Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
S

saxophone

Instrument à vent de la famille des bois.

Il est en fait de construction métallique, mais il emprunte aux bois son système de clés, actionnant des « plateaux » destinés à fermer ses trous, ainsi qu'une anche simple fixée sur un bec à l'imitation de la clarinette. À la différence de la plupart des autres instruments à vent, qui ont mis des siècles à atteindre leur profil actuel, celui-ci est sorti tout armé du cerveau (et des ateliers) de son inventeur : A. Sax.

   Dès son premier brevet (1846), le saxophone avait sa forme caractéristique en « S », son mécanisme et sa sonorité puissante et chaleureuse. À vrai dire, le principe de l'association de l'anche simple et du tuyau conique était fort ancien ; quant au mécanisme, il devait beaucoup à ceux dont les autres bois venaient d'être dotés. Le saxophone n'en était pas moins un instrument nouveau, que les musiques d'harmonie adoptèrent aussitôt. Il fut plus long à s'imposer à l'orchestre symphonique en raison de son caractère réputé bâtard ; Ambroise Thomas, Bizet et Massenet furent les premiers à l'employer couramment, suivis de presque tous les compositeurs contemporains. Et l'on sait quelle place il tient dans la musique de jazz.

   Dès l'origine, le saxophone fut construit en plusieurs versions. Le sopranino en mi bémol aigu, pratiquement inusité, et le soprano en si bémol familièrement appelé « carotte » ont la forme droite de la clarinette. L'alto en mi bémol est le plus répandu de la famille, celui auquel on pense quand on parle de « saxo » sans autre précision. Le ténor en si bémol et le baryton en mi bémol graves sont particulièrement appréciés des musiciens de jazz. Mais les énormes basse et contrebasse sont d'un emploi exceptionnel.

Scala (théâtre de la) (Teatro alla Scala)

Théâtre d'opéra milanais, construit à la suite de l'incendie du Teatro Ducale (1776), où avaient été créés Mitridate (1770), Ascanio in Alba et Lucio Silla (1772) de Mozart.

Il fut inauguré (environ 3 000 places) le 3 août 1778 avec une œuvre spécialement commandée pour l'occasion : L'Europa riconosciuta de Salieri, hommage à l'impératrice Marie-Thérèse. Sans que soit bouleversée son architecture générale, des aménagements lui furent apportés, en particulier en 1838 et à la suite du bombardement de 1943. À la fin du XVIIIe et au début du XIXe, Milan était en Italie une ville d'importance moyenne, mais cette situation se modifia, et la Scala s'affirma peu à peu face à La Fenice de Venise et au San Carlo de Naples, grâce aussi aux liens étroits entretenus avec l'établissement par l'éditeur Ricordi. Furent créés à la Scala les trois premiers opéras de Verdi, dont Nabucco (1842), puis, un demi-siècle plus tard, Otello (1887) et Falstaff (1894), Mefistofele de Boito (1868), Madame Butterfly (1904) et Turandot (1926) de Puccini, ainsi que, plus récemment, Dialogue des carmélites de Poulenc (1957, en version italienne) et Atlantida de Falla (1962, posthume). Tous les grands chefs italiens ont attaché leur nom à la Scala, de Toscanini à Abbado et à Muti en passant par Serafin, Sabata, Cantelli et Giulini, et le niveau des prestations vocales y a toujours été très élevé. Après la dernière guerre a été adjointe à la grande salle, pour le répertoire baroque et classique, la salle de la Piccola Scala, inaugurée en 1955 avec Il Matrimonio segreto de Cimarosa.

Scarlatti (Alessandro)

Compositeur italien (Palerme 1660 – Naples 1725).

Il vint étudier à Rome à douze ans, s'y maria en 1678, et y donna en 1679 son premier opéra, Gli Equivoci nel sembiante, qui connut un énorme succès, et, fait assez rare à l'époque, fut joué dans de nombreuses autres villes. Entré au service de la reine Christine de Suède, maître de chapelle de San Girolamo della Carità, protégé par les Colonna, Ottoboni et autres grands de la noblesse romaine, il eut des contacts avec d'autres centres italiens, et partagea ses activités de compositeur entre la cantate, l'oratorio et l'opéra : parmi ses premières œuvres figurent L'Onestà negli amori (1680) et Il Pompeo (1683) dont certaines arias sont restées célèbres.

   À la suite d'intrigues familiales, il fut nommé en 1684 maître de chapelle à la cour de Naples, où, durant une vingtaine d'années, sa production fut considérable, mais inégale, cependant que certains de ses opéras étaient joués jusqu'en Allemagne (Pirro e Demetrio à Brunswick, en 1694, créé à Naples la même année). Des différends artistiques et humains avec la cour de Naples le conduisirent à rechercher d'autres appuis, et il écrivit des opéras pour Florence de 1703 à 1706 et fut à nouveau à Rome où il connut Corelli grâce au cardinal Ottoboni. Il y écrivit un grand nombre de cantates à grand effectif, les milieux ecclésiastiques romains tenant alors l'opéra pour un genre suspect.

   N'ayant pu y obtenir de situation stable, il alla donner à Venise son fastueux Mitridate Eupatore (1707), retourna assurer sa charge à Naples en 1709, et, de 1717 à 1721, se partagea entre cette dernière ville et Rome où il donna La Griselda (1721, livret de Zeno), avant de consacrer ses dernières années à la musique instrumentale : il publia en 1725 un recueil de quatuors pour instruments solistes qui pourraient établir un pont entre l'ancienne sonate à trois et la forme à venir du quatuor à cordes.

   La personnalité musicale de Scarlatti se dégage encore mal de son œuvre abondante, partiellement révélée, et dont il est malaisé de tirer des conclusions de synthèse. En fait, il sut prêter son talent aux styles les plus divers, selon les époques, les villes, et la destination de ses œuvres ; plus de six cents cantates profanes ou religieuses à une voix, quatre-vingt-dix cantates à plusieurs voix ou avec instruments concertants, trente-cinq oratorios, des messes, au moins quatre-vingt-cinq opéras et pastiches, et une œuvre instrumentale non négligeable dont douze concertos grossos, des sonates pour flûte, et des œuvres diverses pour clavier.

   Sa Passion selon saint Jean (v. 1680), une de ses premières œuvres, influencée par Carissimi, est l'une de ses meilleures productions religieuses, tandis que son oratorio Il Sedecia (1705), de grandes proportions, a toutes les caractéristiques de l'opéra alors en cours à Naples ; ses préludes et fugues, ses toccatas pour clavier jettent un pont entre l'œuvre de Frescobaldi et celle, autrement moderne, de son fils Domenico ; ses madrigaux à voix seules appartiennent au siècle précédent, mais ses concertos grossos préfigurent le style galant de la future école napolitaine. Ses cantates se plient également aux styles les plus variés, mais, comme ses oratorios, elles témoignent d'un plus grand soin et d'une plus grande richesse que ses opéras où il ne semble jamais avoir cherché à se démarquer des modèles en vogue dans les villes pour lesquelles il écrivait, sans se soucier des courants de réforme du livret.

   Il ne peut absolument pas être tenu pour le père d'un « opéra napolitain » : ses premières œuvres, encore tributaires du style contrapuntique, s'inspirent très largement de Stradella, auquel il emprunte la formule de l'aria da capo qu'il va systématiser dans ses opéras écrits pour Naples, où se schématisent l'ouverture tripartite extrêmement brève, l'usage d'un récitatif secco assez mécanique, et une longue succession d'arias, généralement da capo, n'utilisant que rarement l'instrument à vent soliste, et dont la nudité allait autoriser l'excessive surcharge ornementale des interprètes qu'il désapprouva souvent, mais où, comme dans Tigrana, s'intercalent également des ariettes de style plus moderne. En revanche, Mitridate Eupatore, écrit pour Venise, emploie largement l'orchestre et les chœurs, quasi absents de ses œuvres napolitaines. Enfin, l'élément comique présent dans ses premiers opéras romains disparaît progressivement de son œuvre, mais, pour des raisons d'ordre familial, il donnera en 1718 au théâtre dei Fiorentini de Naples une véritable comédie, Il Trionfo dell'onore, l'un de ses chefs-d'œuvre.