Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Remington (Frederic)

Peintre américain (Canton, New York, 1861  – Ridgefield, Connecticut, 1909).

Remington ne reçut pas d'autre formation artistique que celle d'un court séjour au département des Beaux-Arts de Yale University. Il partit pour l'Ouest en 1881, acheta un ranch mais le revendit peu après (1883-84). Il avait entre-temps réussi à donner une illustration au Harper's Weekly (1882) et il décida de se consacrer désormais à la description de la " frontière ". Il ne cessa de voyager, en quête de sujets, non seulement dans l'ouest des États-Unis, mais également en Europe et en Afrique du Nord. Il couvrit les guerres indiennes de 1890-91 et celle de Cuba en 1898. Le succès lui vint très tôt (il exposa régulièrement à la National Academy of Design après 1887), relayé par la reproduction de ses œuvres dans le Harper's ou le Collier's Weekly, qui lui donna en 1903 un contrat d'exclusivité. Il se lança après 1895 dans la sculpture de petit format sur des sujets identiques (The Bronco Buster, 1895). Ces bronzes furent eux aussi recherchés des amateurs. Remington laissa plus de 2 700 peintures et dessins, ainsi que 25 sculptures, inséparables de la légende de l'Ouest, qu'il avait lui-même contribué à créer.

Reni (Guido) , dit en français le Guide

Peintre italien (Calvenzano, près de Bologne, 1575  – Bologne 1642).

Comme Dominiquin et l'Albane, il étudie la peinture dans l'atelier de Denys Calvaert. Ayant atteint une maturité suffisante pour évaluer l'importance de l'école nouvellement ouverte par les Carrache en 1595, il se tourne vers celle-ci, déterminant ainsi d'une manière définitive son orientation artistique. Dès le début, toutefois, il effectue un choix particulier dans ce climat de retour au " naturel " que préconisaient les Carrache en réaction contre l'abstraction maniériste de la fin du XVIe s. Esprit intransigeant et aristocratique, ne recherchant pas ses modèles au sein même de la nature, où Annibale et Ludovico Carracci avaient, au contraire, trouvé les motifs d'inspiration les plus valables pour leur courageuse affirmation d'un art nouveau, il choisit pour fondement de sa propre peinture le culte de la beauté et de la grâce, dans une acception héroïque qui trouve son origine chez Raphaël. En effet, Reni a été littéralement fasciné par la Sainte Cécile de Raphaël, exposée alors dans l'église S. Giovanni in Monte à Bologne ; il s'en inspira pour sa première " pala " d'autel importante, le Couronnement de la Vierge (Bologne, P. N.), et en tira également une copie fidèle qui passa plus tard à Rome, dans la chapelle Sainte-Cécile à Saint-Louis-des-Français. Lent et replié sur lui-même, Reni met longtemps à s'affranchir des suggestions stylistiques qui l'empêchent d'affirmer sa personnalité. Dans les fresques de l'oratoire de S. Colombano, où il collabora avec d'autres élèves des Carrache, il traduit encore un certain embarras formel.

   Il se rend à Rome en 1601 pour étudier les œuvres de Raphaël et les sculptures antiques ; pourtant, c'est l'œuvre de Caravage qui lui procure un choc bref mais très significatif et qui l'amène à se risquer dans l'interprétation de ce grand maître sans pour autant faillir à ses propres conceptions idéalistes. La Crucifixion de saint Pierre, peinte en 1603 pour Saint-Paul-aux-Trois-Fontaines (auj., Vatican), fut sa première grande création. Au-delà de l'expérience naturaliste de Caravage, estimé pour son luminisme et sa valeur picturale, Guido affirme sa conception personnelle de l'art en tant que représentation du naturel expurgé de toute laideur, de toute vulgarité. À partir de ce moment, les incertitudes se dissipent ; d'un limbe crépusculaire commencent à émerger des figures d'une beauté raffinée, animées d'une vitalité douce et ferme, et dont l'expression est tout à la fois romantique et héroïque. La réussite de Reni s'amorce simultanément dans les cercles artistiques les plus importants de Rome et de Bologne, où il se rend alternativement et sans marquer de préférence. Fermé désormais à toute influence extérieure, il perfectionne son propre langage expressif dans la ligne du plus pur classicisme rythmique, mais en termes picturaux affinés, avec des effets de tonalités d'une grande transparence et d'une précieuse délicatesse.

   Les chefs-d'œuvre se succèdent alors à un rythme accéléré, dans un inépuisable élan créateur : le Martyre de saint André de S. Gregorio al Celio (1608, Rome), grande fresque où les réminiscences des célèbres compositions de Raphaël s'harmonisent avec l'atmosphère très moderne du paysage ; les Scènes de la vie de la Vierge, dans la chapelle de l'Annunziata au palais du Quirinal (1611), empreintes d'une douce et familière intimité ; le Samson victorieux et le Massacre des Innocents (1611, Bologne, P. N.), œuvres capitales du classicisme européen du XVIIe s., admirablement construites dans la juxtaposition des tons, dans les accentuations des rythmes ; la grande fresque de l'Aurore, décorant un plafond du Casino Rospigliosi à Rome (1614), la plus émouvante évocation, en termes figuratifs modernes, du climat sublime créé par Raphaël un siècle auparavant. En 1614, Guido, à l'apogée de son succès, s'établit à Bologne. Quelle qu'ait été la cause de cette décision (désaccord avec la cour papale, qui l'aurait contraint à quitter Rome, comme le laissent entendre certaines sources, ou besoin d'une plus grande indépendance, plus aisément concevable dans une ambiance provinciale), le retour dans son pays natal coïncide avec un enrichissement de ses thèmes picturaux et de ses expériences. La grande et sévère " Pala " des mendiants (Bologne, P. N.), construite sur deux registres (la Pietà et les Saints protecteurs de Bologne), comme un tableau du quattrocento, témoigne d'une crise spirituelle résolue en termes poétiques. Chacune des œuvres composées à cette époque représente une tentative nouvelle, toujours réussie, pour varier et enrichir intérieurement la vision de formes sublimées, inspirées par un sentiment religieux intense et profond ou conçues dans le climat contenu d'une évocation nostalgique des paradis perdus.

   De la Crucifixion de l'église des Cappuccini (1616, Bologne, P. N.) aux quatre Hercule (Louvre) peints pour le duc de Mantoue, de l'Annonciation (Gênes, S. Ambrogio) à Atalante et Hippomène (Naples, Capodimonte ; autre version au Prado), la tension croît et devient difficilement soutenable dans les limites de l'équilibre classique que Reni se proposait d'atteindre. En effet, après 1620, Guido se permet des moments de grâce, d'élégance, de sentimentalisme théâtral (Enlèvement d'Hélène du Louvre, 1627-1629) qui alternent avec des sommets d'expression spirituelle. Il créera ainsi les personnages de femmes célèbres (Madeleine, Cléopâtre, Lucrèce, Sémiramis, Salomé, Judith), toutes exténuées par la même langueur amoureuse, caractéristique sur laquelle se fondera sa renommée la plus grande, mais aussi la plus caduque. À la même époque, il exécutera également de nombreuses toiles de sujets religieux d'un piétisme excessif. Parallèlement à la composition de ces œuvres, il concevait des images nouvelles dont la beauté immatérielle naissait d'une lumière de plus en plus irréelle. Sa palette s'éclairait peu à peu, prenant des reflets irisés. Ce furent ses évocations du paradis qui acquirent les premières une transparence lunaire (" Pala " de la peste : la Vierge et l'Enfant entourés d'anges avec les saints protecteurs de Bologne, 1631-32, Bologne, P. N.).

   Par la suite, son exaltation poétique, son état extatique le conduisent à ne procéder que par suggestions tonales, dans une gamme toujours plus claire et plus argentée, mais aussi avec plus d'inquiétude. Des images d'une spiritualité ineffable, que ses contemporains prenaient pour des ébauches, furent ainsi fixées sur la toile : Saint Sébastien (Bologne, P. N.) ; Saint Jean-Baptiste (Londres, Dulwich College Picture Gal.) ; Madone à l'Enfant et saint Jean (Florence, fondation Longhi) ; Lucrèce (Rome, Gal. Capitoline) ; la Jeune Fille au diadème (id.) ; Cléopâtre (id.) ; la Flagellation du Christ (Bologne, P. N.). Par ces créations admirables, longtemps incomprises, Guido se détache de l'ensemble des peintres classicisants du XVIIe s., qui restèrent tributaires des rythmes raphaélesques et des canons archéologiques classiques, et se place parmi les purs lyriques et parmi les plus grands artistes de tous les temps. C'est dans sa ville natale, qu'il n'avait jamais quittée bien longtemps et toujours à contrecœur, qu'il mourut, terrassé par une fièvre maligne. Sa renommée était désormais internationale, et ses œuvres étaient recherchées par toute l'Europe. Après la grande exposition tenue à Bologne en 1954, une rétrospective consacrée à Reni a été organisée à Bologne, Los Angeles et Fort Worth en 1988.