Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Reycend (Enrico)

Peintre italien (Turin 1855  – id. 1928).

Élève de Delleani et de Fontanesi, il étudia à l'Académie Albertina de Turin. Partant de la culture paysagiste turinoise, qui devait beaucoup au naturalisme des tableaux hollandais visibles à la Gal. Sabauda, il se révéla un paysagiste pur et arriva finalement à des résultats proches de la poétique impressionniste. Subtilement attentif aux valeurs atmosphériques, à partir d'un même sujet, selon les variations météorologiques offertes par la campagne piémontaise et par le paysage urbain, il cherchait à en rendre les changements optiques, se défendant de toute notation sentimentale ou anecdotique, dans une texture vibrante de touches délicates (Environs de Turin, 1880-1890, Turin, Museo Civico ; les Arbres sous la neige, 1880-1890, id. ; le Port de Gênes le jour, le Port de Gênes le soir, Place à Turin, v. 1890, id. ; les Jardins royaux, 1890-1895, id. ; Masure dans le bois, 1915-16). Il voyagea plusieurs fois en France et travailla dans le Piémont et à Gênes. Dans ses dernières années, sa technique se fit précieuse et mélodieuse, cédant un peu au goût décadent.

Reymerswaele (Marinus Claeszon Van)
ou Marinus Claeszon Van Roymerswaele

Peintre néerlandais (Reymerswaele v.  1495  – ? apr. 1567).

Fils du peintre Nicolas de Zieriksee (maître à Anvers en 1475), il est attesté en 1509 à Anvers, où il travaille dans l'atelier de Simon Van Daele. En 1567, il est sévèrement puni, puis chassé de Middelburg comme iconoclaste, et son art exaspéré porte peut-être le témoignage de ses convictions. On n'a pu encore établir s'il fut l'élève de Quentin Metsys ; de toute façon, il apparaît comme l'un de ses imitateurs les plus directs : le Saint Jérôme méditant (musée de Douai ; nombreuses autres versions : au Prado, 1521 et 1541 ; à Anvers, 1541 ; à Vienne ; à Amsterdam ; à Montréal ; à Orléans ; au château de Schleissheim), par ses formes tourmentées et ses visages excessivement expressifs, développe une tendance inaugurée dans la peinture du Nord par J. Bosch et Q. Metsys. L'artiste a exécuté également de nombreuses versions d'une composition présentant comme une scène de genre des banquiers, usuriers ou collecteurs d'impôts, dont les plus célèbres sont le Changeur d'or et sa femme (Munich, Alte Pin., 1538 ; Prado, 1538 ; Florence, Bargello, 1540). Il y reprend le thème du Prêteur et sa femme de Metsys (Louvre) en le traitant d'une manière exacerbée et caricaturale, propre au courant archaïsant et bizarre qu'avaient inauguré, à l'aube du XVIe s., Léonard de Vinci, Metsys et Piero di Cosimo. Son dernier thème de prédilection est la Vocation de saint Matthieu (musées d'Anvers et de Gand).

Reynolds (sir Joshua)

Peintre anglais (Plympton, Devonshire, 1723  – Londres 1792).

Il reçut une éducation classique de son père (clergyman, ancien professeur au Balliol College d'Oxford), dont la bibliothèque renfermait notamment des ouvrages théoriques sur la peinture. Le jeune Reynolds partit pour Londres étudier les beaux-arts en 1740, déclarant qu'il préférerait devenir apothicaire plutôt que d'être " peintre ordinaire ", c'est-à-dire portraitiste. Il choisit cependant comme maître le portraitiste à la mode Thomas Hudson ; on peut voir là un trait distinctif de son caractère : il recherchait toujours le moyen le plus efficace pour s'assurer le succès, le portrait étant le seul gagne-pain possible à cette époque pour un artiste anglais. L'influence de Hudson, de Rembrandt et de Van Dyck est très sensible dans sa première manière.

   Reynolds travailla à Londres et dans le Devonshire de 1743 à 1749, puis s'embarqua pour l'Italie à bord du navire du commandant Keppel (promu plus tard amiral), dont il fit le portrait à maintes reprises, en particulier en 1753-54 lors de son retour à Londres ; c'est un de ces portraits, en pied (auj. au Greenwich National Maritime Museum), qui le plaça comme chef de file de la peinture anglaise. Le peintre passa deux ans à Rome, étudiant les antiques, Raphaël et Michel-Ange, à une époque où il était encore rare que les artistes de passage s'y intéressent à ce point. Il quitta Rome en mai 1752 et, par Florence, Bologne, Parme, gagna Venise, où, au cours d'un séjour de trois semaines, il exécuta de très nombreux croquis d'après les maîtres vénitiens de la Renaissance. C'est par l'intermédiaire de Titien et aussi des peintres travaillant dans la même optique que ce dernier, tels les Carrache, Rubens et Rembrandt, qu'il forma sa propre technique, son coup de pinceau et son traitement de la lumière, de l'ombre et de la couleur. Bien qu'ayant proclamé dans ses écrits théoriques la supériorité de la forme sur la couleur, il resta essentiellement peintre, attaché au style baroque et fort dédaigneux de ses contemporains étrangers.

   En 1755, installé depuis deux ans à Londres, où il demeura jusqu'à sa mort, il avait déjà plus d'une centaine de modèles et avait recours pour les draperies de ses tableaux à des praticiens comme Giuseppe Marchi, qu'il avait ramené avec lui de Rome. Il demandait alors 12 guinées pour un portrait en buste, 24 pour un portrait à mi-corps et 48 pour un portrait en pied. Vers 1782, ces prix passaient respectivement à 50, 100 et 200 guinées, soit le double de ceux de son plus proche rival, Gainsborough. Parmi ses portraits les plus caractéristiques des années 50 figurent ceux de Lord Cathcart (auj. possédé par les administrateurs du comte de Cathcart), du Duc de Grafton (Oxford, Ashmolean Museum) et de Lord Ludlow (Woburn Abbey, coll. du duc de Bedford), tous exécutés à la manière vénitienne. Les années suivantes, Reynolds subit l'influence du style plus délicat de Ramsay, de retour d'Italie (1757), et exécuta une série de portraits tendres et intimes, de femmes en particulier, dont le plus beau est peut-être celui de Georgiana, comtesse Spencer, avec sa fille (1759-1761, Althorp, coll. du comte Spencer). Entre-temps, il avait évolué vers un style plus ambitieux, encouragé par le succès de ses premières expositions. Pour son exposition à la Society of Artists en 1760, il envoya quatre œuvres, dont un portrait en pied de la Duchesse de Hamilton (Port Sunlight, Lady Lever Art Gal.), qui apparaît vêtue, sous un manteau de pairesse, de la longue et ample tunique classique qu'affectionnera l'artiste dans les années 70 et appuyée sur un bas-relief figurant le Jugement de Pâris. Ce type de portrait, certes, avait déjà existé aux XVIe et XVIIe s., mais Reynolds l'éleva " très au-dessus de son rang ordinaire ", comme il l'expliqua plus tard dans ses Discours.

   De 1760 à 1770, les deux styles, le " formel " et l'intime, coexistèrent dans son œuvre (quoique la frontière entre les deux ne soit pas toujours rigoureuse), et la grande " galerie imaginaire " de portraits qu'il consacra à l'aristocratie, à l'armée et à l'intelligentsia britanniques du XVIIIe s. commença de se constituer. Reynolds avait recours à une étonnante variété de poses, et sa production comprend aussi bien des portraits collectifs d'enfants, de groupes que de nombreux portraits individuels d'hommes ou de femmes (Nelly O'Brien, 1763, Londres, Wallace Coll.).

   Pour la première exposition de la Royal Academy, en 1769, il s'orienta encore davantage vers le grand style classique de la peinture d'histoire avec 4 portraits de femmes, tous dans une manière allégorique et dont les poses s'inspirent de Corrège, de l'Albane, de Guido Reni et de Guerchin. Ce style domina sa production de 1770 à 1780 et connut son apogée avec les Trois Filles de sir William Montgomery en Grâces ornant une statue de l'Hymen (1773, Londres, N. G.). Reynolds écrivit à l'époux d'une de ses modèles, qui avait commandé le portrait : " [Le thème] offre un rôle suffisamment riche aux modèles pour introduire heureusement de gracieuses attitudes historiques. "

   Il avait été élu à l'unanimité président de la Royal Academy lors de sa fondation en 1768, bien qu'il n'eût jamais eu la faveur du roi (ce fut peut-être là le seul échec de sa carrière). En 1769 eut lieu le premier des 15 Discours qu'il devait prononcer à la Royal Academy, d'habitude le jour de la remise des prix, jusqu'en 1790. Dans ses conférences, qui devaient être éditées, il explique, en la commentant, la théorie de l'art académique orthodoxe issu du Classicisme littéraire, que développaient les écrivains continentaux depuis la Renaissance. Il cherchait ainsi à donner à l'art anglais la justification intellectuelle dont il avait besoin, à améliorer la condition du peintre dans la société et à mieux former le goût des mécènes. Il atteignit au moins son second objectif, mais le thème central des Discours — à savoir que la peinture d'histoire au style noble et pur, fondé sur la maîtrise de la forme et créé par Michel-Ange et Raphaël, est supérieure à toute autre forme d'expression artistique — ne trouva jamais beaucoup d'écho dans la peinture britannique. Le rôle le plus évident de Reynolds comme écrivain d'art réside dans ses points de vue critiques, en particulier sur Gainsborough, son contemporain et rival, au décès de qui il prononça, en 1788, son quatorzième Discours.

   En 1781, Reynolds visita la Flandre et la Hollande, d'où il rapporta de nombreuses notes, et ce voyage accrut son intérêt pour Rubens. Plusieurs portraits des années 80 reflètent l'influence de ce dernier (Lady Lavinia Spencer, 1782, Althorp, coll. du comte Spencer), bien qu'à la même époque il ait payé un tribut explicite à Michel-Ange : Mrs. Siddons en Muse de la Tragédie (1784, San Marino, Cal., Huntington Art Gal.). En même temps, Reynolds exécute la plupart de ses rares tableaux d'histoire, rompant, de façon inattendue, avec la tradition classique (Macbeth et les sorcières, 1789, Petworth, Sussex, coll. de Lord Egremont). Malgré l'usage de pigments et de médiums défectueux, qui ont entraîné la détérioration de nombre de ses toiles, ses dernières œuvres n'accusent aucune fatigue dans l'invention.

   Sans aucun doute, Reynolds fut le peintre le plus important de l'école anglaise du XVIIIe s., plus par son prestige, son autorité, l'étendue de sa culture et de ses relations que par ses travaux eux-mêmes. Bien qu'à presque toutes ses qualités aient correspondu de graves défauts — il était modéré mais tortueux dans son comportement, ambitieux mais aussi snob, intelligent mais têtu, généreux pour ses rivaux mais seulement après leur mort —, il " institutionnalisa " la peinture anglaise, donnant aux peintres du XIXe s. un modèle à admirer ou à dénigrer.

   Son œuvre est admirablement représentée en Grande-Bretagne dans les musées d'Édimbourg ou de Glasgow et plus particulièrement à Londres (10 tableaux à la N. G., notamment les portraits d'Anne, comtesse d'Albemarle, 1757-1759 ; de Lord Heathfield, gouverneur de Gibraltar, 1787 ; une vingtaine de portraits à la N. P. G. ; 24 à la Tate Gal. ; plusieurs à la Royal Academy, notamment 2 Autoportraits). Toutefois, nombre de ses chefs-d'œuvre se trouvent encore dans des coll. part., comme Master Crewe en costume d'Henry VIII (1776, coll. O'Neill) ou le Prince de Galles, futur George IV (1783, coll. de lord Brocket). Les collections et les musées des États-Unis se disputent les tableaux de Reynolds qui passent sur le marché londonien et contribuent à les disperser (Master Henry Hoare en jardinier, 1788, Toledo, Ohio, Museum of Art). Une importante exposition rétrospective a été consacrée à Reynolds (Paris, Grand Palais, 1985 ; Londres, Royal Academy of Arts, 1986).