Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Gervaise (Claude)

Instrumentiste et compositeur français (XVIe s.).

On ne sait rien de sa vie, sinon qu'il vécut à Paris vers 1550, et qu'il fut probablement joueur de viole, puisqu'il a laissé deux livres de pièces pour cet instrument, malheureusement perdus. De 1550 à 1557, Pierre Attaingnant puis sa veuve éditèrent sous son nom six livres de Danceries (branles, pavanes, gaillardes). Beaucoup de ces pièces ne sont que des adaptations pour les instruments de chansons polyphoniques de l'école parisienne (Janequin, Certon). En 1556, Claude Gervaise signa un autre livre contenant « XXVI chansons musicalles a troys parties… » (Attaingnant). 65 danses ont été rééditées par les soins de Henry Expert (Expert Maître XXIII, 1908).

Gesualdo (Carlo) , prince de Venosa

Compositeur italien (Naples v. 1560 – id. 1614).

Issu d'une des familles les plus nobles et les plus anciennes du royaume des Deux-Siciles, il comptait parmi ses oncles le cardinal Carlo Borromeo dont la protection lui fut d'un grand secours tout au long d'une vie d'excès. Son père, compositeur amateur, fonda une académie musicale pour qu'il pût développer ses dons précoces. Il jouait du luth, chantait et composait. G. de Macque, Bartolomeo Roy et Pomponio Nenna firent partie de cette académie qui allait bientôt rivaliser avec celle, plus célèbre, du comte Bardi à Florence. Nenna fut sans doute d'ailleurs le principal maître de Gesualdo et lui enseigna l'art du madrigal. En 1578, Torquato Tasso fut admis à l'académie. Les deux premiers livres de madrigaux de Gesualdo mettent très souvent en musique des textes de ce grand poète.En 1586, Gesualdo épousa sa cousine Donna Maria d'Avalos, femme très belle, dont c'était le troisième mariage. Cette union ne fut guère heureuse : Gesualdo délaissa très vite sa femme qui reporta son affection sur le duc d'Andria. En 1590, découvrant son déshonneur, il fit poignarder les deux amants en sa présence. Redoutant la vengeance des familles, il se réfugia dans son château de Gesualdo et s'y prépara à l'éventualité d'un siège. Doutant de tout, même de la légitimité de son fils, il le fit étouffer. Grâce à son oncle, il put signer un contrat de fiançailles avec Eleonora d'Este, fille d'Alfonso d'Este, duc de Ferrare (1593). Ce second mariage fut encore plus houleux. La famille d'Este s'acharna à faire divorcer Eleonora, qui s'y opposait et réussit à ramener son époux dans le sein de l'Église. Gesualdo composa alors de la musique religieuse, dont un livre de répons pour l'office de ténèbres. Dans ces œuvres, on note pour thème premier celui de la mort avec, en contre-chant, la parole du décalogue : « Tu ne tueras point. »

   L'œuvre de Gesualdo comprend deux parties distinctes : la musique profane et la musique religieuse, chacune correspondant à une époque déterminée. En 1958 fut découvert le manuscrit d'un recueil de dix Gagliarde a 4 per suonare le viole et d'une Sinfonia a quattro antiche qui, avec une pièce de clavecin que possède le British Museum, constitue sa contribution à la musique instrumentale.

   Cette œuvre est le reflet, avec l'audace d'expression d'un musicien attaché à la Renaissance mais qui annonce à plusieurs égards l'époque baroque, des excès d'une vie étonnante. À la lecture de ses six livres de madrigaux à 5 voix (un autre est à 6 voix), on découvre le cheminement d'un compositeur « révolutionnaire », en ce sens qu'il tente l'expérience d'un langage totalement nouveau et libre de toutes contraintes. Quant à l'expression, elle atteint souvent une intensité angoissée, voisine de la violence, soit dans la sensualité de ses madrigaux exploitant au maximum chaque occasion offerte par le texte (par exemple, Moro lasso al mio duolo), soit dans la contrition, le recueillement qui sont l'essence de la musique religieuse. Si on a pu qualifier Gesualdo de « génie hors pair », c'est qu'il a su allier une écriture d'une grande richesse contrapuntique à des recherches d'harmonie, où le chromatisme et les retards (parfois non résolus) conduisent à des dissonances fort en avance pour l'époque.

Gevaert (François Auguste, baron)

Compositeur et musicologue belge (Huise 1828 – Bruxelles 1908).

Fils de boulanger, élevé dans un millieu paysan, il montra des dispositions musicales précoces. En 1841, son père l'envoya à Gand étudier auprès du compositeur Jan Mengal, qui dirigeait alors le conservatoire. Prix de Rome en 1847, Gevaert fit représenter son premier ouvrage lyrique, Hugues de Zomerghem, sans grand succès, et partit pour l'Italie en 1849. Il visita aussi l'Espagne où il composa une Fantaisie sur des motifs espagnols, et l'Allemagne, avant de s'installer à Paris en 1853. Il y vécut jusqu'en 1870, composant une dizaine d'opéras, dont Quentin Durward (1858) fut le mieux réussi, une cantate, Jacob Van Artevelde, des chœurs, un Te Deum, un Quatuor à vents et des récitatifs pour le Fidelio de Beethoven, lors de sa représentation à Paris en 1860. Mais il s'occupait déjà de pédagogie et publia en 1863 un Traité général d'instrumentation. En 1867-1870, il fut directeur de la musique à l'Opéra de Paris, faisant représenter notamment Hamlet d'Ambroise Thomas, le ballet Coppélia de Delibes, et favorisant l'entrée au répertoire du Faust de Gounod en 1869. L'Opéra ayant fermé ses portes lors du siège de Paris, Gevaert retourna en Belgique. En 1872, il fut nommé directeur du conservatoire de Bruxelles, succédant à Fétis. Abandonnant alors presque totalement la composition, il se consacra à l'enseignement et à la musicologie. L'année de sa mort, il écrivit cependant l'hymne national du Congo, Vers l'avenir, sur commande du roi Léopold II. Mais il fut surtout l'auteur du Nouveau Traité d'instrumentation (1885), du Cours méthodique d'orchestration (1890), et du Traité d'harmonie théorique et pratique (1905-1907). Polyglotte, s'étant intéressé aux langues orientales et à la musique antique, il publia également trois ouvrages musicologiques d'une haute érudition : Histoire et Théorie de la musique de l'Antiquité (Gand, 1875-1881), la Mélopée antique dans le chant de l'Église latine (Gand, 1895-1896), et les Problèmes musicaux d'Aristote en collaboration avec Vollgraff (Gand, 1903). Ces ouvrages s'ajoutent à l'excellente Méthode de plain-chant qu'il avait publiée à Paris en 1856. Il était membre de l'Académie de Belgique, et reçut en 1907 le titre de baron.