Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
O

octuor

1. Formation instrumentale de musique de chambre comprenant huit instruments, à vent ou à cordes, et souvent une combinaison des deux (ex. : clarinette, cor, basson, deux violons, alto, violoncelle et contrebasse, pour l'œuvre Anaktoria de Yannis Xenakis, composée en 1969 à l'intention de l'Octuor de Paris). On dit aussi parfois, par anglicisme, « octette ».

2. Pièce musicale écrite pour huit instruments. On peut citer comme octuors les sérénades KV 375, 1781 et KV 388, 1782 de Mozart, l'Octuor op. 103 de Beethoven, pour instruments à vent, 1792 (deux hautbois, deux clarinettes, deux cors, deux bassons), l'Octuor en fa majeur D. 803 pour cordes et vents de Schubert, 1824 (quintette à cordes, cor, basson, clarinette), et celui pour cordes seules, mi bémol op. 20, 1825, de Mendelssohn. Et aussi, parmi les octuors modernes, ceux de George Enesco, 1900, Igor Stravinski, 1923 (pour vents seuls), Darius Milhaud (1948-49, formé de la superposition de deux quatuors à cordes jouables simultanément !), Paul Hindemith, 1958, Dimitri Chostakovitch, Claude Ballif, Yannis Xenakis, etc. L'octuor peut adopter la forme du divertissement en plusieurs mouvements, ou de la sonate.

3. Dans un opéra ou une cantate, air ou passage écrit pour huit voix distinctes : le troisième acte de la Walkyrie de Wagner, par exemple, contient des octuors de Walkyries.

ode (grec ôdé, " chant ", puis, plus particulièrement, " poésie lyrique ")

Ce terme désigne en général un poème destiné à être chanté, ou une œuvre musicale lyrique (par opposition à dramatique), dont le style est large et noble, et dont l'objet est souvent la célébration ou la commémoration d'un héros, d'une circonstance, etc. Chez les Grecs anciens, l'ode était un genre chanté, en chœur ou en solo, où poésie et musique étaient conçus ensemble, par des poètes-musiciens comme Alcée, Sapho et Pindare (v. 518 – v. 438 av. J.-C.), avec ses quatre livres d'odes triomphales qui célébraient par exemple les vainqueurs des jeux Olympiques. Le genre de l'ode fut repris par des poètes latins, comme Horace, qui publie entre 30 et 13 av. J.-C. quatre livres de Carmina (odes) inspirés plus souvent par l'ode légère et méditative d'Alcée et Sapho que par l'ode grandiose de Pindare, comme il le confesse lui-même. L'ode pindarique a une forme très nette, en trois parties, introduite par Stésichore : strophe et antistrophe, sur une mélodie commune, puis épode, sur une musique différente. Celles d'Horace ont des formes assez variées par strophes de quatre vers, mais ont en commun la recherche d'une certaine complexité métrique.

   Le genre de l'ode survit au Moyen Âge, avec le souvenir de l'ode antique, mais c'est au XVIe siècle qu'il fait l'objet d'une véritable entreprise de résurrection : à travers lui, on veut notamment retrouver cette fameuse union primitive du verbe et de la musique, qui était à la base de la musique des Anciens. Ces odes mesurées à l'antique sont harmonisées à trois ou quatre voix homorythmiques, sur des textes allemands ou latins, et fleurissent avec les œuvres de Sethus Calvisius, Ludwig Senfl, Claude Goudimel.

   Avec ses thèmes religieux, humanistes ou solennels, l'ode est par excellence le genre savant et noble. Plus tard se développe l'ode de forme libre, qui se libère des jeux métriques complexes et devient un genre de célébration et d'hommage, pour les mariages, les fêtes, les anniversaires ou les funérailles (Ode à sainte Cécile, 1692, de Purcell, Ode à sainte Cécile, 1739, de Haendel, Ode funèbre, BWV 198, 1727, de Jean-Sébastien Bach). On ne trouve plus ensuite, aux XVIIIe et XIXe siècles, que des odes isolées, souvent en référence à l'antiquité et de forme très variable (Ode anglaise, 1789, perdue, de Philidor, Ode à la musique, 1890, de Chabrier, quelques essais de mise en musique des odes d'Horace, et l'Ode à Napoléon, 1942, de Schönberg, d'après Byron).

Odington (Walter)

Savant et théoricien anglais (actif de 1298 à 1316 env.).

Moine à Evesham, abbaye bénédictine près de Worcester, il écrivit un traité, Summa de speculatione musicœ, comparable au Tractatus de musica de Jérôme de Moravie, et qu'on peut considérer comme le plus important et le plus complet alors rédigé en Angleterre.

Odon de Cluny

Abbé de Cluny (Maine v. 879 – Tours 942).

Il reste de lui trois hymnes et douze antiennes pour l'office de Saint-Martin du 11 novembre, ainsi que des écrits. On lui a également attribué un certain nombre de « tonaires », en fait sensiblement postérieurs.

Offenbach (Jacques)

Compositeur français d'origine allemande (Cologne 1819 – Paris 1880).

Connu comme le plus grand compositeur d'opérettes, le roi des divertissements du second Empire, le « Mozart des Champs-Élysées » (Wagner), il a été pour cela aussi fêté d'un côté que mésestimé de l'autre. Parce qu'on s'amuse à la Belle Hélène, ou à Orphée aux Enfers, on tend à considérer la musique de ces œuvres comme indigne d'être mesurée à celle des grands ­ alors que, comme l'a relevé René Leibowitz, c'est une véritable musique d'opéra ample et inventive.

   Jacob Eberst était le fils d'un cantor de la synagogue de Cologne, qui était originaire de la localité d'Offenbach-sur-le-Main. De là vient le pseudonyme qu'il prit par la suite. Il apprend le violon avec sa mère, ainsi que le violoncelle, instrument où il deviendra un virtuose. C'est par des récitals de violoncelle dans les salons qu'il commencera à entrer dans la carrière en 1834, avec un répertoire de pièces qu'il écrivit pour cet instrument (duos, romances, danses) et qui restent les seules pièces de « musique pure » dans sa production. En 1833, il est amené à Paris, et accepté, par Cherubini comme élève au Conservatoire de Paris, malgré son origine étrangère (qui, selon les règles en usage, devait lui en interdire l'accès).

   Particulièrement indiscipliné, il n'y reste qu'un an, dans la classe de violoncelle de Veslin, et finit par être engagé comme violoncelliste de fosse dans des orchestres d'opéra-comique, d'abord à l'Ambigu-Comique, puis à l'Opéra-Comique, salle Favart. Il travaille la composition avec Jacques Fromental Halévy, oncle de Ludovic Halévy, qui devait collaborer avec lui comme librettiste. Sa première œuvre, Pascal et Chambord, est créée en 1839 sans succès. Pendant huit ans, il n'en compose pas d'autre, et gagne sa vie comme violoncelliste en tournée, en Allemagne, en Autriche, en Angleterre. En 1844, il épouse Herminie d'Alcain, après s'être converti au catholicisme ; il aura d'elle cinq enfants.

   Après d'autres tentatives dans l'opérette, il finit par accepter, sur la proposition d'Arsène Houssaye, le poste de chef d'orchestre à la Comédie-Française. Il a sous sa baguette un petit ensemble qui joue pendant les entractes et accompagne d'éventuelles romances et chansons introduites dans l'action. Celle qu'il compose pour le Chandelier de Musset (la « Chanson de Fortunio ») ne peut être chantée par l'acteur Delaunay, trop inhabile au chant.

   Devant la difficulté de faire jouer et réussir les opérettes qu'il se remet à écrire (comme Pepito, 1853 ; Oyayaie ou la Reine des Îles, 1855), il prend en 1855, l'année de l'Exposition, la gestion d'un minuscule théâtre situé aux Champs-Élysées et qu'il baptise Bouffes-Parisiens. C'est là que ses opérettes, encore de petite dimension (comme le règlement lui en faisait obligation pour son théâtre), commencent à obtenir un succès qui se répand à l'étranger. Il cumule les rôles de compositeur, directeur de troupe, répétiteur de l'orchestre, intervient dans la mise en scène, etc., manifestant son tempérament d'infatigable travailleur. Les Bouffes-Parisiens déménagent dans un théâtre plus grand, passage Choiseul. Ses librettistes sont de Forges et Riche, Jules Moineaux (les Deux Aveugles, 1855), Hector Crémieux (Élodie, 1856), Ludovic Halévy (à partir de Ba-Ta-Clan, 1855), Michel Carré (à partir de la Rose de Saint-Flour, 1856), Meilhac, Tréfeu, Scribe, etc.

   Après une série de succès obtenus par des opéras bouffes en un acte, il fait donner ses pièces dans des théâtres plus importants, pour s'attaquer à des entreprises de plus grande dimension. Orphée aux Enfers (1858, livret de Crémieux et Halévy), avec ses deux actes, inaugure la série des grandes opérettes parodiques et frondeuses, et lui fait passer ce cap décisif. Suivent une multitude de créations, dont on retiendra Monsieur Choufleuri restera chez lui le… (1861, livret de Crémieux, Halévy, Lépine et du duc de Morny), Barkouf (1860, opéra-comique écrit par Scribe et Boisseau), la Belle Hélène (1864, livret de Meilhac et Halévy), Barbe-Bleue (1866), la Vie parisienne (1866), et la Grande-Duchesse de Gerolstein (1867), avec la même équipe, Robinson Crusoë (1867), opéra-comique où il prouve son art dans le style « sérieux », la Périchole (1868, livret de Meilhac et Halévy), etc.

   Il devient la vedette du second Empire et de sa cour. Son interprète favorite, celle pour qui fut écrite la Belle Hélène, est Hortense Schneider. Il aime, tout en travaillant, vivre en société, s'occuper des autres, et sa réputation est immense. La guerre de 1870, avec la fin du second Empire, interrompt cette période heureuse, et l'expose à des attaques xénophobes, bien qu'il se soit fait naturaliser français en 1860. Il doit quitter Paris quelque temps, puis après les événements de 1870 et 1871, il tente de repartir avec le Roi Carotte (1872, livret de Sardou), le Corsaire noir (créé à Vienne, 1872, sur un livret de lui-même) et Fantasio, d'après Musset (1872).

   Il prend en 1872 la direction de la Gaîté-Lyrique, où il monte ses œuvres avec plus de fastes et de machineries (nouvelle version d'Orphée en 1874, le Voyage dans la lune, 1875, que suivirent le Docteur Ox, 1877, Madame Favart, 1878, la Fille du tambour-major, 1879). Mais cette entreprise le ruine, et, en 1876, il doit abandonner le théâtre, vendre une partie de ses biens et entreprendre une tournée (triomphale) aux États-Unis pour rétablir sa situation.

   Tourmenté par la « goutte » (diathèse), il revient encore plus souffrant, mais toujours en activité, écrivant sur un livret des frères Barbier les Contes d'Hoffmann, vieux projet d'opéra-comique dans lequel il voulait mettre le meilleur de son inspiration fantasmagorique. Mais il meurt le 3 octobre 1880 avant de les avoir achevés. La première des Contes d'Hoffmann, orchestrés par Ernest Guiraud, a lieu le 10 février 1881, dans une atmosphère de consécration posthume.

   Comme on l'a dit, Offenbach est un musicien dont la réputation a eu à souffrir de l'absurde hiérarchie des genres : souvent seul l'humour des paroles et des situations place ses opérettes sous le signe du divertissement sans prétention. La musique d'Orphée aux Enfers, ou de la Belle Hélène égale ou surpasse en invention, en qualité mélodique, en sens dramatique bien des opéras sérieux. S'il pastiche l'opéra, ce n'est pas pour singer un genre dont il ne posséderait pas l'étoffe ; c'est en grand musicien doué d'une certaine vertu d'intelligence, d'ironie et de goût pour l'humour, qui lui fait facilement voir toute chose sous l'angle drôle. De surcroît, il travailla souvent avec des librettistes de grand talent, extrêmement efficaces dans un humour de parodie et de « nonsense ». On a relevé cependant dans maint passage de son œuvre une mélancolie à peine cachée ­ non pas mélancolie romantique, « spleen » cultivé avec amour, mais mélancolie très humaine et sans pose. On peut le rapprocher de ces burlesques géniaux du cinéma muet (Chaplin, Langdon, Keaton), ou d'un Boris Vian dont on ne connaîtrait que le visage de l'amuseur.