Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Leinsdorf (Erich)

Chef d'orchestre américain d'origine autrichienne (Vienne 1912 – Zurich 1993).

Après avoir terminé ses études (piano, violoncelle et composition) à l'académie de musique de sa ville natale, il est engagé comme répétiteur au Singverein der Sozialdemokratischen Kunstelle, que dirige Webern. De 1934 à 1937, il est l'assistant de Bruno Walter, puis de Toscanini au festival de Salzbourg. À la suite d'une tournée remarquée en Italie, il est nommé, en 1937, sur la recommandation de Lotte Lehmann, chef assistant au Metropolitan Opera de New York, où il débute en dirigeant la Walkyrie. Malgré l'opposition de certains chanteurs, dont Lauritz Melchior et Kirsten Flagstad, il se voit confier en 1939 la responsabilité du répertoire allemand. Il succède en 1943 à Arthur Rodzinski, à la tête de l'orchestre de Cleveland, qui rompt son contrat en 1946.

   Après avoir été directeur musical de l'orchestre philharmonique de Rochester (1947-1955), Leinsdorf renoue avec les théâtres lyriques, dirigeant tour à tour le New York City Opera (1956), puis le Metropolitan Opera (1957-1962), en tant que conseiller musical. Deux demi-échecs pour cet ennemi de la routine, qui accepte un dernier poste, celui de directeur musical de l'orchestre symphonique de Boston (1962-1969). Il y poursuit l'action de Charles Munch en élargissant le répertoire. À partir de 1969, renonçant à tout poste fixe, il mène une carrière de chef invité, aussi bien au Metropolitan (qu'il dirige à Paris, dans le cadre du Théâtre des nations) que dans différents festivals (en 1972, il dirige Tannhäuser à Bayreuth). Il se consacre de plus en plus à la pédagogie, aussi bien par des cours de perfectionnement, à Tanglewood, en particulier, que par des concerts pour enfants.

   Méconnu en Europe, où sa carrière lui a valu une réputation d'instabilité, Leinsdorf a toujours défendu une conception ludique de la musique, privilégiant la spontanéité et l'intuition. Sa direction est à l'image de l'homme : élégante et probe.

Leipzig

Cette ville de Saxe, où naquit Richard Wagner en 1813 et qui est aujourd'hui intégrée dans la République allemande, fut aux XVIIIe et XIXe siècles une grande capitale musicale, avec ses deux grandes églises, Saint-Thomas et Saint-Nicolas, et leurs écoles de musique.

   La Thomasschule, attachée à l'église Saint-Thomas, école publique ancienne, était célèbre pour ses chœurs formés de jeunes garçons de dix à dix-neuf ans, étudiants en musique, les alumni, qui chantaient la messe pendant les services religieux. Elle compta parmi ses « cantors » Stephani von Orba (à partir de 1435), Sethus Calvisius (1594-1615), Johann Hermann Schein (1615-1630), Johann Kuhnau (1701-1722) et surtout Jean-Sébastien Bach, qui reprit le poste à la mort de Kuhnau et l'assura de 1723 à 1750. Parmi les cantors plus récents, on peut citer J.-A. Hiller (1789-1804) et, de nos jours, Günther Ramin (à partir de 1950), Kurt Thomas (1955-1961), Mauesberger (1961-1972), H. J. Rotzsch (1972).

   Les concerts du Gewandhaus sont une tradition célèbre à Leipzig. Ces concerts réguliers, fondés en 1743 par Johann Friedrich Doles, qui dirigeait alors un ensemble de 17 exécutants, furent interrompus entre 1756 et 1763 par la guerre de Sept Ans, sous Frédéric-Auguste II, mais ils ressuscitèrent en 1763 avec un effectif instrumental plus important, et, à partir de 1781, se donnèrent dans une salle attenante à l'ancienne halle des marchands de lin, le Gewandhaus (la « maison du vêtement »). En 1884, ils s'installèrent dans une salle plus grande et d'acoustique meilleure. Un nombre considérable de musiciens réputés ont été chefs titulaires du Gewandhaus : parmi ceux-ci, Felix Mendelssohn (1835-1847), Niels Gade (1847-48), Karl Reinecke (1860-1895), Arthur Nikisch (1895-1922), Wilhelm Furtwängler (1922-1929), et, à partir de 1970, Kurt Masur. C'est l'orchestre du Gewandhaus qui jouait à l'opéra de Leipzig. Inauguré en 1693 avec l'Alceste de N.-A. Strungk, cet opéra fut, au XVIIIe siècle surtout, un des hauts lieux du Singspiel allemand, sous la direction de Georg Philipp Telemann puis, après une interruption, de J.-A. Hiller. C'est là que fut créé pour l'Allemagne l'Oberon de Weber en 1828. Au XXe siècle, on y créa plusieurs opéras modernes allemands : en 1927, Johnny joue (Johnny spielt auf) d'Ernest Křenek, premier opéra occidental intégrant le jazz ; en 1930, Mahagonny (Aufstieg und Untergang der Stadt Mahagonny) de Kurt Weill et Bertolt Brecht ; en 1948, Die Nachtschwalbe (« l'Engoulevent ») de Boris Blacher. À l'orchestre du Gewandhaus, il faut ajouter l'orchestre symphonique de Leipzig.

   Le conservatoire de musique de Leipzig fut créé en 1843 par Mendelssohn, qui y donnait des leçons de piano et de composition, et qui invita notamment Schumann à y enseigner (c'est à Leipzig que Schumann avait étudié le droit, rencontré Friedrich Wieck et sa fille Clara, et fondé en 1834 sa revue musicale, la Neue Zeitschrift für Musik). Actuellement nommé Staatliche Hochschule für Musik, ce conservatoire servit de modèle à d'autres écoles de musique fondées par la suite. L'Institut de musicologie, attaché à l'université, fut également un centre réputé de recherches et d'enseignement, notamment sous la direction de Riemann. Plusieurs éditeurs de musique importants se sont installés à Leipzig : Eulenburg (jusqu'en 1939), Breitkopf und Härtel (jusqu'en 1952), Peters, etc., mais la division de l'Allemagne en a fait émigrer une partie après la Seconde Guerre mondiale. Après la réunification, Breitkopf und Härtel a conservé son siège principal à Wiesbaden, mais en installant des branches à Leipzig et à Paris.

leitmotiv (all. ; « motif conducteur »)

Terme inventé par le directeur des Bayreuther Blätter, Hans von Wolzogen, à l'usage du drame wagnérien, et qui a supplanté le terme employé par Wagner lui-même, le Grundthema (« thème fondamental »).

Le leitmotiv est un thème qui, associé par convention à une idée ou à un personnage, permet à la musique, par la manière dont il est employé et éventuellement varié, non seulement d'évoquer la présence de cette idée ou de ce personnage, mais encore d'en suggérer les transformations ou de révéler les pensées secrètes des acteurs, voire de servir de base, à la manière d'un thème de symphonie, à l'architecture d'une scène musicale.

   Contrairement à ce que l'on croit souvent, le système du leitmotiv, qui devait transformer de fond en comble la conception du théâtre lyrique à la fin du XIXe siècle, n'a pas été inventé par Wagner. On en trouve chez Grétry. L'idée semble en avoir été aussi suggérée par Grillparzer à Beethoven, pour un projet d'opéra, Mélusine, jamais réalisé. C'est Berlioz (Idée fixe de la Symphonie fantastique), suivi par Liszt (dans ses poèmes symphoniques), qui en fut le véritable créateur, mais Wagner, après lui, l'a non seulement codifié, mais développé et poussé dans ses dernières œuvres à un tel degré de perfection et de richesse que l'on peut légitimement lui en laisser le patronage.