Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
D

disjoint (mouvement)

Progression mélodique de deux notes qui ne se succèdent pas immédiatement, c'est-à-dire qui sont distantes de plus d'un ton.

Par exemple, do-la ou do-sol sont disjoints, alors que do-ré ou do-si sont conjoints.

dissonance

Cette notion, aussi relative que celle de consonance, s'applique à un intervalle ou un accord non agréable à l'oreille, en fonction d'habitudes socioculturelles données.

Par exemple, la tierce, qui, de nos jours et depuis longtemps, est une consonance, fut une dissonance au début de la polyphonie (vers le début du Xe siècle) et l'était encore en France pendant le premier quart du XVe siècle (ACCORD).

distinction

Terme peu usuel, emprunté aux grammairiens latins (distinctio, « ponctuation du discours ») pour désigner une subdivision ou une cadence intérieure de la phrase musicale.

distique

Terme d'origine grecque (mot à mot « deux membres de phrase »), emprunté aux grammairiens pour désigner une phrase musicale formée de deux parties symétriques : par exemple les deux premières incises du thème de l'Ode à la joie dans la 9e Symphonie de Beethoven forment un distique.

Distler (Hugo)

Compositeur allemand (Nuremberg 1908 – Berlin 1942).

Après des études d'orgue, de piano et de composition à Leipzig (1927-1931), il fut six ans organiste à Lübeck, puis devint professeur et chef de chœur à Stuttgart (1937-1940) et ensuite à Berlin. Son esprit luthérien et ses activités d'organiste orientèrent la plus grande partie de sa production vers le domaine religieux : citons les 52 motets du cycle Der Jahreskreis (1933), la Choral-Passion op. 7 (1933), la cantate Wo Gott zum Haus nit gibt sein Gunst (1935), ou encore la Geistliche Chormusik op. 12 (1934-1941). Au point de vue instrumental, il écrivit des pièces pour orgue et des œuvres diverses parmi lesquelles un Concerto pour clavecin op. 14 (1936) qui fut sélectionné par les nazis comme spécimen d'art « dégénéré ». Son dégoût du régime de Hitler et le sentiment que pour lui il n'y avait plus rien à faire dans ce contexte le poussèrent au suicide.

Dittersdorf (Carl Ditters von)

Violoniste et compositeur autrichien (Vienne 1739 – château de Rothlhotta, Bohême, 1799).

À douze ans, il entra comme page et violoniste au service du prince von Sachsen-Hildburghausen, qui veilla sur son éducation et le confia, pour ses études de composition, à Giuseppe Bonno. Par l'intermédiaire du prince, Dittersdorf ­ qui s'appelait toujours Ditters, ne devant être anobli qu'en 1773 ­ obtint un poste dans l'orchestre de la cour de Vienne. En 1763, il effectua avec Gluck un voyage à Bologne, et, de 1765 à 1769, occupa comme successeur de Michael Haydn les fonctions de maître de chapelle de l'évêque de Grosswardein en Hongrie (aujourd'hui Oradea en Roumanie) : il écrivit en ce lieu des symphonies, des concertos pour violon, et son premier opéra, Amore in musica (1767). Il entra ensuite à Johannisberg, non seulement comme musicien mais comme titulaire de plusieurs emplois administratifs importants, au service du comte Schaffgotsch, prince-évêque de Breslau. Se trouvant à la tête d'un théâtre, il composa là plusieurs opéras parmi lesquels Il Finto Pazzo per amore (v. 1775). Il fit au cours de ces années plusieurs séjours à Vienne, et y fréquenta Haydn et Mozart, participant comme violoniste aux premières auditions privées des quatuors de Mozart dédiés à Haydn. Écrits dans un style agréable et vif, ses nombreux concertos, ses symphonies (dont vers 1783 un cycle sur les Métamorphoses d'Ovide), ses ouvrages de musique de chambre (dont six quatuors à cordes datés de 1787-1788), firent de lui un des auteurs les plus prisés de l'époque. On lui doit aussi des oratorios, dont Esther (Vienne, 1773), et beaucoup d'opéras italiens ou allemands dont l'un, Doktor und Apotheker (Docteur et Apothicaire, Vienne, 1786), devait survivre jusqu'à nos jours après avoir éclipsé pour un temps le Figaro de Mozart, créé quelques semaines auparavant. Certaines de ses pages instrumentales furent attribuées à Haydn. Mais il mourut dans la misère et à peu près oublié deux jours après avoir achevé de dicter ses Mémoires.

Dittrich (Paul Heinz)

Compositeur allemand (Gernsdorf, R. D. A., 1930).

Il a fait ses études de 1951 à 1956 à l'École supérieure de musique avec Fidelio Finke (composition) et Gunter Ramin (direction de chœur), puis de 1958 à 1960 à l'Académie des arts de Berlin-Est avec R. Walter Regeny (composition). Il a enseigné à l'École supérieure de musique de Berlin de 1963 à 1976, et y a repris, en 1979, un poste de professeur de composition. Il est le principal compositeur de la République démocratique allemande à s'être imposé (surtout depuis 1970) sur le plan international. Ses œuvres sont au nombre d'une trentaine. Citons les Fleurs de Baudelaire pour 3 sopranos aigus et 10 instruments (1969) ; Kammermusik I pour 4 bois, piano et bande (1970), II pour hautbois, violoncelle, piano et sons électroniques (1975), III pour quintette à vent et baryton (1974) et IV pour soprano, 7 instruments et synthétiseur (1977) ; Memento vitae sur un texte de Brecht (1971-1974) ; un Concerto pour hautbois (1973-74), un pour violoncelle (1974) et un pour hautbois et flûte (1978) ; Konzert I pour clavecin et 7 instruments (1976) et II pour alto, violoncelle et orchestre (1978) ; Illuminations pour orchestre (1975-76) ; Cantus I pour orchestre (1974-75) et II pour soprano, violoncelle et orchestre (1977-78) ; Voix intérieure pour deux violoncelles (1978) ; Engführung pour soprano, live-électronique et orchestre, d'après des textes de Paul Celan (1980-81) ; et La Métamorphose d'après Kafka pour acteurs, ensemble instrumental et 5 vocalistes (1983).

divertissement (en ital. divertimento)

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, en France, le divertissement désigne un ensemble de danses, de chants et de pièces instrumentales destiné à prendre place entre les actes ou à la fin des actes, voire au milieu des actes, d'une comédie-ballet (le Bourgeois gentilhomme de Lully, 1670), d'un opéra-ballet (les Indes galantes de Rameau, 1735) ou d'une tragédie lyrique (Cadmus et Hermione de Lully, 1673). Issu du ballet de cour, plus ou moins rattaché à l'action, ce type de divertissement restera typique de l'opéra français et survivra sous des formes et des appellations diverses non seulement dans Iphigénie en Aulide de Gluck (1774), mais jusque dans Faust de Gounod (1859), Samson et Dalila de Saint-Saëns (1877) et Pâdmâvati d'Albert Roussel (1918). On appelait aussi divertissement, aux XVIIe et XVIIIe siècles, les parties de chant ou de danse (auxquelles venait s'ajouter le vaudeville final) intercalées dans une pièce.

   Dans la musique instrumentale (mais aussi parfois vocale) de la fin du XVIIe siècle et de la plus grande partie du XVIIIe, le terme « divertissement », qui évoque surtout pour nous certaines œuvres de Haydn, de Mozart et de leurs contemporains, recouvre des réalités fort diverses. Pour la musique de chambre, en particulier germanique, du milieu du XVIIIe siècle, les termes « divertissement », « sérénade », « nocturne », « cassation » furent souvent employés de façon synonyme, et, inversement, les sources différentes d'une même œuvre utilisent souvent l'un ou l'autre. Des quatre, celui de « divertissement » a la portée la plus générale, au point de pouvoir éventuellement englober les trois autres, et surtout la plus fonctionnelle, la plus liée en soi au fait de distraire, de « divertir ». Pour H. C. Koch, le divertimento est un ouvrage à deux, trois, quatre ou plusieurs parties instrumentales, avec un seul instrument par partie et tournant le dos non seulement à la polyphonie mais aussi au « travail thématique » propre au style sonate. Pour Mozart, fidèle en cela à la tradition salzbourgeoise, c'est essentiellement (mais non exclusivement) une œuvre tendant vers la musique de chambre, avec un seul instrument par partie, en plusieurs mouvements et pour cordes et/ou vents, ceci par opposition à la sérénade, conçue en principe pour orchestre et destinée à des occasions plus solennelles. L'origine de ce concept de divertissement semble se trouver dans la musique de chambre vocale italienne de la fin du XVIIe siècle : en 1681, Carlo Grossi appela son opus 9 Il Divertimento di Grandi, musiche da camera o per servizio di tavola… con dialogo amoroso e uno in idioma ebraico. Vers 1730, Francesco Dutante publia des Sonate per cembalo divise in studi e divertimenti, distinguant ainsi des œuvres « sérieuses » et « légères ». Pour la musique de clavier, le terme passa d'Italie en Autriche, où il fut repris notamment par Georg Christoph Wagenseil, et à sa suite par Joseph Haydn. Celui-ci, se faisant ainsi le reflet d'une tradition assez spécifiquement autrichienne, appela longtemps (jusqu'au début des années 1770) « divertimento » des œuvres qui, pour nous, sont des sonates pour clavier, des quatuors à cordes ou des trios pour baryton. Par exemple, tant que ses œuvres pour clavier en plusieurs mouvements n'étaient destinées qu'à « divertir » ou à des cercles réduits, Haydn les qualifia de divertimentos ; dès qu'elles devinrent plus ambitieuses (sonate en ut mineur no 33 Hob. XVI. 20, de 1771), ou surtout destinées à l'édition (sonates nos 36-41 Hob. XVI. 21-26, de 1773), il les qualifia de sonates. De même, il appela « divertimentos » ses quatuors jusqu'à l'opus 20 (1772) et ne leur donna leur dénomination moderne qu'à partir de l'opus 33 (1781). D'une façon générale, on peut dire qu'avant 1780 le concept de divertimento englobait (ou pouvait englober), en Autriche, toute musique instrumentale non orchestrale, même de caractère sérieux, et qu'après cette date seulement il s'appliqua plus spécifiquement à une musique de caractère plutôt léger.

   Le caractère de légèreté du divertissement se perpétua largement au XIXe siècle (notamment dans le pot-pourri) et, surtout, au XXe, mais le terme lui-même survécut à peine au XVIIIe (Divertissement à la hongroise D 818 de Schubert, Divertissement op. 6 de Roussel, Divertissement pour cordes de Bartók).

   Dans la fugue, on appelle divertissements des épisodes plus détendus et plus libres que le reste, qu'on trouve en particulier juste avant la strette, mais dont la présence n'a cependant rien d'obligatoire.