Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Szokolay (Sándor)

Compositeur hongrois (Kunágota 1931).

Il reçoit sa première éducation musicale à l'école de Békéstarhos, puis vient suivre la classe de Ferenc Szabo et de Ferenc Farkas à l'Académie de Budapest. Entre 1951 et 1957, il enseigne le solfège dans le secondaire. Jusqu'en 1961, il est producteur musical à la radio de Budapest. Depuis, il se consacre à la composition, ayant reçu le prix Erkel en 1960 et 1965, et le prix Kossuth en 1966. Il marque une préférence pour les œuvres scéniques et la musique vocale, dans lesquelles il peut user de sa verve dramatique, de son goût pour l'ostinato rythmique et pour les ornements rythmiques archaïsants, ce qui n'est pas sans rappeler parfois C. Orff. Mais, contrairement au compositeur bavarois, il ne recherche pas que l'effet produit par des percussions multiples, mais se sert, à bon escient, de toutes les formes musicales nécessaires à l'expression dramatique. Ainsi dans les Noces de sang (Vérnász, 1962-1964), Sámson (1973), il adapte chaque forme (rondeau, sonate, caprice, passacaille, trio, variations, etc.) au climat cherché pour soutenir l'action. Il réserve même des formes mélodiques strictement dodécaphoniques aux instants essentiels (dernier adieu des Noces, scène finale de Samson… et intégralité d'Hamlet). Tout comme Berg, dont le Wozzeck reste un modèle pour lui, il a su s'identifier successivement à l'univers de ses librettistes, García Lorca (Vérnász, 1964), Shakespeare (Hamlet, 1966-1968) et László Németh (Samson, 1973). Les deux Quatuors à cordes (1973 et 1982) montrent que Szokolay n'est pas seulement un homme de théâtre, mais aussi un créateur complet. Parmi ses œuvres récentes, un Concerto pour orchestre (1982), l'opéra-Passion Ecce homo (1984), l'opéra Szavitri (1987-1989).

Szymanowska (Maria Agata) , née Wolowska

Pianiste et femme compositeur polonaise (Varsovie 1789 – Saint-Pétersbourg 1831).

Elle travailla à Varsovie avec Lisowski et Gremm. Les tournées qu'elle fit en Europe, de 1823 à 1826, remportèrent un grand succès. Goethe écrivit des poèmes en son honneur. Cherubini la remarqua à Paris et lui dédia une sonate. En 1822, elle fut nommée pianiste de la cour de Russie. Elle a composé des polonaises, des mazurkas, des nocturnes, 24 préludes et études. Son écriture pianistique dénote l'influence de Hummel et de Field (dont elle n'a pas été élève, contrairement à une version accréditée), et annonce directement celle de Chopin.

Szymanowski (Karol)

Compositeur polonais (Timochovka 1882 – Lausanne 1937).

Ce musicien issu d'une famille noble polonaise installée en Ukraine commença à étudier la musique avec son père, dès l'âge de sept ans, puis dans une école de musique d'Elisavetgrad dirigée par son oncle le pianiste Gustav Neuhaus, alors que ses frères et sœurs faisaient tous de la musique, de la peinture ou de la poésie. Son frère Feliks devint pianiste et compositeur, sa sœur Stanislawa cantatrice. Quelques pièces instrumentales, les opéras de jeunesse Roland et la Cime d'or ­ dont les manuscrits sont aujourd'hui égarés ­, constituaient le bagage du jeune compositeur au moment de son arrivée à Varsovie en 1901, où il étudia avec le compositeur Noskowski, se lia d'amitié avec Arthur Rubinstein, Grzegorz Fitelberg et Pawel Kochanski, qui devinrent ses premiers interprètes. Il s'intéressa aux œuvres de Wagner et de Strauss, et fonda le groupe Jeune Pologne, aux côtés de Szeluto, Karlowicz, Rozycki et Fitelberg, pour rechercher de nouvelles voies et combler le vide créé dans la musique polonaise depuis la mort de Chopin ; on étudiait à fond la musique moderne d'Europe. Les concerts des artistes du groupe furent mal accueillis par les critiques conservateurs.

   L'histoire de Szymanowski lui-même est celle d'une lente maturation, de la période des influences reçues de Reger, Strauss, Scriabine, Debussy ou Stravinski, à l'affirmation d'un style personnel. Dans sa première période, alors que ce style n'était pas encore défini, il avait lui-même qualifié sa 1re Symphonie (1906-1907) de monstre harmonique. Toutefois, la 2e Symphonie (1910-11) et la 2e Sonate pour piano (1909-10) remportèrent un grand succès à Vienne, où l'éminent critique Richard Specht en salua l'originalité, la force passionnée. Les éditions Universal proposèrent un contrat au compositeur. Szymanowski lutta contre les tendances des musiciens contemporains qui prenaient pour des œuvres d'avant-garde celles qui n'étaient hardies que par leur forme ou leur technique, sans contenir d'idées nouvelles ; il se fit le champion de la musique en tant que moyen d'expression, bâtissant ses ouvrages sur des thèmes précis, créant un impressionnisme bien à lui où l'accent est mis sur la mélodie, véhicule de l'expression.

   Passionné de culture arabe et orientale, découvrant la Sicile, l'Afrique du Nord, il abandonna parfois le système tonal afin d'utiliser des gammes orientales, imaginant de nouveaux coloris instrumentaux. Il composa deux cycles de mélodies sur des vers du poète persan du XIVe siècle Mohammed Hafiz, les Chants d'amour de Hafiz, en 1911 et 1914. Pianiste virtuose, il n'en œuvra pas moins pour le développement de la technique violonistique. Des traits impressionnistes s'insèrent de manière toute spéciale dans le recueil pour violon et piano intitulé Mythes (1915), comprenant Fontaine d'Aréthuse, Narcisse et Dryades et Pan, où le quart de ton est employé. De 1916 date le cycle pour piano des Masques, dont la perfection n'a d'égale que sa difficulté d'exécution. La période de la Première Guerre mondiale fut très fertile, l'intérêt du musicien pour les possibilités expressives tirées de l'Orient trouva un point élevé d'accomplissement dans la 3e Symphonie, dite « le Chant de la nuit », pour ténor ou soprano, chœurs et orchestre, créée à partir de vers de Djelal ed Din Roumi, le plus grand poète mystique persan. Écrit d'un seul tenant, inspiré par une rencontre avec le poète Micinski, le 1er Concerto de violon (1917) est dominé par une étonnante richesse d'invention, une parure orchestrale d'un raffinement inouï. Pawel Kochanski prodigua ses conseils éclairés lors de la composition des deux concertos de violon de Szymanowski et en écrivit les cadences. Sa sensualité, son expression passionnée, la tension, le mystère contenus dans sa musique achevèrent de distancer Szymanowski des musiciens qui avaient pu l'influencer, alors que son champ d'activité créatrice s'étendait à toutes les formes.

   Les thèmes méditerranéens et orientaux dominent ses opéras Hagith (1913) et le Roi Roger (1918-1924). Le livret du Roi Roger, ouvrage qui représente une somme de culture, est dû au grand poète Jarosðaw Iwaszkiewicz et au compositeur lui-même. Au cours de cette même époque, Szymanowski écrivit un grand roman érotique, Ephebos, dont le manuscrit devait disparaître dans un incendie, à Varsovie, en 1939. Sa vie connut un tournant lorsque les biens de famille furent balayés par la révolution d'Octobre. Après la guerre, le compositeur se rendit à deux reprises en tournée, via Londres, aux États-Unis, aux côtés de Kochanski et de Rubinstein. Il eut à cette même époque la révélation des Ballets russes, de Stravinski et de Diaghilev. Rentré en Pologne, il prépara le ballet Harnasie (1923-1931), sur des motifs populaires polonais. C'est la période où, atteint de tuberculose pulmonaire, il profita de séjours forcés à Zakopane pour étudier les chants, les danses et la musique des Tatras. L'œuvre la plus émouvante de toute sa production reste le Stabat Mater (1925-26). À partir de 1926, il assura la direction du conservatoire de Varsovie, où l'attitude de professeurs hostiles à ses idées novatrices, ajoutée à un labeur écrasant, contribua à ruiner sa santé déjà précaire et l'amena à démissionner. Dans une situation financière catastrophique, il dut rassembler ce qui lui restait d'énergie pour effectuer de longues tournées, jouant la partie de soliste de sa Symphonie concertante pour piano et orchestre (1932).

   Les créations des dernières années ont une structure tonale claire. Synthèses de la musique du nord et du sud de la Pologne, les Mazurkas pour piano (1925) s'élèvent au-dessus des caractères régionaux ; ce sont les seules mazurkas du répertoire qui ne visent pas à l'imitation de Chopin. Dans le 2e Quatuor à cordes (1927), le 2e Concerto de violon (1932-33) et la Symphonie concertante, le folklore, transcendé, parvient à un classicisme de portée universelle. De nouvelles pages chorales virent le jour : les Six Chants de Kurpie (1926), le Veni Creator (1930), les Litanies à la Vierge Marie (1930-1933), partition qui devait rester inachevée, de même qu'un Concertino pour piano, dont le manuscrit disparut lors de la destruction de Varsovie en 1945. Szymanowski eut le temps d'assister au succès de son ballet Harnasie, à Prague en 1935, à Paris en 1936 ; il s'éteignit dans un sanatorium de Lausanne le 29 mars 1937.

   Si sa musique connut une éclipse, c'est finalement à la faveur du renouveau de la musique polonaise d'après 1956 que s'est révélée la dette envers un maître qui élabora un style de musique nationale, de même que Chopin avait défini un style au XIXe siècle. On n'a pu qu'explorer avec profit, et on explorera encore longtemps, l'apport de Karol Szymanowski sur le plan de la technique instrumentale, de l'harmonie, de la conception chorale et orchestrale, tout en saluant sa richesse expressive et l'élévation de sa pensée.