Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Le Fauconnier (Henri)

Peintre français (Hesdin, Pas-de-Calais, 1881  – Paris 1946).

Il est en novembre 1900 à Paris, fréquente un moment l'atelier de J.-P. Laurens, puis l'académie Julian, où il rencontre Segonzac et La Fresnaye, et expose au Salon des indépendants en 1905. Il peint en Bretagne, à Ploumanach (1907-1909), des paysages fortement construits, aux harmonies sourdes (Bruxelles et Amsterdam, coll. part.). En 1908, il est proche du groupe de l'abbaye de Créteil, influencé par le Surréalisme et l'anarchisme, qui compte parmi ses membres Marinetti, Charles Vildrac et Pierre Jean Jouve, dont il peint le portrait (Salon d'automne, 1909, Paris, M. N. A. M.), qui impressionne vivement Albert Gleizes. À partir de grandes études de nus (Femme au miroir, 1909, La Haye, Gemeentemuseum), il inaugure une manière de Cubisme assez justement qualifiée de " physique " par Apollinaire et qui ne dépassera guère l'analyse fragmentaire des volumes (l'Abondance, 1910, exposée aux Indépendants de 1911, id.). En 1911, l'élaboration plus complexe du Chasseur (Indépendants, 1912, id .) révèle un net intérêt pour le Futurisme. Le Fauconnier est alors étroitement mêlé à l'avant-garde artistique et bénéficie d'une grande notoriété à Montparnasse, surtout auprès de Gleizes et de Metzinger. À partir de 1908, il expose régulièrement dans les groupes d'avant-garde en Russie : aux expositions de la Toison d'or en 1908 et 1909, à la première exposition du Valet de carreau en 1910. La même année, il participe à la deuxième exposition de la " Neue Kunstlervereinigung " à Munich, pour laquelle il rédige une introduction qui, en suggérant que le Cubisme est un pas vers un art plus spirituel, marque une avancée vers l'Expressionnisme. En 1912, il est avec Léger et Mondrian l'un des membres du Moderne Kunstkring d'Amsterdam, dont les expositions favorisent la connaissance de l'art contemporain en Hollande : il rédige une préface : " la Sensibilité moderne et le tableau ". Durant la Première Guerre mondiale, il est en étroite relation tant avec des artistes hollandais — Léo Gestel, Jean Sluyters, Piet Mondrian — qu'avec le groupe des artistes belges réfugiés : Gustav De Smet, Fritz Van der Berghe et André de Ridder. La vaste composition des Montagnards attaqués par les ours (Salon d'automne 1912), qui entraîna une interpellation à la Chambre des députés, accuse une tendance à l'expression qui ira croissant. En Hollande, pendant la guerre, l'artiste exécute en 1915 le Signal (disparu, autref. en Russie), sorte de manifeste d'un Expressionnisme de caractère social qui anticipe sur celui de l'après-guerre, mais dont la facture large et empâtée, avec de forts contrastes colorés, ne doit plus rien au Cubisme. En dépit des contacts de Le Fauconnier avec les Hollandais Toorop et Sluyters, les Belges De Smet et Van der Berghe, cette phase fut aussi courte que celle du Cubisme et évolua vers un onirisme symbolique original, révélateur, néanmoins, d'une difficulté flagrante d'adaptation à l'art et au monde actuels (le Songe du vagabond et le Rêve du fumeur, 1917, Amsterdam, Stedelijk Museum). Dès 1918, trop sensible à la leçon des intimistes hollandais, l'artiste revient en effet à une réalité de moins en moins transposée (études de nus à l'aquarelle, tableaux d'intérieurs). Installé de nouveau à Paris en 1921, Le Fauconnier ne participe plus à la vie artistique et ne s'intègre pas même au courant réaliste représenté par Segonzac, Moreau et Boussingault. Le meilleur de son œuvre, très oubliée en France, est conservé dans les musées d'Amsterdam (Stedelijk Museum), de La Haye (Gemeentemuseum). Pourtant, le musée de Brest possède deux paysages, le musée des Sables-d'Olonne le Portrait du poète Paul Castiaux (1910), le musée de Lyon une figure datant de 1908, Enfant breton, et le musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg le Lac de 1911.

Le Gac (Jean)

Artiste français (Tamaris, près d'Alès, Gard, 1936).

S'étant engagé dans la carrière de professeur de dessin, qu'il poursuit encore, et peu satisfait de ses propres créations, Jean Le Gac abandonne en 1968 l'idée de devenir artiste. Dans le même temps, il commence l'élaboration d'une forme d'expression différente qui va bientôt se révéler en réaction contre les tendances qui se manifestent en France à cette époque : Lumino-Cinétisme et art technologique, peinture abstraite, figuration narrative ou Nouveau Réalisme. Jean Le Gac va chercher davantage ses modèles dans le domaine des sciences humaines, être marqué par la littérature, celle de Raymond Roussel et du roman-photo, de Harry Dickson et de Henry James et puiser son inspiration dans sa vie personnelle. Sa démarche peut être rapprochée de celle de Christian Boltanski, qu'il connaît depuis 1966 et avec qui il a réalisé un certain nombre d'interventions (Promenades, Envois postaux, expositions en commun). Sa première création, intitulée les Cahiers (Aix-la-Chapelle, coll. Ludwig, et Dijon, F. R. A. C. de Bourgogne, 1968-1971), se présente comme une suite de 26 cahiers d'écolier, présentés ouverts et montrant en vis-à-vis un texte manuscrit et une photographie d'amateur ; le texte raconte de façon laconique de banales anecdotes qui parfois n'ont pas toujours un rapport avec la photographie, celle-ci pouvant être également difficile à déchiffrer. En choisissant de s'exprimer sous cette forme inhabituelle pour un peintre, Jean Le Gac renouvelait la création artistique en révélant une forme qui existait déjà, modeste et familière, mais qu'il donnait à voir dans un contexte nouveau. Ce travail de peintre mêlant forme non conventionnelle et vie personnelle de l'auteur a été réuni avec quelques autres par Harald Szeemann à la Documenta 5 de Kassel en 1972 sous le terme " Mythologies individuelles ".

   À partir de là, l'œuvre de Le Gac, qui a pu se présenter même sous la forme d'un livre imprimé comme un roman (le Récit), va être marquée par l'apparition de plus en plus fréquente d'une figure de peintre dans les photographies (l'artiste lui-même) et le développement d'une narration dans des textes manuscrits ou dactylographiés, qui sont désormais présentés assemblés sur le mur comme un tableau ou un panneau documentaire (série d'œuvres sur le Peintre, 1973, où de nombreux pseudonymes sont utilisés pour qualifier les personnages de l'action). Ces montages vont se trouver bientôt encadrés d'une large bordure en bois verni, les photographies devenir de plus en plus grandes et souvent se présenter en couleurs et les textes dactylographiés être photographiés et agrandis. La référence au tableau redevient explicite (Une introduction aux œuvres d'un artiste dans mon genre, 1979-80). Souvent, les séries peuvent donner lieu à la publication d'un livre (le Peintre de Tamaris près d'Alès, 1979), voire des films : Jean Le Gac, artiste-peintre (1973), la Fausse Ruine et le peintre (1978), Jean Le Gac et le peintre L... (1983), qui affirment le goût de l'artiste pour la narration et la mise en scène. Depuis 1981, Jean Le Gac a réintroduit des techniques traditionnelles (support en carton, pastels et fusain) pour reproduire en dessin des images existantes, un fragment généralement emprunté aux bandes dessinées anciennes ou aux romans illustrés populaires, qui restent associés à des photographies et à des textes dactylographiés (le Délassement du peintre, 1980-1982). L'œuvre entier de Jean Le Gac est fondé sur l'illustration de la vie, des préoccupations et des sources d'inspiration d'un peintre imaginaire (mais qui est en réalité lui-même) et dont l'œuvre n'est jamais montré. Comme dans le Roman d'aventure (1972), où la figure du peintre est constamment enregistrée par un appareil photographique qui se trouve dans l'image, cette mise en abîme présente bien des points communs avec des procédés utilisés dans la littérature par les créateurs du nouveau roman. Il s'agit d'une chronique dont seuls sont livrés des fragments par le procédé du découpage. Jean Le Gac expose régulièrement à Paris chez Daniel Templon et à New York chez John Gibson. En 1978, le M. N. A. M. de Paris lui a consacré une exposition, de même que le M. A. M. de la Ville de Paris, A. R. C., en 1984. Son œuvre est représenté dans la plupart des grands musées et institutions culturelles européens. En 1988, il a reçu une importante commande publique pour la célébration du bicentenaire de la Révolution française.