Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
E

ethnomusicologie (suite)

Le retour aux valeurs d'art

L'apparition de la bande magnétique, puis celle du magnétophone portatif, qui permettaient des enregistrements faits sur place dans les régions les plus reculées, suivis du disque microsillon qui en permettait une large diffusion, donnèrent une dimension nouvelle à la musique de tradition orale. On recréait, par l'enregistrement, un objet musical supérieur en fait à la partition puisqu'il inclut, dans le moindre détail, tous les éléments d'expression, de style, de mouvement, que la partition ne peut au mieux que suggérer. C'est donc seulement depuis le milieu du XXe siècle que l'art musical des différentes civilisations de tradition orale a pu prendre sa place auprès du grand public, d'abord par des séries de disques de haute valeur artistique, en particulier les collections de disques de l'Unesco. La première anthologie de la musique classique de l'Inde fut publiée par Ducretet-Thomson en 1955. C'est en grande partie grâce au disque qu'une place de plus en plus importante a pu être accordée aux musiciens traditionnels et aux spectacles musicaux de l'Asie et de l'Afrique dans les programmes de concerts auparavant réservés à la musique occidentale. L'appropriation par l'ethnomusicologie de la musique de l'Asie et de l'Afrique, considérée comme primitive parce que non écrite, devait aller de pair avec son appréciation par un public musicien de plus en plus vaste qui en admirait les chefs-d'œuvre. D'assez nombreux jeunes musiciens occidentaux étudient aujourd'hui la musique indienne et en deviennent des interprètes valables. Mantle Hood à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA) a constitué un gamelan javanais et établi un important centre d'enseignement pratique de la musique indienne et indonésienne. À Paris, un musicien vietnamien, Tran Van Khe, dirige, dans le cadre de l'Institut de musicologie, un centre d'études de musique orientale. Un centre d'enseignement a été créé à Venise sous la direction de Ivan Vandor.

   À l'Institut d'études comparatives de la musique créé à Berlin en 1963 et à Venise en 1970 pour la diffusion, dans la culture générale, de l'art musical des diverses civilisations de l'Asie et de l'Afrique, le terme ethnomusicologie a été banni comme représentant un eurocentrisme fleurant le colonialisme, et inacceptable pour les musiciens des cultures extra-européennes qui restent stupéfaits et outragés lorsque l'on prétend étudier, sans les consulter, leur art musical comme s'il s'agissait d'un art enfantin, plus ou moins spontané, analogue au bruissement des insectes ou au chant des oiseaux.

   L'ethnomusicologie, qui a rendu des services indéniables, apparaît aujourd'hui, grâce au contact des cultures, une conception dans beaucoup de cas dépassée et dont les méthodes sont à reconsidérer. Menacée dans ses privilèges, elle devra peu à peu s'adapter à son rôle devenu secondaire, les valeurs d'art triomphant de la curiosité ethnologique.

ethos

Mot grec difficilement traduisible impliquant le « caractère » d'un ensemble donné avec une valeur à la fois esthétique, psychologique et moralisatrice.

Les Grecs attribuaient un ethos défini, en musique, à chacune de leurs harmonies, ce qui doit probablement être compris comme se rapportant non pas aux modes tels que les entend la théorie moderne (les Grecs en ignoraient jusqu'au terme), mais à certains types mélodiques définis se rattachant, comme il est fréquent dans les musiques primitives ou orientales, à des situations sociales ou religieuses également définies, en incluant ce que J. Chailley a appelé le « mode formulaire ».

   La doctrine de l'ethos des harmonies (qu'on a traduit à tort par « l'ethos des modes ») est exposée avec force par Platon dans la République, puis par Aristote dans la Politique, et a été maintes fois reprise au cours des siècles sous leur autorité (sur sa portée historique réelle, dorien). Plusieurs auteurs médiévaux ont tenté de l'appliquer aux 8 modes de plain-chant (les chapiteaux de Cluny en sont un témoignage) sans que la doctrine s'en soit vraiment généralisée, et Luther lui-même s'en est fait l'écho dans son travail d'élaboration de la « deutsche Messe ». De là, on est passé, au XVIIe siècle, à l'idée d'un « ethos des tonalités », en attribuant un caractère défini à chaque tonalité majeure ou mineure. Plusieurs auteurs, dont Marc-Antoine Charpentier, nous ont ainsi laissé des tables d'ethos, parfois contradictoires entre elles. Avec la généralisation du tempérament égal au XIXe siècle, très antérieur à la normalisation du diapason, l'ethos des tonalités est devenu une théorie sans consistance (tout au plus peut-on dire que sur certains instruments, par le jeu des doigtés ou des cordes à vide, certaines tonalités sonnent mieux que d'autres, indépendamment de toute hauteur absolue).

   Cette notion ne s'en est pas moins transmise jusqu'à nous, avec de multiples flottements d'ailleurs. On la trouve encore parfois évoquée de nos jours, avec référence cette fois à la seule hauteur absolue du diapason, sans égard aux variations que subit en fait ce diapason, tant dans l'accord des instruments que dans les appareils de reproduction sonore, dont les variantes de tension provoquent fréquemment des distorsions de fréquences pouvant dépasser le demi-ton sans entamer la croyance dans l'ethos de la tonalité inscrite sur l'étiquette.

Etkin (Mariano)

Compositeur argentin (Buenos Aires 1943).

Ses études à Buenos Aires, puis en Europe, l'ont mis en contact avec des personnalités aussi diverses que Boulez (1965-66, à Bâle), Ginastera, Maurice Le Roux, Earle Brown, Xenakis, Sessions. Il a également étudié la musique électronique à l'université d'Utrecht avec Gottfried Koenig et a travaillé à la Juilliard School de New York avec Berio (1969-70). Il a remporté de nombreux prix de composition internationaux, notamment celui de la radio hollandaise avec Elipses pour orchestre à cordes (1969). Pianiste et chef d'orchestre spécialisé dans la musique contemporaine, il est devenu une des personnalités les plus actives de la musique argentine. L'éclectisme de son style de composition reflète les nombreuses influences qu'il a subies. Il a abordé le domaine de la musique aléatoire avec un Quintette à vent (1961). On peut citer parmi ses œuvres Distancias pour piano (1968) et des pièces pour différentes formations instrumentales : 3 Parabolas pour orchestre de chambre (1963), Entropias pour 7 cuivres (1965), Estáticamóvil I et II (1966), etc.