Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
E

Ehrlich (Abel)

Compositeur israélien (Kranz, près de Königsberg, Prusse, 1915 – Tel Aviv 2003).

En 1934, il s'établit en Yougoslavie et fréquente l'Académie de musique de Zagreb. En 1939, il part pour Jérusalem et étudie la composition avec Solomon Rosowsky. En 1953, il devient professeur de musique au séminaire du mouvement kibboutz de l'État d'Orange. À partir de 1959, il fréquente les cours de Darmstadt, rencontre Pousseur, Stockhausen, Nono. À partir de 1964, il enseigne la composition à l'Académie de musique de Tel-Aviv. Les rythmes, les timbres, les intervalles de la musique du Moyen-Orient, ont fortement influencé son style, déterminant une écriture pointilliste. Ses séjours à Darmstadt l'ont fait ensuite évoluer, notamment vers l'écriture sérielle. Il a fréquemment pris les textes saints comme source d'inspiration de ses œuvres, directe (Al T'hiyu Chaavotechem, « Ne soyez pas comme vos pères », pour chœur a cappella, sur un texte du Livre de Zacharie, 1965) ou indirecte (König Salomon über den Wein, pour alto, flûte et clarinette, 1970). Ehrlich a écrit notamment 6 Quatuors à cordes (1946-1969), 4 Quintettes pour bois (1966-1970), des pièces pour piano, des mélodies, des ballets, des musiques de scène, des pièces instrumentales diverses (Bashrav pour violon solo, 1953 ; Quatuor pour 4 percussionnistes, 1968, etc.) et des pièces vocales diverses : cantates, chœurs, etc.

Eichendorff (Joseph, baron von)

Écrivain et poète allemand (Lubowitz, haute Silésie, 1788 – Neisse 1857).

Après les « classiques de Weimar (Goethe, Hölderlin, Schiller) et l'école d'Iéna (les frères Schlegel, Tieck, Novalis), la vie littéraire allemande éclate brutalement, au moment où Napoléon met fin au Saint Empire romain germanique (1806). Alors, tandis que Goethe vieillit et que Jean Paul, autre splendide isolé, poursuit une création loin des modes, se développent plusieurs foyers culturels préoccupés de dégager une germanité spirituelle prenant sa source aux plus anciennes fontaines. Le groupe dit « de Heidelberg » est de ceux-là, qui réunit les frères Grimm avec leurs contes, Arnim et Brentano, collectionneurs des chants populaires qui donneront Des Knaben Wunderhorn, ainsi que, de manière épisodique, quelques poètes comme Eichendorff, avec lesquels meurt doucement le romantisme.

   Eichendorff, dont la production est tout aussi abondante que variée, tourne le dos aux fantômes tragiques ou grotesques de ses prédécesseurs, pour se plonger dans les souvenirs de son enfance. Par-delà les crises de l'âme ou du corps, c'est bien vers le foyer originel qu'il retourne, source de sa vie et de ses impressions. Il pense ainsi mettre un terme à l'agitation, inquiète sans doute mais trop mondaine, qu'il contemple autour de lui.

   Mais, pour originale qu'elle soit, son inspiration ne se renouvelle guère. On en voit bien les limites et le talent dans ses nouvelles (Die Zauberin im Herbste, das Marmorbild, et même le Taugenichts et Ahnung und Gegenwart), où les conflits traditionnels du héros romantique se résolvent dans l'appel à de fortes certitudes morales et religieuses. En outre, la prose, chez lui, n'est qu'un prolongement du lyrisme, sans véritable construction dramatique. Au contraire, il excelle à peindre, avec une certaine indolence, les aspirations vagues de l'adolescence, un goût du lointain, tempérés par une lassitude qui se confond avec le retour au père (qui, pour ce croyant serein, est aussi le Père).

   En définitive, la musique a beaucoup fait pour la postérité d'Eichendorff : Brahms, au meilleur de son inspiration, Wolf (vingt lieder), peut-être trop inquiet, et Schumann, dans le remarquable Liederkreis op. 39, y ont trouvé les échos d'une nature divinisée, consolatrice idéale de ceux qui souffrent.

Eimert (Herbert)

Compositeur et théoricien allemand (Bad Kreuznach 1897 – Düsseldorf 1972).

Il fit ses études à l'École supérieure de musique (avec H. Abendroth) et à l'université de Cologne, et travailla dans cette ville, jusqu'en 1945, comme journaliste, comme critique et à la radio. En 1951, il fonda le Studio de musique électronique de la radio de Cologne, qu'il devait diriger jusqu'en 1962, et y appela bientôt à ses côtés le jeune Stockhausen (1953). En 1954, sept morceaux électroniques (dont deux de Eimert et deux de Stockhausen) réalisés dans ce studio étaient présentés pour la première fois en public. À partir de 1965, il fut professeur à l'École supérieure de musique de Cologne, dont il dirigea aussi le Studio de musique électronique nouvellement fondé. Il édita la revue Die Reihe (huit cahiers de 1955 à 1962). Il avait été l'un des premiers musiciens germaniques à écrire selon la technique dodécaphonique. Plus important comme théoricien, comme pédagogue et comme publiciste que comme compositeur, il a néanmoins laissé quelques « classiques » de l'électronique tels que Etüden für Tongemische (1954) ou Epitaph für Aykichi Kuboyama pour récitant et sons électroniques (1960-1962).

Einem (Gottfriedvon)

Compositeur autrichien (Berne 1918-1996).

Fils d'attaché militaire, il étudia notamment avec Boris Blacher à Berlin, et remporta son premier succès avec le ballet Prinzessin Turandot op. 1 d'après C. Gozzi (1942-43, créé à Dresde en 1944). La renommée internationale lui vint avec l'opéra la Mort de Danton op. 6, d'après G. Büchner (1944-1946, créé à Salzbourg par Fricsay en 1947). Suivirent entre autres, comme partitions pour la scène, les ballets Pas de cœur op. 16 (Munich, 1952) et Medusa op. 24 (Vienne, 1957), et les opéras le Procès op. 14, d'après F. Kafka (Salzbourg, 1953), Der Zerrissene op. 31, d'après J. Nestroy (Hambourg, 1964), la Visite de la vieille dame op. 35, d'après F. Dürrenmatt (Vienne, 1971), Kabale und Liebe op. 44, d'après F. Schiller (Vienne, 1976), et Die Hochzeit Jesu (« les Noces de Jésus », Vienne, 1980). Ces œuvres, sur lesquelles repose principalement la réputation de leur auteur, doivent leur succès à de solides qualités dramatiques et théâtrales ainsi qu'à leur fidélité au système tonal. On doit aussi à G. von Einem des partitions symphoniques et de chambre ­ Philadelphia Symphonie op. 28 (1960), Bruckner-Dialog op. 39 (1971), Wiener Symphonie op. 49 (1976), Ludi Leopoldini (1980), quatre quatuors à cordes (1975 à 1981), enfin diverses œuvres vocales dont An die Nachgeborenen, cantate op. 42, d'après F. Hölderlin (1973-1975), Lieder vom Anfang und Ende pour voix moyenne et piano (1981), et Gute Ratschläge (1982). Sa Symphonie no 4 a été créée à Vienne en 1988, et son Quatuor à cordes no 5 terminé en 1991.