Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Groupe des six

C'est le critique Henri Collet qui, dans deux articles de Comœdia (16 et 23 janvier 1920), désigna, par analogie avec les « Cinq » russes, les « Six » français, groupement amical de jeunes compositeurs comprenant G. Auric, L. Durey, A. Honegger, D. Milhaud, F. Poulenc et G. Tailleferre. Grâce à Auric, qui le connaissait, Satie devint vite leur parrain. Désignés sous le titre de « Nouveaux Jeunes » pour leurs premiers concerts donnés sous l'impulsion de Blaise Cendrars, d'abord dans l'atelier du peintre Lejeune, puis au théâtre du Vieux-Colombier dirigé par Jeanne Bathori (1918), ils suscitèrent vite la curiosité et retinrent l'attention. C'est alors que Collet les baptisa du nom que l'histoire a retenu. Devenu leur ami, Cocteau se fit leur théoricien, leur porte-drapeau, leur « manager » comme l'a dit Poulenc. Dans Paris-Midi (1919), puis dans le Coq (1920), il donna des articles qu'il réunit dans le Coq et l'Arlequin, véritable manifeste de cette jeune école.

   L'époque peut éclairer les positions esthétiques du groupe. Dans sa dédicace à G. Auric du Coq et l'Arlequin, Cocteau loue ses amis de « s'évader d'Allemagne ». Son coq français « habite sa ferme ». Il exhorte les jeunes musiciens à se dépouiller des vieux oripeaux d'importation étrangère et à « chanter dans leur arbre généalogique ». Il n'est que d'écouter la musique simple, naïve, qui résonne dans nos bals populaires, nos cafés-concerts, qui est celle aussi de nos chansons. L'éclectique « Arlequin », avec son « costume de toutes les couleurs » tout englué d'influences étrangères, est le contraire du « coq ». Au nom de cette « morale » sont rejetés, non seulement les disciples de Wagner, mais Debussy, accusé d'être « tombé… de l'embûche allemande… dans le piège russe ». Le musicien exemplaire, c'est Satie.

   Après tant de drames noirs dont le XIXe siècle s'était repu, les nuages se dissipaient et s'éclaircissait le ciel musical : le temps des « concerts champêtres » et des musiques allègres était venu.

   Si les Mariés de la tour Eiffel (1921) furent leur unique œuvre commune, du moins tous les « Six » collaborèrent-ils avec Cocteau. Chacun pourtant allait suivre sa voie. Comme l'écrivait le poète :

« Auric, Milhaud, Poulenc, Taillefer, Honegger

J'ai mis votre bouquet dans l'eau d'un même vase.

Chacun, étoilant d'autres feux sa fusée,

Qui laisse choir ailleurs son musical arceau

Me sera quelque jour la gloire refusée

D'être le gardien nocturne du faisceau. » (Plain-chant).

   En 1921 se dispersait le « groupe des Six », mais l'impulsion donnée devait porter ses fruits plus tard, et le groupe rester, par-delà les variations de la mode, le symbole de toute une époque.

Grove (sir George)

Musicologue anglais (Londres 1820 – Sydenham 1900).

Ingénieur, archéologue, secrétaire de la Société des arts (1850), puis de la Société des concerts du Crystal Palace (1852), directeur du Royal College of Music lors de sa fondation (1883), il retrouva, lors d'un voyage à Vienne avec Arthur Sullivan (1867), le manuscrit perdu de Rosamunde de Schubert. Il fut le premier à introduire dans les programmes de concerts des commentaires analytiques, et les textes rédigés par lui à cette intention lui donnèrent l'idée de son Dictionnaire de la musique et des musiciens, dont la première édition, en 4 volumes et un supplément, parut entre 1879 et 1889 (il rédigea pour cette édition les articles sur Beethoven, Mendelssohn et Schubert). La deuxième édition parut en 1900 (5 vol.), la troisième en 1927 (5 vol.), la quatrième en 1940 (5 vol. et 1 suppl.), la cinquième en 1954 (9 vol., éd. Eric Blom). La sixième édition (The New Grove Dictionary of Music and Musicians, Londres, 1980, éd. Stanley Sadie), en 20 volumes, comprend par rapport à la précédente 97 p. 100 de textes nouveaux. Une septième édition est prévue pour 1999. On doit également à sir George Grove Beethoven et ses neuf symphonies (Londres, 1896).

Gruenberg (Louis)

Compositeur américain d'origine polonaise (Brest-Litovsk 1884 – Beverly Hills, Californie, 1964).

Arrivé aux États-Unis à l'âge de un an, il fit ses études au conservatoire de New York (1895-1902) et à Berlin avec Busoni (1903), puis se fixa à Vienne. Au début de sa carrière de compositeur, il tenta de concilier l'esprit du jazz avec les formes classiques, et, avec The Emperor Jones (1931) d'après O'Neill (1931), il écrivit le premier opéra américain original. On lui doit encore plusieurs autres ouvrages scéniques, dont Volpone (1945) et Anthony and Cleopatra (1940-1960), quatre symphonies, de la musique de chambre et vocale intégrant parfois un ensemble de jazz.

Grumiaux (Arthur)

Violoniste belge (Villers-Perwin, près de Charleroi, 1921 – Bruxelles 1986).

Élève du conservatoire de Charleroi, puis du conservatoire royal de Bruxelles (1932), il succéda comme professeur de violon dans cet établissement à son maître Alfred Dubois en 1949. Titulaire de nombreux prix et distinctions, il a mené une brillante carrière internationale, et a fait notamment équipe avec Clara Haskil (piano) et, en trio à cordes, avec Georges Janzer (alto) et Eva Czako (violoncelle).

Grummer (Élisabeth)

Soprano allemande (Diedenhofen, Alsace-Lorraine, 1911 – Berlin 1986).

Elle commence sa carrière à Aix-la-Chapelle comme actrice, avant d'y faire ses débuts de cantatrice en 1941 dans Parsifal (première Fille-Fleur). Après divers engagements en Allemagne, elle se lie à l'Opéra de Berlin en 1946. Elle y triomphera dans les principaux rôles lyriques du répertoire allemand : Agathe dans Der Freischütz de Weber, la Maréchale dans le Chevalier à la rose de Richard Strauss, Donna Anna dans Don Juan et la Comtesse dans les Noces de Figaro de Mozart, ainsi qu'Élisabeth dans Tannhäuser et Elsa dans Lohengrin de Wagner. À partir de 1955, elle partage son temps entre Berlin, Hambourg et Vienne. Elle chante également aux festivals de Salzbourg (Donna Anna) et de Bayreuth (Eva).

   La qualité de son timbre et l'émotion qu'elle savait exprimer à travers la musique contribuaient à des interprétations d'un rare mérite. Elle a été appelée par Bernard Lefort en 1978 pour diriger l'école d'art lyrique de l'Opéra de Paris, créée par lui-même.