Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Norblin de la Gourdaine (Jean-Pierre)

Peintre, dessinateur, graveur français actif en Pologne (Misy-Faut-Yonne, auj. Misy-sur-Yonne, Seine-et-Marne, 1745  – Paris 1830).

Il fit ses études à l'Académie royale de Paris (1769). Dès 1774, peintre de la cour du prince Adam Czartoryski, il séjourne trente ans en Pologne, à Varsovie, Wolczyn, Powazki, Pulawy. Dans ses nombreux panneaux décoratifs exécutés pour la princesse Izabella Czartoryska, où l'on sent l'influence de Watteau, il représente les fêtes galantes et les concerts champêtres bien en accord avec l'atmosphère sentimentale de la résidence de ses mécènes à Powazki (Fête champêtre, 1785, Cracovie, musée Czartoryski ; Fête galante, musée de Varsovie). Entre 1783 et 1785, il exécute la fameuse Aurore, fresque dans le style néo-classique décorant le plafond du temple de Diane à l'Arcadie, parc de la princesse Hélène Radziwill. Norblin a exécuté aussi d'innombrables dessins et croquis qui forment une chronique dessinée et gravée de la vie en Pologne à cette époque. La plume à la main, il a étudié attentivement la campagne polonaise, la vie des habitants de la capitale, des petites villes de province, et les mœurs, qui lui semblent bien extravagantes, de la noblesse polonaise. Profondément engagé dans la vie de sa patrie d'adoption, Norblin est sensible aux événements politiques (la Diète de 1786, dessin, Cracovie, musée Czartoryski ; la Journée du 3 mai 1791, dessin, Kornik, bibl. de l'Académie des sciences polonaise) et surtout à l'héroïsme des combattants polonais, partisans de l'insurrection dirigée par Tadeusz Kosciuszko (Bataille dans la rue Miodowa à Varsovie, 17-4-1794, dessin, musée de Varsovie ; Exécution des traîtres dans la vieille ville de Varsovie, 9-5-1794, dessin, Cracovie, musée Czartoryski). Après son retour en France (1804), il continua d'évoquer la Pologne (Album des costumes polonais, 1817). Norblin exerça une influence considérable sur le développement du réalisme en Pologne et eut pour continuateurs ses élèves Aleksander Orlowski et Michal Plonski.

Nordström (Karl)

Peintre suédois (Tjöm, Bohuslän, 1855  – Stockholm 1923).

Après des études à l'Académie des beaux-arts de Stockholm, il vint à Paris en 1880. Avec Josephson et Bergh, il s'oppose au conformisme de l'Académie suédoise des beaux-arts. En 1882 et de 1884 à 1886, il séjourne en France à Grez-sur-Loing au sein de la petite colonie suédoise où il se lie avec Srnöberg, et pratique une peinture de plein air dans des tonalités blondes. Il est l'un des premiers peintres suédois à découvrir l'Impressionnisme, dont la leçon est sensible dans Jardin à Grez (1884, musée de Göteborg), dans le portrait de l'écrivain d'art Klas Fåhraeus (1886, Stockholm, coll. part.) ainsi que dans quelques toiles vivement colorées, réalisées après son retour en Suède : Hiver (1889, Stockholm, Nm), Soir d'hiver, Roslagstull (1897-1900, Göteborg Kunstmuseum), paysages crépusculaires et mélancoliques. La découverte des œuvres de Gauguin et de Van Gogh, exposées à Copenhague en 1892 et 1893, et celle de l'estampe japonaise précipitent son évolution en faveur de la simplification décorative et de l'expression. Durant les années 1893-1895, il travaille avec ses camarades Richard Bergh et Nils Kreuger, à Varberg (sur la côte ouest de la Suède), et il atteint à un style monumental, aux formes synthétiques et au coloris puissant : Nuages de mauvais temps (1893, Stockholm, Nm), le Fort de Varberg (1894, musée de Göteborg) et les Cours mitoyennes (1894, Stockholm, Nm). Vers 1910, sous l'influence de courants nouveaux, Nordström intensifie son coloris et adopte une touche plus libre (paysages de la province du Bohuslän réputés laids avant lui et vues de Stockholm : la Prairie de Djurgården, 1915, Stockholm, Waldemarsudde), mais, dans ses dernières années, il se rapproche de nouveau de l'Impressionnisme, en une série de clairs paysages et de scènes familiales. Il a laissé de puissants dessins au fusain.

   Comme peintre et comme chef de file du Konstnärsförbundet (Société des artistes), dont il fut le président de 1896 à 1920, Nordström joua un rôle dominant dans la vie artistique suédoise au début du XXe s.

Northcote (James)

Peintre britannique (Devon 1746  – Londres 1831).

Fils d'un horloger de Plymouth, il arriva à Londres en 1771, porteur d'une lettre d'introduction pour Joshua Reynolds. Il travailla dans l'atelier de ce peintre et fréquenta les cours de la Royal Academy jusqu'en 1775, date à laquelle il revint dans le Devonshire. En 1777, il partit pour l'Italie, où il étudia surtout Titien ; de retour en Angleterre, il s'installa à Londres en 1781. Il travailla d'abord comme portraitiste dans le style de Reynolds, mais se tourna rapidement vers la scène de genre et la peinture d'histoire. En 1786, il exécuta Meurtre des jeunes princes dans la tour (auj. détruit) et il fut parmi les premiers à collaborer à la Galerie shakespearienne de Boydell. Il devint R. A. en 1787 et exposa à la Royal Academy de 1773 à 1828. En 1796, il publia une série de 10 tableaux, de portée morale, intitulée la Servante diligente et la débauchée. Northcote fut un érudit dont les œuvres sont chargées d'allusions classiques complexes. Il a publié une Vie de sir Joshua Reynolds, en 1813.

Norwich (école de)

L'école de Norwich (Grande-Bretagne, comté de Norfolk) constitue un exemple unique d'école provinciale dans l'histoire de l'art anglais moderne. Elle fut plus qu'une réunion assez vague de paysagistes travaillant dans l'East Anglia pendant le premier tiers du XIXe s., et ses membres eurent toujours le sentiment précis d'appartenir à une " école " existant comme telle, même s'ils ne se fixèrent pas des objectifs clairement définis, qui permettraient de leur appliquer l'étiquette de " mouvement ".

   Le noyau de cette école fut la Norwich Society of Artists, créée en 1803 " pour procéder à un examen de l'origine, de l'évolution et de l'état actuel de la peinture, de l'architecture et de la sculpture dans le dessein d'en dégager les meilleures méthodes d'étude et d'obtenir dans ces arts une plus grande perfection ". Ainsi, de 1805 à 1833, la société organisa chaque année ou presque une exposition des œuvres des artistes de Norwich. Les membres se réunissaient tous les quinze jours, jugeant dessins et gravures, puis écoutant une communication, suivie d'une discussion. Pour appartenir à la société, ils devaient fournir une preuve de leur talent et obtenir une majorité des trois quarts (le même quorum était requis pour l'élection du président, renouvelable chaque année). Leur nombre annuel ne dépassa jamais vingt-quatre, bien que par ailleurs, la société s'augmentât d'un nombre toujours croissant de membres honoraires.

   L'école de Norwich réunit essentiellement des paysagistes, et cette orientation est due, dans une large mesure, à la géographie même de l'East Anglia — landes marécageuses et plates s'étendant sous de vastes ciels —, qui rappelle d'assez près la Hollande. D'étroites et commodes relations commerciales entre ce pays et l'East Anglia avaient d'ailleurs eu pour résultat d'introduire dans les collections anglaises des peintures néerlandaises, et tout particulièrement des paysages du XVIIe s. Aussi, la principale influence subie par l'école de Norwich provient-elle indiscutablement d'œuvres d'artistes comme Hobbema, Wynants et Jacob Ruisdael.

   L'école était établie dans la ville de Norwich, qui, jusqu'au XVIIIe s., fut le troisième centre urbain d'Angleterre, indépendant de la capitale, à la fois géographiquement et spirituellement : ce sens d'une individualité marquée se retrouve chez les artistes de l'école, étrangers au principal courant artistique issu de la Royal Academy de Londres ; les critiques de Reynolds à l'encontre des peintres néerlandais et de leur goût pour une nature " commune " ou " moyenne " perçaient encore, en ce début du XIXe s., dans cette orientation officielle, hostile au paysage naturel en tant que genre noble. La Norwich Society n'en parvint pas moins à réunir plus de 700 exposants et à s'assurer un réel prestige à l'échelle nationale en comptant, parmi ses 29 membres honoraires, sir John Soane, Benjamin Robert Haydon et sir Martin Archer Shee, président de la Royal Academy.

   C'est par rapport aux deux tempéraments artistiques les plus puissants de l'école de Norwich — John Crome et John Sell Cotman — qu'il convient de situer les personnalités moindres du groupe. Parmi les suiveurs de Crome figurent trois de ses fils, John Berney, Frederick et William Henry ainsi que Robert Ladbrooke, qui, au début de sa carrière, partagea un atelier avec John Crome, James Stark, élève de Crome en 1811, et George Vincent. À la suite de Cotman, on peut compter son fils, Miles Edmund, et son beau-frère, John Thirtle, qui exerçait la profession d'encadreur.

   Crome fit son apprentissage chez un peintre d'enseignes et de carrosses, et garda de cette formation une technique large et appuyée. Avant de s'installer comme professeur de dessin, il rendit sans doute plusieurs visites à William Beechey dans son atelier londonien. Il fut certainement protégé par Thomas Harvey of Catton, collectionneur de Norwich et amateur éclairé de peintures anglaises et hollandaises, qui possédait notamment la Cottage Door de Gainsborough, dont Crome exécuta une copie, plusieurs œuvres de Richard Wilson et une de Hobbema, le peintre préféré de Crome, dont l'influence est manifeste dans des tableaux tels que The Poringland Oak (1818-1820, Londres, Tate Gal.). Les tableaux nocturnes de Crome, comme Moonrise on the Yare (v. 1811-1815, id.), empruntent aussi bien à l'art d'Aert Van der Neer qu'à celui de Rembrandt. Les paysages se caractérisent par un réalisme ennemi de toute novation spectaculaire — ce qui peut les rapprocher de ceux de Constable — ainsi que par une spontanéité et une intensité propres, en ce début du XXe s. anglais, à un sentiment romantique de la nature, saisie dans sa plus élémentaire quotidienneté. Mais ce qui fait de Crome le plus grand artiste de la Norwich School, c'est son traitement de la matière picturale, dont la texture s'apparente à celle d'un marbre rugueux, son talent de dessinateur et les contrastes qu'il ménage entre zones d'ombre et zones éclairées. Sa vie et son œuvre ont eu valeur exemplaire pour la plupart des peintres de l'école.

   Aidé comme d'autres jeunes artistes par le docteur Munro, Cotman fut introduit par ce dernier auprès de Turner et de Girtin. Dès 1805 env., il avait acquis un style personnel qui accusait la bidimensionnalité de toute surface peinte, en disposant soigneusement des aires de couleur mate pure. Très éloigné du naturalisme de Crome, ce style d'aquarelle est bien caractérisé par Greta Bridge (1807, British Museum). Cotman s'efforça d'allier l'huile à l'aquarelle en utilisant ce dernier médium sur une mince couche de colle humide de façon à rendre, comme dans Postwick Grove (v. 1825, id. ), les effets de matière du pinceau ; réciproquement, dans ses peintures à l'huile, tel The Dropgate (1812, Londres, Tate Gal.), on retrouve les mêmes " zones réservées " que dans ses aquarelles. Cotman fit plusieurs voyages d'où il rapporta mainte esquisse, d'abord en Angleterre, puis en France. Encouragé par son " patron " Dawson Turner, il se prit d'un vif intérêt pour les vestiges de l'architecture locale et entreprit de publier plusieurs recueils de gravures d'Antiquités architecturales, de Normandie et d'Angleterre.

   En raison de son unité et de son style aisément reconnaissable, l'école de Norwich appelle un parallèle intéressant avec l'école de paysage française, plus tardive, qui s'installera à Barbizon. Ce sens d'une individualité provinciale fut renforcé par le fonds commun d'expériences, d'influences et d'objectifs que possédaient ces artistes — aucun, hormis Crome et Cotman, ne se distinguant, par ailleurs, par une vigoureuse originalité.