Albe). La sentence de mort des comtes d'Egmont et de Hornes, signée devant le peintre au cours d'une séance de pose à Bruxelles, l'émut au point, dit-on, qu'il en mourut quelques jours plus tard. La plupart des œuvres de Key furent détruites en 1581 par les iconoclastes. Celles qui nous restent, la Pietà de 1553 (autrefois à Unkel, Rhénanie, coll. Henkel) ou la Cène (musée de Dordrecht), révèlent un art volontiers archaïsant, marqué par les compositions de Q. Metsys mais visiblement séduit par le style de Fr. Floris, et attestent un souci de vérité et de fidélité aux physionomies, qui est plus particulièrement manifeste dans les portraits.

 
Adriaan Thomaszoon (Anvers v. 1544 – id. v. 1589) s'inscrivit à la gilde d'Anvers comme apprenti en 1558 et comme maître en 1568. Ses portraits datés s'échelonnent de 1572 à 1583. Témoignant toujours d'une minutieuse objectivité, il reprend les formules d'Antonio Moro et de Frans Pourbus (le Chevalier Jean de Mauregnault, Anvers, musée Mayer Van den Bergh ; Portrait d'homme, 1580, Bruxelles, M. R. B. A.), mais il assouplit son style dans ses meilleures œuvres : les Portraits d'hommes de Vienne (1572, K. M.) et de Munich (1576, Alte Pin.), l'Homme au verre de vin de Brunswick (Herzog Anton Ulrich-Museum), la Famille de Smidt du musée d'Anvers (1575).

Keyser (Thomas de)

Peintre néerlandais (Amsterdam 1596/97  – id.  1667).

Fils de l'architecte et sculpteur Hendrick de Keyser (1565-1621), il fut son élève pendant deux ans à partir de 1616. Il entre dans la gilde des tailleurs de pierre d'Amsterdam et ne peint que par exception jusqu'en 1654, date à laquelle il cède son commerce de basalte, mais, en 1662, Thomas de Keyser acquiert la charge d'architecte et d'entrepreneur de la Ville.

   Ses plus anciennes œuvres datées sont déjà des portraits (Portrait d'une jeune fille, 1619, coll. Thoré au XIXe s. ; Leçon d'anatomie du Dr Egbertz, 1619, Rijksmuseum), et c'est à eux qu'il dut sa renommée. Il n'exécuta que de très rares tableaux religieux, d'un sentiment monumental et digne, comme la Vierge et son pendant, un Saint Jean (1630, Amsterdam, musée Amstelkring), et divers tableaux de genre raffinés dans la manière de Palamedes et de Pieter de Codde (la Leçon de musique, musée de Rouen).

   À l'origine de son art se trouve le très actif milieu des portraitistes d'Amsterdam, tels que Cornelis Van der Voort, dont les Régents (1618, Rijksmuseum) ont visiblement marqué le jeune Keyser, Elias Pickenoy, si raffiné dans son usage des blancs et des noirs, Cornelis Ketel ou même Aert Pietersz. Plus encore que dans le portrait collectif (Quatre Membres de la corporation des orfèvres d'Amsterdam, 1627, Toledo, Ohio, Museum of Art ; la Compagnie du capitaine Cloeck, Rijkmuseum), c'est dans l'effigie isolée, souvent traitée en pied, de face et en petit format, avec un raffinement inégalé dans le rendu des étoffes luisantes, que Thomas de Keyser, non sans avoir visiblement retenu la leçon d'un Frans Hals, connaît ses plus belles réussites. Sur le plan du portrait, ces œuvres se laissent facilement comparer avec les tableaux de conversation alors à la mode (Codde, Duck, Duyster), et, parmi les meilleures, l'on comptera le Portrait d'homme du Louvre de 1632 et son pendant daté 1626, un Portrait de femme (musée de Berlin), Constantin Huyghens avec son secrétaire (1627, Londres, N. G.), le Portrait d'homme du musée de Genève (1634), Hendrick Verburg et sa femme du musée de Saint-Omer (1628), le Portrait de Loef Vrederiex (1626, Mauritshuis). On s'explique le vif succès du peintre auprès de la haute bourgeoisie d'Amsterdam comme son influence sur le jeune Rembrandt arrivant dans cette ville en 1631 et qui rencontre chez Keyser la formule parfaitement mise au point du grand portrait d'apparat à la fois opulent et réservé, éloquent et austère, voué aux seules richesses du clair-obscur et des harmonies majeures du noir et du blanc. Après 1640, conséquence de son changement de profession, ses tableaux deviennent plus rares sans toutefois qu'il ait cessé complètement de peindre. Le Portrait de famille (1640, Cologne, W. R. M.) témoigne en fait d'un métier non seulement toujours aussi fin, mais assez souple pour annoncer déjà l'art d'un Ter Borch.

   Un très intéressant développement est apporté à cet égard par les tableaux équestres des dernières années, qui forment dans l'œuvre de Thomas de Keyser un groupe exceptionnel plus coloré et exploitant une lumière plus douce et plus claire attestant l'heureuse adaptation du peintre aux changements du goût.

   L'artiste est représenté aux musées de Budapest, Kassel, Cologne (W. R. M.), Tarbes (Portrait de femme, pendant d'un Portrait d'homme de 1631 au musée de Richmond, Virginie), Francfort (Städel. Inst.), Worms, La Haye (musée Bredius), au Metropolitan Museum et surtout à Amsterdam, au Rijksmuseum (Portrait équestre de Pieter Schout, 1660, avec un paysage d'Adriaen Van de Velde).

Khnopff (Fernand)

Peintre belge (Grembergen-lez-Termonde 1858  – Bruxelles  1921).

Appartenant à une famille patricienne originaire de Heidelberg (son père était conseiller à la cour d'appel et son frère poète), et après une enfance mélancolique à Bruges, il interrompit ses études de droit et suivit à l'Académie de Bruxelles les cours de Mellery, puis à Paris (1877) ceux de G. Moreau et de J. Lefebvre. Il fut le premier adepte belge du Sâr Péladan ; anglophile, ami de Burne-Jones, influencé par les préraphaélites, il collabora à partir de 1894 à la revue Studio.

   Lié avec les poètes symbolistes, il devint l'un des chefs de file du Symbolisme en Belgique et cofondateur en 1884 des XX ; l'intimisme de ses débuts (En écoutant du Schumann, 1883, Bruxelles, M. R. B. A.) fit place à un art d'inspiration allégorique et littéraire, d'une distinction délicate et froide (Des Caresses, ou l'Art ou le Sphinx, 1896, id. ; la Méduse endormie, 1896, pastel, coll. part.). Il participe au premier Salon de la Rose-Croix à Paris en 1892 et le Sâr Peladan le loue avec emphase, le déclarant l'égal de Gustave Moreau. La perfection du dessin réaliste comme la rigueur de la mise en page ajoutent à l'ambiguïté des symboles : sa sœur lui servit souvent de modèle et incarnait son type féminin préféré (Portrait de la sœur de l'artiste, 1887 ; la Ville abandonnée, 1904, dessin, Bruxelles, M. R. B. A.). Il a ailleurs utilisé la photo, et le réel le moins transposé se heurte alors à une impossible connaissance (les sept jeunes femmes de Memories, pastel, 1889, id.). Khnopff partage avec d'autres symbolistes une conception ambivalente de la femme, créature céleste ou sphinx. Décorateur, l'artiste exécutera également des maquettes pour le théâtre de la Monnaie et dessina en 1900 les plans de sa maison, véritable temple voué au culte narcissique et pessimiste de la solitude. Le musée d'Orsay conserve un portrait (Marie Mommon, 1887). On doit aussi à l'artiste quelques sculptures.