Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
G

Guiraud Riquier de Narbonne

Troubadour (Narbonne v. 1230 – ? v. 1292).

D'origine modeste, il se trouve d'abord dans l'entourage d'Amauri IV de Narbonne avant de vivre une dizaine d'années à la cour d'Alphonse le Sage de Castille. Il compte parmi les tout derniers troubadours. En 1280, il revient en Languedoc, s'intéressant particulièrement à la poésie religieuse. Il a écrit une œuvre considérable, à commencer par le « planh » sur la mort d'Amauri de Narbonne. Environ quatre-vingt-dix pièces nous sont parvenues, dont quarante-huit notées (chansons, pastourelles ­ genre où il excelle ­, prières, sirventès, albas, etc.). C'est avec lui que la poésie provençale s'éteint.

Guiraut de Borneil
ou Guiraut de Bornelh

Troubadour (Excideuil, Dordogne, v. 1138 – ? v. 1215).

Il est d'origine modeste, mais ses contemporains l'ont appelé le « maître des troubadours ». Il part pour la troisième croisade avec Philippe Auguste, Frédéric Barberousse et Richard Cœur de Lion et séjourne en Autriche. Sur un total de cent vingt-cinq pièces, quatre-vingts sont certainement de lui (chansons, pastourelles, romances, aubes). Quatre seulement sont notées, dont la plus célèbre est la chanson d'aube (ou « alba ») Reis glorios. Dante appréciait beaucoup la souplesse de son lyrisme.

guitare

Instrument à cordes pincées et à manche dont les origines sont imprécises et fort anciennes.

Selon certaines hypothèses, le véritable ancêtre de la guitare serait le luth chaldéo-assyrien qui, passant par l'Arabie et la Perse, se serait finalement fixé en Espagne, à la faveur de l'occupation maure. Selon d'autres, la guitare dériverait de la cithare romaine, d'origine assyrienne et grecque, et aurait fait son apparition en Espagne avant l'invasion arabe. Étymologiquement, le mot vient de kithara (égyptien) ou ketharah (assyrien) et se retrouve dans de nombreuses langues méditerranéennes (arabe : kuitra ; chaldéen : chetharah ; grec : cithara ou citharis ; romain : cithara, etc.) et désigne pendant longtemps divers instruments à cordes pincées, depuis les formes achaïques de harpes ou de lyres aux divers types de luths. Les miniatures du Moyen Âge désignent sous les appellations de rotte, cithern, zither, cithrinchen, guiterne, suivant les pays, divers types d'instruments, s'apparentant déjà au luth par leur caisse bombée et ovale, tandis que les formes de la guitare telle que nous la connaissons commencent à s'ébaucher. Le plus ancien document qui témoigne de l'existence de la guitare proprement dite est un manuscrit du XIIIe siècle, les Cantigas de santa Maria, attribué au roi de Castille Alphonse X le Sage, et dont une miniature représente deux types d'instruments, appelés depuis « guitare mauresque » et « guitare latine », la première à caisse ovale, la seconde à caisse plate, aux bords incurvés et munie de quatre cordes en boyau. Les deux instruments coexistent jusqu'au XVIe siècle qui voit disparaître la « guitare mauresque » au profit du luth, tandis que la guitare, débarrassée de son qualificatif « latine », continue son évolution. Elle est souvent appelée « vihuela » dans l'Espagne de ce temps (du latin fidicula, qui donnera fidula, puis vitula), terme qui désignait en fait toute une famille d'instruments à plectre (vihuela de peñola), à archet (vihuela de arco) ou à main (vihuela de mano). Celle-ci est ordinairement munie de six cordes doubles (chœurs) accordées ainsi : sol, do, fa, la, ré, sol. La guitare était, en fait, une petite vihuela pourvue seulement de quatre rangs de cordes : do, fa, la, ré, ou sol, do, mi, la, ou encore fa, do, mi, la. La vihuela eut évidemment la préférence des premiers grands polyphonistes espagnols (L. De Narvaez, L. Milan, Mudarra, Fuenllana, Valderrabaño, Pisador, etc.) qui, en lui donnant un répertoire d'une exceptionnelle qualité, en firent un instrument polyphonique complet. C'est l'adjonction d'une cinquième corde (simple) qui permettra à la guitare d'égaliser la vihuela ; l'accord le plus courant devient alors : la, ré, sol, si, mi. Le XVIIe siècle voit paraître le premier ouvrage important sur la guitare : Nuova inventione d'involatura per sonare li balleti sopra la chitarra espagnola de l'Italien G. Montesardo (Bologne, 1606). Il est bientôt suivi par les Espagnols Luis de Briceño (1626), Ruiz de Ribayaz, Francisco Guerau, et, surtout, Gaspar Sanz (1640-1710) avec son Instrucción de música sobre la guitarra española (Saragosse, 1674), puis en France Francisque Corbett (v. 1615-1681), d'origine italienne, musicien de la Chambre du roi, La Salle, premier maître de guitare de Louis XIV (qui semble avoir assidûment pratiqué l'instrument), De Visée (v. 1660-v. 1720) qui lui succédera, enfin François Campion (1686-1748), théorbiste et guitariste de l'Académie royale de musique, dernier représentant de l'époque baroque et dont la mort marquera le déclin de l'instrument. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle et l'abandon des cordes doubles pour que celui-ci redevienne à la mode. Une sixième corde lui est alors ajoutée et l'accord devient celui que nous connaissons aujourd'hui : mi, la, ré, sol, si, mi. Au XIXe siècle, la guitare moderne est définitivement constituée : caisse en palissandre, mécanisme des chevilles, frettes en métal, etc. De nombreux virtuoses lui donnent un répertoire, tels Carulli (1770-1841), Carcassi (1792-1853), Giuliani (1781-1829), Napoléon Coste (1806-1883), Paganini, qui s'y délassait du violon, et surtout l'école espagnole, représentée principalement par D. Aguado (1784-1849), Fernando Sor (1778-1839) et son élève Julian Arcas (1833-1882). Dans le même temps, l'art flamenco connaît un essor considérable avec des guitaristes tels que Patiño, Murciano, Habichuela, Paco el Barbero, dont le souvenir se perpétue aujourd'hui par l'intermédiaire du légendaire Montoya et de ses disciples, Perico del Lunar, Niño Ricardo, etc. Les tocaores utilisent une guitare en cyprès et sapin, dont les cordes sont montées plus près du manche. Le véritable précurseur de la technique classique actuelle est Francisco Tarrega (1854-1909), qui fera les premières transcriptions de Bach, Haendel, Albéniz, et perfectionnera son jeu en conséquence. Son enseignement se perpétue encore de nos jours par l'intermédiaire de ses élèves, M. Llobet (1875-1938) et surtout Emilio Pujol, infatigable musicologue, pédagogue et compositeur. Grâce à ce dernier et à Andrès Segovia (1893-1987), des compositeurs non guitaristes écriront pour l'instrument : de Falla, Turina, Roussel, Villa-Lobos, M. Ponce, parmi les plus célèbres. Leurs disciples, John Williams, O. Ghiglia, Julian Bream, A. Ponce, Alirio Diaz, etc., sont, avec A. Lagoya et Narciso Yepes, les principaux représentants de la guitare actuelle et parviennent à un degré de virtuosité sans précédent qui incite les compositeurs les plus avancés à leur confier une part importante de leur œuvre, soit parmi d'autres instrumentistes (Henze, Boulez, Kagel, Bussotti), soit en soliste (Ohana, Ballif, Britten, Jolivet, Halffner, Migot, etc.). D'autre part, N. Yepes tente depuis plusieurs années d'augmenter les possibilités de la guitare en jouant sur un instrument à dix cordes (sol bémol, la bémol, si bémol, do, mi, la, ré, sol, si, mi). Parallèlement à cette évolution, les guitaristes de jazz, venus du blues, jouent à l'aide d'un plectre, sur des cordes de métal, et le premier grand virtuose du genre fut le gitan Django Reinhardt (1910-1954), dont le style, à mi-chemin de l'art flamenco et du jazz, devait démontrer d'étonnantes qualités mélodiques et rythmiques. Celles-ci se trouvèrent renforcées par l'amplification électrique, dont un des premiers adeptes fut le génial improvisateur américain Charlie Christian (v. 1916-1942). Vinrent ensuite de grands artistes comme Wes Montgomery, Barney Kessel, Charlie Byrd, et la vogue du rock n'roll, de la « pop music », dont Jimmy Hendrix devait révolutionner le jeu en utilisant, le premier, toutes les ressources dynamiques de l'amplification, puis du folk singing américain qui réintroduit le système des doubles cordes avec la guitare « folk ». Si la guitare classique semble, en gardant ses limites, être parvenue à une relative perfection de facture (grâce à de grands luthiers comme Torres [1817-1892] et Manuel Ramirez [1869-1920]), la guitare électrique fait chaque jour l'objet d'améliorations avec l'emploi de l'électronique, chambre d'échos, pédales « wa-wa », réverbération, synthétiseur, etc., qui devraient lui assurer d'importants développements.