Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
E

expressionnisme abstrait

L'Expressionnisme abstrait, également connu sous le nom d'" école de New York ", et plus communément (mais à tort) sous celui d'Action Painting (" Peinture gestuelle "), fut le premier mouvement authentique d'art abstrait né aux États-Unis et qui obtint une audience internationale. Pratiqué pendant près de vingt ans, il donna naissance à des courants analogues en Europe, au Japon et en Amérique du Sud (l'Informel, le Tachisme). Mais la source en est spécifiquement américaine, et New York son berceau. Les deux principaux éléments formels de l'Expressionnisme abstrait étaient constitués alors par les styles opposés de l'Abstraction postcubiste et du Surréalisme, qui s'étaient développés à Paris et qui avaient attiré l'attention d'un petit groupe d'artistes américains audacieux, de 1925 à 1950 environ. L'expérience amère de la crise des années 30 et le bouleversement de la Seconde Guerre mondiale sont le troisième facteur qui intervint dans l'origine du mouvement. Bien que le Régionalisme et la scène de genre soient déjà considérés, aux États-Unis, comme le style " moderne ", pendant la crise de très sérieux artistes s'unirent au nom du F. A. P. (Federal Arts Projects) et à la W. P. A. (Works Progress Administration) et s'intéressèrent aux réalités de la vie américaine, prenant conscience, à divers degrés, des problèmes sociaux. Cette expérience collective explique le contenu émotionnel et humain de l'Expressionnisme abstrait, bien qu'il ne faille pas le confondre avec ses réalisations elles-mêmes. Un quatrième facteur, d'importance capitale, fut la présence à New York de plusieurs grands artistes parisiens, ayant cherché un refuge aux États-Unis à la suite de l'agression nazie (Mondrian, Léger, Masson, Ernst, Breton, Matta, Kurt Seligmann et même Dalí), qui exercèrent une énorme influence au début des années 40. Enfin, le double exemple des abstraits et des surréalistes aboutit à quelque chose de tout à fait nouveau v. 1945. Déjà Arshile Gorky, tempérament hypersensible, l'un des initiateurs de la nouvelle école, s'était libéré du vocabulaire surréaliste européen en transformant ses motifs biomorphiques ; ce conflit, qui apparaît dans les états successifs sur la toile, devint une source féconde non seulement pour la qualité picturale de l'école de New York, mais aussi pour le concept même de l'Action Painting, tel que le formula le critique Harold Rosenberg. Ce concept, appliqué à un secteur du mouvement new-yorkais (la trace gestuelle opposée au champ coloré), tient la peinture pour une action intimement liée à la biographie de l'artiste et efface toute distinction entre art et vie. La signification du tableau réside en lui-même, compte rendu de sa propre genèse, depuis le premier trait jusqu'à la réalisation finale. " L'artiste dispose de son énergie intellectuelle et émotionnelle comme s'il se trouvait dans une situation vécue. " Malgré sa popularité chez les peintres, la théorie de Rosenberg, qui contenait implicitement l'évolution de l'art américain, simplifiait à l'excès et se prêtait aisément à la création d'un mythe. Mais l'importance accordée au procédé ainsi que l'échelle de l'exécution contribuèrent à faire du nouveau style un phénomène spécifiquement américain englobant des manières aussi personnelles que celles de Pollock. En fait, Rothko, Reinhardt, Still et Newman (peintres encore fidèles à la plage de couleur), bien qu'ayant puisé aux mêmes sources, étaient moins gestuels que leurs collègues. De plus, les dimensions et l'aspect géométrique de leur travail, qui s'éloignait de l'influence surréaliste, eurent une emprise importante sur la jeune génération des peintres abstraits, qui commencèrent à se faire connaître au début des années 60 (Kelly, Stella, Noland, Parker).

   Vers 1955, quantité d'artistes, aux États-Unis et ailleurs, essayèrent d'imiter la première génération des peintres de New York, surtout De Kooning et Pollock, et, parmi eux, de réels talents émergèrent, par exemple Sam Francis, Grace Hartigan et Joan Mitchell. Le mouvement expressionniste abstrait régna en maître à New York jusqu'à l'avènement du Pop' Art au début des années 60, quand la peinture américaine se divisa en mouvements contraires avec de nouvelles caractéristiques.

   Pendant les années héroïques de l'Expressionnisme abstrait, c'est-à-dire depuis 1942 jusqu'à la fin de 1959, un genre de peinture vraiment nouveau était né et s'était épanoui à New York. Aujourd'hui, il est possible de réaliser combien les traits distinctifs de ce style (angoisse, conflit et format à grande échelle) reflétaient les conditions du monde au sein duquel il avait été créé.

Exter (Alexandra)

Peintre russe (Belostok, près de Kiev, 1882  – Fontenay-aux-Roses 1949).

De son nom de jeune fille Grigorievitch, elle épouse en 1908 son cousin Nicolas Exter. Elle se forme à l'école des Beaux-Arts de Kiev, séjourne dès 1908 à Paris et est introduite dans le milieu cubiste (Picasso, Braque, Apollinaire) et, par A. Soffici, auprès des futuristes Marinetti et Papini. Voyageant régulièrement entre Paris et Moscou, elle assure le contact entre les milieux d'avant-garde français et russe jusqu'à la guerre, et les œuvres qu'elle exécute au cours de cette période relèvent du Cubisme influencé par Léger (les Ponts de Paris, 1912). Par la suite, elle opère une synthèse cubo-futuriste mêlée à la découverte du suprématisme de Malevitch, mettant l'accent sur le dynamisme de la composition (Dynamique des couleurs, v. 1918, Cologne, musée Ludwig). Elle commence, la même année, à travailler pour le théâtre (décors et costumes pour Salomé, d'Oscar Wilde), pour le théâtre Kamernyi (Moscou, musée Bakhrouchine). Elle enseigne au Vhutemas de Moscou (1921-22). En 1924, A. Exter crée les décors et costumes du film Aélita de J. Protozanov. En 1925, elle s'établit à Paris, enseigne dès l'année suivante à l'Académie de Léger (Composition puriste, 1925, Düsseldorf), dont la conception de la couleur est proche de la sienne. Elle fournit divers décors et costumes pour le théâtre (Don Juan, 1929, ballet de E. Krüger à Cologne). Son œuvre peint s'attache à réaliser une synthèse constructiviste originale entre les lignes-forces de la composition et des plans colorés dynamiques (Constructions de surfaces planes selon le mouvement de la couleur, 1918, Ludwigshafen, Wilhelm-Hack Museum). La gal. Léonard-Hutton (New York) lui consacra une exposition en 1975 ; une autre manifestation, " Alexandra Exter e il teatro da camera ", a eu lieu en 1991 en Italie (Rovereto).