Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
I

Islande

L'Islande doit à sa situation géographique d'être devenue le réceptacle et la gardienne des traditions et de la langue des colonisateurs scandinaves de la fin du IXe siècle. Pendant plus de mille ans, à l'abri des influences étrangères, cette culture s'est maintenue avec deux caractéristiques notables : la langue conserve l'archaïsme de ses origines, et les Islandais, grands prosateurs et poètes, ont apporté, dès le XIIe siècle, une exceptionnelle contribution à la littérature mondiale avec les sagas et les recueils de poèmes du Saemundar-Edda. Cette littérature est riche en références musicales ; on y relève que, dans deux domaines au moins, on faisait appel au chant : la magie (galdur, seidur) et le travail. Nombreux sont les dieux de la mythologie qui ont un rapport avec la musique : Heimdallur est le dieu du chant et le berger des troupeaux ; Gjallarhorn possède la trompette du ciel ; Djodrerir est l'enchanteur des bêtes et des rives ; Eggbér joue de la harpe et Ýmir est un géant originel dont le nom signifie « ce qui sonne ». Jusqu'au début du XXe siècle vont survivre deux formes musicales distinctes : le tvísöngur, polyphonie à deux voix à la quinte, qui combine les caractéristiques de l'organum parallèle et antiparallèle, et le rímur, chant parlé sur des textes de la mythologie, utilisé comme accompagnement de la danse et remplacé à partir du XVIe siècle par la danse nationale, le vikivaki.

   Au Moyen Âge, apparaissent les premières ballades, genre qui ne connut pas le même succès que dans les autres pays nordiques, puis les psaumes populaires (Psaumes de la Passion de Hallgrímur Pétursson, 1614-1674), dont la pratique s'est maintenue dans les foyers après la réforme de la musique religieuse en 1800.

   La musique savante naissante n'a pas utilisé ce riche patrimoine. Pétur Gudjohnsen (1812-1877) et Jónas Helgason (1839-1903), tous deux organistes, étudient au Danemark ; avec eux, apparaît le chant choral polyphonique (premières éditions en 1861 et 1874) et c'est dans un hebdomadaire que, en 1873, est édité Andvarp (« le Soupir »), la première mélodie de J. Helgason. À leurs côtés, il faut citer Sveinbjörn Sveinbjörnsson (1847-1927), auteur, entre autres œuvres, de l'hymne national O gud vors lands en 1874, Bjarni Thorsteinsson (1861-1938), paléographe et mélodiste, et Sigfús Einarsson (1877-1939), mélodiste inventif, fin harmoniste, critique célèbre.

   La floraison musicale au XXe siècle est tout à fait étonnante et seuls le manque de curiosité, les problèmes de communication et de moyens financiers nous font méconnaître l'œuvre des principaux créateurs islandais. Élève de M. Reger, Páll Ísólfsson (1893-1974) domine la vie musicale du pays. Mais il faut aussi citer les noms de Sigurdur Thórdarson (1895-1968), auteur de Í álögum (« l'Enchanté »), le premier opéra islandais, Jón Leifs (1899-1968), qui, le premier, renonce aux éléments romantiques, Helgi Pálsson (1899-1964), moderniste mesuré, Thórarinn Jónsson (1900-1974), auteur d'un remarquable Prélude et fugue sur Bach pour violon solo, et Karl Ottó Runólfsson (1900-1970). Non moins intéressante et importante est la génération suivante, avec Hallgrímur Helgason (1914) et Jón Thórarinsson (1927), tous deux élèves de P. Hindemith, Jórunn Vidar (1918), Magnús Blöndal Jóhansson (1925), au style très radical, Jón Nordal (1926), directeur du conservatoire de Reykjavík, Leifur Thórarinsson (1934), sérialiste et pointilliste, Herbert Hriberscheck Ágústsson (1926) et Páll Pampichler Pálsson (1928), tous deux nés en Autriche et naturalisés, ainsi que les avant-gardistes Thorkell Sigurbjörnsson (1938) et Atli Heimir Sveinsson (1938). Parmi les plus jeunes compositeurs, Thorsteinn Hauksson (1949), Hjalmar Helgi Ragnarsson (1952), Áskell Másson (1953) et Snorri Sigfús Birgisson (1954) semblent être les plus remarquables.

La vie musicale

L'Islande, indépendante depuis 1944, possède une vie musicale riche et foisonnante : plusieurs dizaines de chorales, un orchestre symphonique national (créé en 1950), un conservatoire supérieur et pas moins de quarante écoles de musique, plusieurs revues musicales, un théâtre national (1950), de nombreuses associations musicales (Société philharmonique, Société de musique de chambre, société Musica nova, etc.). En 1970, a été fondé le festival des Arts de Reykjavík, à l'instigation du pianiste Vladimir Ashkenazy, citoyen islandais depuis sa naturalisation. L'Islande, un des plus petits pays du monde par le nombre d'habitants, est aussi l'un de ceux dont l'effort pour la musique a été, ces quarante dernières années, le plus important. En ce sens, elle peut être un exemple pour beaucoup.

Isnard

Patronyme de trois facteurs d'orgues français de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Frère Jean-Esprit Isnard (1707-1781), dominicain à Tarascon, travailla dans la région (Marseille, Aix-en-Provence) ; il est surtout célèbre par l'orgue qu'il édifia à Saint-Maximin-du-Var (1773), grand instrument de 4 claviers et 43 jeux conservé dans son état d'origine, chef-d'œuvre de la facture française classique. Les deux neveux de Jean-Esprit, Jean-Baptiste et Joseph, formés par lui, ont poursuivi son œuvre. Le premier a notamment construit les orgues de Saint-Laumer à Blois, de Pithiviers et de la cathédrale du Puy. Quant à Joseph, qui travailla avec François-Henri Clicquot, il s'installa dans la région de Bordeaux, où, après la Révolution, il restaura les instruments endommagés par les iconoclastes.

Isoir (André)

Organiste français (Saint-Dizier 1935).

Élève d'Édouard Souberbielle à l'école César-Franck, il a remporté le premier prix d'orgue et d'improvisation au Conservatoire de Paris en 1960, puis a été lauréat des concours internationaux d'improvisation de Saint-Albans (1965) et de Haarlem (1966, 1967 et 1968), où il est le seul Français à avoir remporté le prix « challenge ». Il est titulaire de l'orgue de Saint-Germain-des-Prés à Paris, et professeur d'orgue et d'écriture musicale au Conservatoire national d'Angers. Expert en facture d'orgues, il a étudié l'esthétique, la musicologie et l'exécution des différentes écoles des siècles passés. Il est l'un des meilleurs connaisseurs et interprètes de la musique d'orgue classique française, ce dont témoignent les nombreux enregistrements discographiques qu'il lui a consacrés.